Dans une note intermédiaire de conjoncture sociale, Entreprise & Personnel met en garde contre la généralisation de la négociation collective d’entreprise. En cause: le poids déjà important des négociations obligatoires, la difficulté de parvenir à un accord majoritaire et la fusion des IRP effectuée au détriment d’un dialogue social de proximité.
Et si la principale opposition du projet de loi d’habilitation, actuellement en examen en commission des affaires sociales, venait non pas des organisations syndicales "qui sont pour l’instant plutôt satisfaites de la concertation" mais des DRH eux-mêmes ? C’est ce que craint Entreprise & Personnel qui présentait, hier, un point d’étape de la note annuelle de conjoncture sociale, dévoilée traditionnellement à l’automne.
Au centre des préoccupations de ce think tank qui regroupe quelque 150 DRH de grandes entreprises : la nouvelle articulation entre branches et entreprises qui attribue une place centrale à la négociation collective menée par les DRH. "L’insistance (de cette architecture) mise en avant dans le monde patronal surprend quand on entend beaucoup de professionnels RH se plaindre de la pléthore de négociations dont beaucoup contraintes depuis plusieurs années", insiste Jean-Pierre Basilien, co-auteur de la note avec Eric Ferrreres et Jean-Christophe Debande. Au point "d’entendre plus de critiques devant l’excès de négociation que d’attentes à en ouvrir de nouvelles". "En Allemagne, c’est la branche qui définit le statut du salarié", rappellent même les experts.
La loi Rebsamen a, toutefois, tenté de simplifier les négociations obligatoires, en regroupant les thèmes de discussion en trois séquences (rémunération et temps de travail ; égalité professionnelle et qualité de vie au travail ; gestion des emplois et des parcours professionnels) dont la périodicité peut être assouplie par accord d’entreprise. Mais en réalité, les sujets à aborder restent multiples et chronophages. D’autant "qu’une négociation est toujours l’expression d’un rapport de force", relève Jean-Christophe Debande, directeur de projets au sein de l’association. Et donc source d’affrontement.
La nouvelle réforme du code du travail ne devrait pas changer la donne. Même si sur le fond, les DRH restent critiques. Ils estiment que le projet d’habilitation véhicule "peu d’idées nouvelles". "L’essentiel était déjà en discussion depuis au moins deux ans", note Jean-Christophe Debande qui cite le plafonnement des indemnités prud’homales et le périmètre d’appréciation des licenciements économiques figurant dans les projets de loi Macron ou El Khomri". Idem pour le contrat de chantier et le chèque syndical qui avaient été évoqués au 2015 par François Rebsamen, alors ministre du travail, au moment de la préparation de la loi sur le dialogue social, avant de disparaître. Surtout, "les lois de 2004 et de 2008 ont ouvert la brèche, en donnant la possibilité à un accord d'entreprise de déroger, sous certaines conditions, à un accord de branche, rappelle l’expert. L'arsenal juridique existe". Ces textes ont depuis été complétés par les lois Rebsamen et El Khomri. Mais peu de DRH sont encore passés à l'acte.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
L'une des principales difficultés de la négociation réside dans le fait de parvenir à un accord majoritaire, validé, depuis la loi travail, par des syndicats représentants plus de 50% des élections professionnelles, selon l'association. Une gageure parfois selon le paysage syndical de l’entreprise. Et le référendum d’entreprise, qui pourrait selon le projet de loi d’habilitation, être à l’initiative de l’employeur, ne devrait pas non plus être d’un grand secours pour les DRH. "Ce dispositif introduit des éléments de clivage très forts et risque de laisser des traces profondes dans l’entreprise", alerte Jean-Pierre Basilen, directeur d’études. Tout en remettant en cause "la légitimité des syndicats". "Il peut aussi être utilisé pour contester la politique RH dans sa globalité, les salariés ne répondant pas forcément à la question posée". Soit une épée de Damoclès pour les DRH aux antipodes de l’objectif initial. Sans compter les modalités concrètes d’organisation auxquelles peu d‘entreprises ont envie de se confronter… De nouvelles règles qui pourraient faire regretter "l’ancien droit d’opposition qui permettait tout aussi bien à chacun de prendre ses responsabilités".
De même, le projet du gouvernement de fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, en définissant les attributions et le fonctionnement de cette instance, pourrait s’avérer problématique. La raison ? "Le regroupement des instances conduit à une concentration des mandats sur des acteurs syndicaux de plus en plus hors sol", alerte Eric Ferreres, directeur de projets. En clair, l’éloignement du terrain ne va pas dans le sens souhaité de retrouver un dialogue social de proximité au plus près des réalités du travail. Difficile dans ce contexte de faire "remonter" des sujets quotidiens et de ne pas "politiser" les sujets locaux.
Pour éviter un tel scénario, Entreprise &Personnel conseille aux entreprises de se concentrer non pas sur le dialogue social mais sur le dialogue uniquement qui pourrait être direct avec les salariés, via, par exemple, des espaces de discussion portant sur le temps de travail, la charge de travail, l’emploi ou encore la compétitivité... Une proposition qui a les faveurs de Philippe Martinez, selon l'association : "même la CGT aurait voulu déplacer les débats sur d’autres champs en demandant l’organisation d’Assises sur le travail". Mais la méthode ne semble pas recueillir, pour l'heure, l'aval de l'exécutif.
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