"Les DRH vont devoir à nouveau faire preuve de résilience, le marathon continue"

"Les DRH vont devoir à nouveau faire preuve de résilience, le marathon continue"

01.09.2021

Gestion du personnel

Conflits entre salariés vaccinés et non vaccinés, inégalités entre télétravailleurs et les autres, attentes en matière de reconnaissance et d’augmentation de salaires... Marie Bouny et Natalène Levieil, respectivement co-directrice de la practice Stratégie et Performance sociale et directrice de projet, spécialisée dans les RPS, au sein du cabinet conseil LHH, mettent en garde les DRH contre les risques sociaux auxquels ils pourraient être confrontés.

Dans quel état d’esprit les DRH appréhendent-ils cette rentrée ?

Marie Bouny : les DRH vont devoir à nouveau faire preuve de résilience. Le marathon continue. La crise sanitaire n’est pas terminée et de nombreuses inquiétudes et contraintes demeurent. Une bonne nouvelle toutefois : les emplois sont en grande partie préservés. L’activité partielle est en forte baisse (600 000 personnes ont été couverts par ce dispositif en juillet dernier, contre 8,4 millions en avril 2020). Et la vague de licenciements tant redoutée n’a pas eu lieu : quelques PSE sont mis en place, mais davantage dans les petites et moyennes structures.

Natalène Levieil : contrairement aux années précédentes, il y a eu une déconnexion plus importante cet été. Les DRH avaient besoin de souffler. Mais vont-ils garder le bénéfice de ces vacances ? Il reste de nombreuses incertitudes sur le plan sanitaire. Et si les entreprises vont reprendre la main sur le choix de leur organisation du travail, comme le préconise le protocole sanitaire, la plupart sont démunies. Les anciens réflexes réapparaissent, comme certaines réticences à accorder le télétravail, un mercredi, par exemple…  Elles se demandent également si elles vont pouvoir réunir à nouveau leurs équipes pour favoriser les retrouvailles, malgré la fin de la jauge de fréquentation. Des interrogations légitimes en termes de responsabilité employeur.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Quels sont les risques sociaux auxquels les DRH vont être confrontés ?
Peu d’entreprises ont pris le temps de réfléchir à une nouvelle organisation du travail avec la mise en place du travail hybride

Marie Bouny : l’un des grands défis sera de reconstruire les collectifs de travail. Des conflits idéologiques peuvent apparaître entre salariés vaccinés et non vaccinés. Mais l’employeur n’a pas à connaître le statut vaccinal des collaborateurs. Surtout, les salariés craignent également de revenir dans les mêmes conditions de travail qu’avant crise. La pandémie a fait naître des attentes : souhait d’un management moins interventionniste, volonté de conserver de la flexibilité dans l’organisation du travail, réflexion sur les temps et le cadre de vie. La non prise en compte de ces aspirations peut entraîner des risques de désengagement, de démotivation et de fragilisation des collectifs de travail.

Natalène Levieil : les managers se posent de nombreuses questions : on ne peut pas perdre tout le bénéfice de ces multiples confinements. Mais faut-il prévoir une journée de présence obligatoire en entreprise ? Quelle est la valeur ajoutée du travail effectué au bureau ? Il faut donner du sens, un intérêt au retour au bureau. Peu d’entreprises ont pris le temps de réfléchir à une nouvelle organisation du travail avec la mise en place du travail hybride. Quelles sont les activités télétravaillables et les autres ? Dans certains secteurs, comme le bâtiment, des entreprises n’ont pas négocié d’accords de télétravail pour les fonctions supports. Or, cette gestion au cas par cas risque de poser de problèmes à court terme. D’autant que le télétravail peut également être un atout pour le recrutement. Elles doivent s’atteler à créer de nouveaux modes de fonctionnement. Mais l’organisation du travail va mettre du temps à se stabiliser.

Il y aussi des attentes en matière de reconnaissance, d’augmentation de salaires. Ceux qui ont été les plus impliqués n’ont pas forcément été les plus visibles, les plus valorisés. Cette situation a été mal vécue. De plus, certains salaries en activité partielle n’ont pas bénéficié d’augmentation de salaire, contrairement à leurs collègues qui ont travaillé à 100%. Ce système créé également un sentiment d’iniquité, considéré comme une double peine.

L’absentéisme qui a déjà fortement augmenté en 2020 pourrait ainsi rester à un niveau élevé en 2021.

Le travail à distance devient-il la norme ?
Conscientes du problème, plusieurs entreprises souhaitent lancer des diagnostics de climat social 

Natalène Levieil : pour une partie de la population d’actifs oui. Le télétravail est même, pour ces derniers, essentiel dans l’offre employeur. Mais une vigilance est à maintenir. Notamment concernant le sentiment d’appartenance à une entreprise dans laquelle les situations de travail sont très variées et peuvent donner un sentiment d’iniquité.

Marie Bouny : il est important de bien garder à l’esprit qu’il ne concerne que 25 % des salariés. Les autres continuent à venir au travail dans les mêmes conditions, en respectant le protocole sanitaire. Ce système à deux, voire trois vitesses, risque de creuser les inégalités entre les télétravailleurs et les autres. Avec d‘un côté, des cadres, le plus souvent, en quête de plus de liberté, qui s’installent en province. Et de l’autre, des salariés, plutôt cols bleus, qui n’ont jamais quitter l’entreprise et qui ne bénéficient pas des indemnités de télétravail. Certes, ils ont pu percevoir, dans certains cas, la Prime Macron. Mais le montant n’a pas été très élevé et surtout elle n’est pas récurrente. Il y a peu d’éléments de solidarité entre les différentes catégories de salariés.

Conscientes du problème, plusieurs entreprises souhaitent lancer des diagnostics de climat social.

Que doivent inclure les accords de télétravail ?
Les accords doivent prendre en compte des éléments de solidarité

Natalène Levieil : la question du télétravail implique une analyse systémique afin de questionner l’ensemble des dimensions concernées par cette évolution : l’organisation du travail, la qualité de vie au travail, les rapports sociaux…

L’enjeu autour de ces accords est selon moi l’équilibre entre le cadre posé par l’accord, qui permet au sein d’une organisation de garantir l’équité et la définition de règles contraignantes, qui ne permettent pas aux managers avec leurs équipes de trouver l’organisation adéquate.

Marie Bouny : pour l‘heure, ils sont trop restrictifs. Ces accords doivent également aborder les sujets des conditions de travail, de l’égalité professionnelle, de l’organisation du travail, avec par exemple, plus d’’autonomie, de flexibilité et de rotation pour les équipes de production. En clair, des éléments de solidarité. C’est à ce prix que les collectifs peuvent se ressouder.

Le télétravail va également impliquer de nouvelles méthodes d’évaluation pour aller vers un management par objectifs, avec un panachage de critères individuels et collectifs pour évaluer la performance des salariés. Ces critères peuvent notamment prendre en compte des indicateurs environnementaux, comme la réduction de l’empreinte carbone.

Anne Bariet
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