Les enjeux de la future ordonnance réformant le droit des entreprises en difficulté

27.01.2021

Gestion d'entreprise

La transposition de la directive européenne "restructuration et insolvabilité" offre plusieurs options au législateur français. L'avant-projet d'ordonnance fait le choix d'une transposition "soft". Toutefois, l'introduction de classes de créanciers modifie les équilibres actuels.

L’avant-projet d’ordonnance de transposition du droit des entreprises en difficulté est actuellement en cours de consultation. Toutefois, le temps est compté puisque la consultation  se termine le 15 février 2021. Les 16e Entretiens de la sauvegarde sous l’égide de l’IFPPC qui ont eu lieu le 25 janvier ont été l’occasion d’un point d’étape des réflexions engagées sur la réforme du droit des entreprises en difficulté par la transposition de la directive européenne par Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du sceau.

Une ordonnance  prévue avant juillet

L’article 196 de la loi° 2019-486 du 22 mai 2019 habilitant le gouvernement à transposer la directive « restructuration et insolvabilité » et à réformer le droit des sûretés dans son volet relatif à l’articulation avec le droit des procédures collectives, prévoit une date limite de transposition  de la directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 « restructuration et insolvabilité » au 17 juillet 2021. La directive contient trois thématiques essentielles : les cadres de restructuration préventive (titre II), la remise de dettes et les déchéances (titre III) et les mesures destinées à améliorer l’efficacité des procédures (titre IV).

Toutefois l’ordonnance de transposition sera vraisemblablement publiée avant juillet.

L’objectif de cette réforme est triple :

  • définir les nouveaux équilibres du droit des entreprises en difficulté et en particulier dans la restructuration préventive,
  • améliorer la lisibilité et l’intelligibilité du droit des entreprises en difficulté, dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français,
  • renforcer l’efficacité de ce droit, tout en garantissant l’équilibre entre les intérêts en présence, conformément au texte adopté (voir fiche de présentation du Min Just., 4 janv. 2021).

Cette réforme du livre VI du code de commerce sera articulée avec la réforme des autres volets du droit des sûretés, prévue par l’article 60 de la loi PACTE et pour laquelle une consultation est également en cours jusqu’au 30 janvier 2021.

Rendre le droit français attractif

Comme l’a rappelé Maître  Reinhard Dammann, les Pays-Bas et l’Allemagne ont déjà transposé la directive. La rapidité de la transposition de la directive a pour objectif d’avoir pour ces pays, une primauté en matière de sauvegarde financière. L’attractivité du droit français dans le domaine de la prévention est incontestable. Toutefois, l’avance sur les autres pays  doit être maintenue et dans cette optique, R.Damman propose aux juges consulaires d’adopter la langue anglaise en matière de prévention .

Reprise sans surprise de certaines mesures Covid

Les ordonnances de 2020 dites Covid-19 (Ord. n° 2020-341, 27 mars 2020 ; Ord. n° 2020-595, 20 mai 2020) ont été prises dans le contexte de la crise sanitaire pour répondre à une situation d’urgence. Cependant, certaines mesures mises en place et expérimentées qui s’inscrivent dans les objectifs de la transposition, seront reprises dans la réforme à venir. Il s’agit de l’assouplissement du recours  à la sauvegarde et au rétablissement professionnel, de l’instauration du privilège de sauvegarde et de redressement judiciaire et enfin l’extension du champ d’application de la liquidation judiciaire simplifiée.

Plusieurs options possibles dans la transposition de la directive européenne

La transposition de la directive « restructuration et insolvabilité » offre plusieurs options possibles aux Etats membres. Il faut cependant, selon Jean-François de Montgolfier conserver l’équilibre entre le renforcement de l’attractivité de la prévention et la préservation d’un « éco- système français de justice commerciale efficace grâce à une large palette d’outils ».

« La transposition sera une transposition soft » : c’est ce qu’à indiqué le chef du bureau des affaires civiles et du sceau dans la mesure où en matière de prévention, le droit français est moteur. Toutefois, la directive s’inspire également de dispositions issues du droit allemand en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs donnés aux créanciers qui transforment les équilibres existant entre les acteurs des procédures du Livre VI du code de commerce.

Les classes de créanciers : au coeur de la transposition de directive

L’introduction de ce nouveau concept de classe de créancier en droit français par la directive imposera de prendre en compte la qualité de la créance garantie ou non,  au lieu et place de la qualité de créancier. A titre d’exemple, le créancier non affecté par le plan n’y figurera pas.

Les classes de créanciers seraient limitées à deux et les salariés et l’AGS en seront exclus.

Cependant, la mise en œuvre de ce nouveau critère est conditionnée à l’ordre des sûretés défini par l’avant projet de réforme du droit des sûretés opérant une clarification en la matière.

Il n’y aura pas de classes de créanciers dans les procédures préventives de mandat ad hoc et de conciliation   tandis que, la sauvegarde accélérée en constitue le cadre majeur quelle que soit la taille de l’entreprise. Il faut noter qu’il est prévu la fusion de la sauvegarde financière accélérée avec la sauvegarde accélérée.

Actuellement, les comités de créanciers figurent dans moins de 1% des procédures collectives. La substitution par des classes de créanciers se fera tout en conservant les principes existants dans la sauvegarde accélérée.

En revanche, en sauvegarde comme en redressement judiciaire, un seuil de recours aux classes de créanciers sera fixé par voie réglementaire. Une distinction sera faite en fonction de la taille des entreprises puisque les PME ne seront pas obligées d’y recourir.

Les créanciers disposeront d’un pouvoir important leur permettant de voter les plans de sauvegarde et de redressement. Ce nouveau pouvoir soulève des interrogations quant aux critères de contrôle des plans par le tribunal. En effet, le contrôle repose sur la notion de respect du meilleur intérêt des créanciers introduite par la directive. Ce qui interdit que le sort d’un créancier soit moins favorable que celui qui lui serait échu en cas de liquidation judiciaire.

Dans le projet d’ordonnance, le choix a été fait d’une appréciation in concreto, le mandataire judiciaire ayant la responsabilité de répartir les créanciers, lesquels pourront exercer un recours devant le juge. Enfin, il sera possible de passer outre des créanciers dissidents à la majorité des créanciers.

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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