Les entrepreneurs perplexes sur le prélèvement à la source de l'IR

Les entrepreneurs perplexes sur le prélèvement à la source de l'IR

30.06.2017

Gestion d'entreprise

Repoussé par le gouvernement à 2019, le prélèvement à la source (Pas) de l'impôt sur le revenu n’a pas été abandonné. Que pensent les TPE-PME de cette mesure de collecte de l’impôt ? Nous avons interrogé quelques clients de cabinets d’expertise comptable.

Présenté comme une réforme majeure du gouvernement sous François Hollande, le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source devait entrer en vigueur dès janvier 2018. Les revenus de 2017 devaient constituer une «année blanche» pour les contribuables, qui se verraient attribuer un taux pour leurs revenus de 2016, lequel taux servirait aux employeurs afin de retrancher l’impôt sur le revenu à la source, c'est-à-dire chaque mois sur la fiche de paye. Désormais, rendez-vous est pris pour janvier 2019,  le temps pour le nouveau gouvernement de mener une «expérimentation». Premier constat : les entrepreneurs de TPE-PME n’ont pas nécessairement bénéficié d’une information poussée sur le Pas. "Ni mon syndicat professionnel, ni mon expert-comptable ne m’ont renseignée sur ce sujet. C’est le flou absolu", déplore Fabienne Hervé, dirigeante de l’agence de communication FH Conseil à Angers (1 salarié). Même observation, assortie de questionnements, de la part de Valéry Peyret, grossiste en articles pour buralistes, dirigeant de Peyret SAS à Saint-Etienne (30 salariés) : "Je me demande quelle sera la situation pour les salariés dont les revenus ne sont pas toujours égaux d’un mois sur l’autre. Je pense aux commerciaux. Ils auront d’autant plus de mal à anticiper leur salaire qu’ils auront un fixe, un variable et un prélèvement à la source. Cela risque de les rendre prudents quant aux dépenses et ne va pas favoriser la consommation". De son côté, Stéphanie Delestre, fondatrice du site de recrutement www.Qapa.fr (30 salariés), relève d’autres écueils : "Les chefs d’entreprise vont devoir faire le travail de recouvrement de l’administration, ce qui est très délicat. Que se passera t-il si un salarié fait l’objet d’un contrôle fiscal ? Pourra t-il incriminer son employeur ? De la même façon, je trouve délicat de plonger l’employeur dans la confidence du taux de prélèvement correspondant à chaque salarié. Nous n’avons pas à connaître de tels détails".

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Un SAV redouté

Sans surprise, les dirigeants de PME pointent du doigt le temps qu’ils devront consacrer à expliquer une fiche de paye déjà bien compliquée aux yeux des salariés, et qui le sera davantage avec le Pas. "Du point de vue opérationnel, ce sera une perte de temps pour l’entreprise, au détriment d’autres actions. L’idéal serait que les producteurs de bulletins de paye, c'est-à-dire les cabinets d’expertise comptable, puissent assurer le SAV", estime Olivier Vaury, directeur administratif et financier du site de vente en ligne de bricolage et de jardinage www.manomano.fr (140 salariés). Lorsqu’on évoque la possibilité d’une hausse du coût des bulletins de salaire, pour compenser le temps passé par les cabinets d’expertise comptable à intégrer le Pas, les réactions ne se font pas attendre. Les dirigeants auraient beaucoup de mal à «avaler» des honoraires plus élevés, et se tourneraient éventuellement vers d’autres solutions. "Avec les possibilités du digital, de nouveaux prestataires de paye en ligne sont apparus, et j’ai personnellement pu expérimenter les services de l’un d’entre eux dans une précédente société, poursuit Olivier Vaury. Si les cabinets d’expertise comptable traditionnels augmentent leurs tarifs en raison du Pas, de nombreuses PME risquent de se tourner vers un prestataire de paye en ligne, pour bénéficier d’un tarif moindre et d’une plus grande souplesse. Car le procédé est simple : chaque mois, il suffit de saisir les informations et de les transmettre au prestataire qui automatise la paye tout en ayant en interne des spécialistes pour le contrôle".

Alignement européen

Une perspective bien sombre pour les cabinets d’expertise comptable, eux-mêmes pris en étau entre l’administration fiscale et leurs clients. Pourtant, sur le principe du Pas, les entrepreneurs se montrent moins sévères. "L’idée est bonne, estime Valéry Peyret, c’est la mise en œuvre qui sera compliquée et les chefs d’entreprise ont d’autres priorités". Pour Stéphanie Delestre : "J’ai travaillé trois ans en Allemagne, où j’étais prélevée à la source sur ma paye. L’idée du Pas n’est pas mauvaise, mais il faudrait dans ce cas s’aligner davantage sur nos voisins européens et réformer toute la fiscalité, pas seulement la collecte de l’IR". Une opinion partagée par certains cabinets d’expertise comptable (lire notre article).

Olga Stancevic
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