Des kilomètres de bouchons, des métros saturés matin et soir… L'obligation pour les entreprises d'élaborer un plan de mobilité peut-elle suffire à impulser une inévitable réflexion sur nos déplacements ? Le monde professionnel est en première ligne : à lui d'innover pour supprimer les trajet inutiles.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est clairement associée à une question : comment réduire la part d’électricité nucléaire dans la production ? Le reste du texte mérite pourtant qu’on s’y arrête. Il rappelle notamment le rôle que doit jouer le secteur des transports dans la maîtrise de la demande. Une problématique qui en rejoint d’autres : celles de la ville saturée, de la pollution de l’air, du temps perdu… Parmi les objectifs fixés par la PPE pour 2030 : 12,5 % des déplacements de courte distance avec des modes doux comme la marche ou le vélo (contre 2,7 % en 2008) ; une augmentation du taux d’occupation des véhicules particuliers ; mais aussi 10 % de jours en télétravail (voir notre brève). Le chiffre semble tiré du chapeau. Il a le mérite de rappeler que le monde professionnel est en première ligne pour opérer la mutation.
"C’est l’organisation fordiste du travail qui crée la congestion", lance Bruno Marzloff, sociologue et prospectiviste du cabinet Chronos. Plutôt que de chercher en permanence à ajuster l’offre de transport aux besoins, lui milite pour la "démobilité", un concept qui a fait l’objet d’une étude publiée en 2013 (1). Malgré son préfixe qui sent bon la décroissance et la saucisse de tofu grillée, "ce n’est pas une lubie ni une idéologie", y écrit son auteur Julien Damon. "C’est une invitation à l’innovation pour diminuer les mobilités subies." Principal objectif donc : trouver un moyen de supprimer les trajets inutiles ou faits au pire moment de la journée.
Environnement
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
Pour passer à la pratique, la loi transition énergétique impose un plan de mobilité aux entreprises d’au moins cent collaborateurs sur un même site… Un exercice qui n’a malheureusement pas toujours été très efficace jusque là. "C’est un outil presque désuet, regrette Marjorie Perli, chef de projet chez Mon Univert. Réaliser des études de comportement ou de géolocalisation des salariés crée beaucoup de frustration sans moyen pour financer les mesures attendues." Bruno Marzloff est encore plus dubitatif. "Attention aux pansements. On n’y arrivera pas en traitant le problème à la marge", prévient-il. Et de plaider : "On a besoin d’une vision conjointe de la ville et du travail pour sortir d’un siècle d’urbanisme fonctionnel avec des zones pour habiter, pour travailler, pour les loisirs, le tout relié par l’automobile ou par des transports en commun. Cela donne la Défense ou Plaine Commune. Et une hypertrophie des mobilités."
Gare à ne pas jeter les outils avec l’eau du bain. Le fait que les autorités organisatrices de la mobilité soient désormais obligées de proposer un accompagnement aux établissements soumis à un plan de mobilité pourrait justement contribuer à mettre tout le monde dans le bon sens… "Avec peut-être moins d’analyses, mais des données et des outils mutualisés, ainsi qu’un socle de services concrets qui ne seront d’ailleurs pas réservées aux entreprises tenues de réaliser un plan", note Marjorie Perli. À Rennes Métropole, un travail de concertation a par exemple permis de modifier les horaires des étudiants pour qu’ils n’empruntent plus les grands axes de circulation en même temps que les salariés. La SNCF tente parallèlement de convaincre des entreprises de jouer le jeu… Ce qui n’est pas toujours aussi simple.
Reste la question du télétravail, "un sujet encore tabou chez des employeurs qui considèrent qu’à la maison, on est pris par le ménage ou les enfants. L’expérience tend à prouver qu’on veut tellement montrer le contraire qu’on augmente généralement sa productivité", poursuit-elle. "Le numérique apporte des possibilités de surveillance bien supérieures au présentiel", abonde Bruno Marzloff. Le sociologue croit surtout aux tiers lieux (ou espaces de coworking) qui "offrent des possibilités d’échanges non plus avec des collègues, mais avec des pairs". Les établissements qui ont une logique d’optimisation de leurs services pourraient d’ailleurs en profiter pour sous-dimensionner certains bâtiments en jouant la carte de ces bureaux partagés. À Grenoble, Schneider Electric est en train de passer de neuf à quatre sites. Des bureaux libres y sont proposés aux salarié, par exemple lorsqu’ils ont un rendez-vous à proximité et que l’heure avancée ne justifie pas un aller-retour à leur site d’attache.
(1) La démobilité : travailler, vivre autrement, Julien Damon, Fondapol, juin 2013.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.