Les entretiens d’évaluation en quête d’une nouvelle périodicité

Les entretiens d’évaluation en quête d’une nouvelle périodicité

27.01.2016

Gestion du personnel

Quelques entreprises, à l’instar du cabinet Deloitte ou de l'éditeur de logiciels Cornestone OnDemand, ont mis en place de nouveaux types d’entretien d’évaluation. Plus courts, plus réguliers, plus concrets, ils visent à apporter des feed-back en temps réel aux salariés. Sans attendre la grande messe annuelle.

La der des ders ? L’entretien annuel d’évaluation, qui se déroule traditionnellement de novembre à février, pourrait-il vivre ses dernières heures ? Selon une enquête réalisée, en décembre dernier, par Towers Watson, seules 36% des entreprises en Europe jugent leurs processus de gestion de la performance efficaces. Peu d’entre elles ont encore modifié leur approche. Mais une tendance se dessine. Elle a été initiée par des sociétés anglo-saxonnes, notamment des sociétés de conseil, comme Accenture et AON. Geoffroy de Lestrange, directeur marketing chez Cornestone OnDemand assure, par exemple, dans une tribune des Echos, publiée en octobre, que ces tête-à-tête entre manager et salarié sont devenus "inutiles, voire contreproductifs", dans leur forme actuelle.

Sami Rahal, associé directeur des ressources humaines chez Deloitte, ajoute, de son côté, que ces rendez-vous, "chronophages ne correspondent plus aux attentes de l’entreprise, ni à celles des collaborateurs".

Dire les choses qui fâchent en temps réel

Ce rituel pêche en fait par la forme et le fond. D’une part, la fréquence de ce rendez-vous n’est plus adaptée aux besoins des organisations. "L’appréciation des managers arrive trop tardivement par rapport au travail effectué, observe Sami Rahal. Les salariés ne peuvent pas attendre 8 mois pour avoir un retour sur leur mission. Il vaut mieux dire les choses en temps réel, points forts comme axes de progrès, pour permettre au collaborateur de se développer". Le dialogue entre salarié et manager ne peut donc plus se résumer à une heure par an.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Un "trois en un"

D’autre part, le contenu de l’évaluation de la performance ne fonctionne plus. "Car ce rendez-vous mélange trois sujets : une évaluation sur les tâches réalisées, une discussion sur les perspectives de mobilité et sur la rémunération, alerte Geoffroy de Lestrange. Au point où la seule question qui importe aux salariés quand ils entrent dans la salle de réunion concerne aujourd’hui celle de l’augmentation (ou non) de salaire. Or, cette question mérite d’être traitée à la fois en fonction des rythmes financiers de l’entreprise (en général annuels) et des évolutions du salarié : nouveau poste, acquisition de nouvelles compétences, réussites particulières…". D’où la nécessité de déconnecter ces thématiques, avec un rythme et une approche différente.

Les critères comportementaux, un terrain glissant

Surtout, au fil du temps, ces entretiens ont été dévoyés. Trop subjectifs, opaques, ces face-à-face peuvent susciter de nombreuses déceptions de la part des salariés. Et devenir très vite anxiogènes s’ils se transforment en mise au pilori. La pertinence des critères individuels retenus est souvent mise en cause. Notamment la "prise en compte des critères comportementaux qui tentent d’évaluer des notions aussi subjectives que la curiosité, l’ingéniosité ou le courage", observe Eric Pérès, secrétaire général de FO-Cadres. De même, "les systèmes de ranking qui visent à noter les salariés selon leur niveau de performance sont vivement critiqués". Car c’est de ces résultats que peuvent, en effet, découler des mobilités forcées. Or, 42% des entreprises les utilisent, d’après Towers Watson.

Un feed-back par mission

Aussi certaines entreprises ont-elles décidé de réajuster leur processus d’évaluation. "Il ne s’agit pas de supprimer l’entretien individuel d’évaluation, insiste Sami Rahal mais de substituer à cet exercice un processus d’évaluation continu de la performance".

Concrètement, le cabinet Deloitte a inscrit cette révision au sein de son projet stratégique "RPM" (Reinvent performance management). L’évaluation se fait en continu, à l’issue de chaque mission. En amont, le manager, responsable du projet, définit des objectifs individuels à chaque membre de l’équipe. Lorsque la mission se termine, il pointe leur réalisation. L’entreprise a, au passage, simplifié la procédure pour gagner en visibilité. Le manager répond en seulement 6 questions. "L’objectif permet d’identifier aussi bien la surperformance que les risques de sous-performance afin d’élaborer un plan d’action pour pallier aux éventuels points faibles du groupe", commente Sami Rahal. Le dispositif a, d’ores et déjà, été déployé aux Etats-Unis, en Australie et en France.

Evaluation entre pairs

De même, Cornerstone OnDemand invite les managers à multiplier les rendez-vous d’étape et les prises de température intermédiaire avec leurs collaborateurs. L’évaluation se fait ainsi à l’issue d’une tâche ou d'un projet accompli afin "d’être au plus près du terrain". "L’objectif est de donner un retour immédiat au collaborateur sur la qualité de son travail". L’évaluation se fait à partir d’une liste de critères concrets et observables. Avec l’objectif de diminuer la part de subjectivité liée à l’évaluation. Pour favoriser l’échange, l’entreprise a introduit un système d’auto-évaluation et de retours entre pairs ou de clients, sur le principe du 360°. Une technique qui permet de mettre à plat les quiproquos et de discuter sur une mauvaise interprétation des résultats. Car à l’heure de la gestion par projet et des modes de collaboration plus collaboratifs, la création de valeur se complexifie, en faisant intervenir de multiples acteurs dans un environnement plus volatil.

"L’entretien d’évaluation permet, en outre, de valoriser les efforts du collaborateur tout en donnant un signal fort à l’esprit d’équipe", confirme Geoffroy de Lestrange. Pour faciliter la démarche, le SIRH de l’entreprise peut proposer un questionnaire qui peut être envoyé par le manager ou les salariés auprès des pairs pour solliciter les feed-back réguliers. L’entreprise met également en avant un système de badge pour favoriser les retours des membres de l’équipe. Un bon moyen pour remercier un collègue de sa contribution dans le cadre d’un projet, par exemple, à la manière du "like" de Facebook.

Référentiel des compétences disponibles

Ce nouveau type d’entretien a aussi une autre vertu : celle de pouvoir disposer, au niveau mondial, d’un référentiel de compétences disponibles à l’instant T. C’est-à-dire d’élaborer une cartographie des savoir-faire clairs et précis de l’ensemble des collaborateurs pour favoriser la mobilité internationale, en fonction des lancements des nouveaux projets.

Reste, toutefois quelques inconnues. Car trop réguliers, ces entretiens peuvent entraîner une pression importante chez les salariés qui enchaînent de nombreuses missions. De même, l'évaluation entre pairs ou effectués par des clients peut avoir des effets pervers. Quelle est, en effet, la légitimité de ces tiers pour mesurer la qualité du travail effectué? Et quid de la relation de confiance? A charge pour le manager de border le processus. Sous peine sinon de rater sa cible.

Anne Bariet
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