Les Etats généraux veulent dynamiter la justice économique et sociale

Les Etats généraux veulent dynamiter la justice économique et sociale

09.06.2022

Gestion d'entreprise

Le rapport du comité des Etats généraux de la justice est très attendu. Le document, que nous avons pu consulter, est annoncé comme étant la feuille de route du quinquennat pour les réformes sur la justice, Emmanuel Macron s’étant lui-même peu exprimé sur le sujet. Focus sur les dispositions qui concernent la justice économique et sociale et l’attractivité de la place de Paris.

Les États généraux ont d’abord consisté en une importante consultation de citoyens, sous différentes formes, avec parallèlement la constitution de sept groupes de travail. Ensuite, le comité indépendant, composé de douze personnes et présidé par Jean-Marc Sauvé, a repris ses travaux et procédé à des auditions. Il livre un rapport de 217 pages, intitulé « Rendre justice aux citoyens », qui dresse un constat précis et sans complaisance de la situation de l’institution judiciaire. Ce rapport sera remis dans les prochaines semaines, après les élections législatives. Nous avons pu le consulter. Dans les suites d’un article paru dans Dalloz actualité, nous abordons ici spécifiquement les importantes réformes économiques et sociales suggérées.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Pour la justice, les enjeux sont d’abord budgétaires. Le comité donne des chiffres sur les recrutements attendus pour le prochain quinquennat : 1 500 magistrats supplémentaires, 2 500 à 3 000 greffiers supplémentaires, 2 000 agents et 2 000 juristes assistants. Dans un entretien pendant la campagne, Emmanuel Macron évoquait « 1000 magistrats, 2500 greffiers, 2500 juristes constitués en équipe auprès des magistrats, et 2500 agents en soutien ». Le comité insiste sur la nécessité de revaloriser les rémunérations des agents du ministère, notamment des greffiers.

En matière civile, la ligne directrice est de revaloriser la première instance, avec plus de collégialité, et, en contrepartie, limiter le rôle de l’appel. Si le retour d’un droit de timbre pour l’ensemble des contentieux civils « ne paraît pas pertinent », le comité suggère le « renforcement de la prise en charge des frais d’avocat par la partie perdante ».

La création d’un tribunal des affaires économiques

« Malgré un discours dominant parfois péjoratif sur les compétences juridiques des juges non-professionnels », le comité souligne « la légitimité de ces juridictions composées sans échevinage ». Mais ce refus de l’échevinage n’empêche pas de profondes réformes. Le comité reprend l’idée de proposer « à titre expérimental la création d’un tribunal des affaires économiques (TAE) non écheviné ». Ce TAE serait compétent pour toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient l’opérateur économique (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, SCI, associations). Les tribunaux judiciaires conserveraient leurs compétences en matière de baux commerciaux (sauf pour les contestations liées à des procédures collectives) et de propriété intellectuelle. A terme, cela nécessitera de modifier le collège électoral des juges consulaires.

Pour accroître les moyens des TAE, le groupe propose la mise en place d’un droit de timbre barémisé acquitté par la partie requérante, selon l’enjeu financier du litige et des capacités contributives du requérant). Un droit de fin de procédure serait fixé en fonction du nombre d’écritures, de la durée de la mise en état, de l’existence d’un contrat de procédure et du comportement des parties. Parallèlement, le comité suggère une extension de l’aide juridictionnelle aux entreprises et associations les plus fragiles.

Le comité propose de créer une filière de juges civilistes économiques, assortie de formations spécifiques et de stages. Il propose aussi de créer, sur le modèle du référé-liberté des juridictions administratives, un référé « sauvegarde de l’entreprise » intervenant dans un délai inférieur à 48 heures afin que des mesures urgentes puissent être prises.

Le comité veut aussi promouvoir la place de Paris avec « la constitution d’un pôle des litiges économiques et/ou à dimension internationale aux moyens humains, matériels et numériques renforcés au sein de la cour d’appel de Paris ». Il suggère de « fédérer l’ensemble des acteurs appelés à promouvoir l’attractivité du droit français pilotée par une personnalité représentative indiscutable ».

Des CPH refondus dans des tribunaux du travail

Sur le droit du travail, le comité propose de transformer les conseils des prud’hommes en « tribunaux du travail », « rattachés sur les plans administratif, organisationnel et budgétaire au tribunal judiciaire, sans modification de son fonctionnement paritaire », qui serait piloté budgétairement par le seul ministère de la justice. A la répartition actuelle par section serait substituée une organisation par chambre. Cela permettrait dans les grands tribunaux, une certaine forme de spécialisation par type de contentieux.

Au terme de la mise en état, chaque affaire portée devant le tribunal du travail devrait, ab initio, être orientée soit vers la conciliation, soit vers une audience paritaire, soit vers une audience de départage.

La formation des juges du travail serait renforcée tout au long de leur mandat. Ils seraient entourés d’équipes d’aide à la décision dédiées et le rôle du greffier serait étendu. Ces derniers seraient chargés « de la mise en œuvre quotidienne des principes généraux de la conduite de la mise en état, en référant au juge du travail en cas de difficulté ».

Pour favoriser la médiation, le comité reprend l’idée du groupe de travail de mettre en œuvre la pratique de la césure du procès : après que le juge a tranché la question de droit principale, les parties pourraient se mettre d’accord sur les conséquences de cette décision. Un référé « garantie du salarié » serait également créé.

Le comité souhaite une plus forte intervention des parquets civils, « au regard de l’ordre public économique de protection et de direction en matière sociale », ainsi que de la prolongation au pénal de certains sujets (discrimination, harcèlement). Mais cela nécessite surtout un renfort des effectifs.

Pierre Januel
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