Les experts-comptables sont-ils suffisamment formés à l’entrepreneuriat pour leur cabinet ?

Les experts-comptables sont-ils suffisamment formés à l’entrepreneuriat pour leur cabinet ?

23.04.2020

Gestion d'entreprise

Les avis divergent sur ce sujet. Voici quelques éléments de réponse.

Maîtriser tous les sujets liés à l’entrepreneuriat suppose d’être formé à la mise en œuvre pratique d’un projet de création et de développement d’entreprise dans sa globalité. Cela renvoie au choix du modèle économique, à la stratégie, au management, à l’organisation, à la gestion des ressources humaines, à la communication, au marketing, à l’efficacité commerciale, etc. Des thèmes plus ou moins abordés en formation initiale, au niveau du DSCG et/ou du stage d’expertise comptable.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Pourtant, "le sujet de l’entrepreneuriat a été détecté comme insuffisamment développé durant les études des experts-comptables dans une enquête réalisée à la demande du CSOEC", analyse Nicolas Diot, expert-comptable et vice-président en charge du pôle formation à l’OEC Nouvelle Aquitaine. "L’expert-comptable stagiaire doit suivre un jour par an une formation sur la stratégie, le management et la communication, soit 3 jours en 3 ans. Trop peu", estime-t-il.

La profession s’empare de la thématique en instillant quelques modules de formation continue. Le catalogue du Centre de formation de la profession comptable (CFPC) comprend plus de 300 formations disponibles selon les cas via les instituts régionaux de formation. "En Nouvelle-Aquitaine, le CEECA (Centre d’études des experts comptables d’Aquitaine) propose des sessions pour aider les experts-comptables à développer une stratégie pour leur cabinet, avec des modules d’une journée comme “Comment construire votre plan d'actions pour atteindre vos objectifs à 3 ans ? “, par exemple, ainsi que des parcours de 7 à 8 jours sur des grands thèmes : le manager et son développement, le manager et son équipe, le manager et son cabinet, le manager et son ouverture au monde, etc.", développe Nicolas Diot. De l’entrepreneuriat qui ne dit pas son nom…

Devenir entrepreneur

Qu’en pensent les autres professionnels ? Les avis sont partagés. Du côté des futurs experts-comptables, la question ne semble pas se poser. "J’ai ouvert un module sur l’entrepreneuriat il y a quelques années, en écho à la thématique du congrès de l’OEC de l’époque, l’expert-comptable entrepreneur. Les jeunes ont rapidement décroché. Ils sont saturés de cours. L’approche était peut-être un peu trop académique. Nous l’avons fermé depuis", confie Thierry Carlier, directeur de l’Enoes, école privée de l’expertise comptable et de l’audit. L’école privilégie maintenant une approche transverse de la question par le biais de la transformation digitale de la profession, par sa participation aux trophées “Marcom Student“ (durant lesquels des étudiants évaluent la transformation digitale de certains cabinets), par la création de modules de spécialisation autour de la RSE et du marketing. "Nos partenaires attendent que nous formions des jeunes aux compétences techniques pointues, mais ils deviendront entrepreneurs s’ils développent des qualités humaines et managériales, selon leur talent. Nous avons le devoir de les accompagner même si nous ne ferons pas aussi bien qu’une école de commerce par exemple", ajoute Thierry Carlier.

Pascal Rodrigues de Sa, qui a fondé son cabinet, Effissance, ex nihilo, en octobre 2019 estime disposer des compétences nécessaires. "Je suis expert-comptable mais aussi marketer et prochainement manager ! J’ai suivi les cours à l’université, à Toulouse School of Management (école de management de l’Université de Toulouse 1 Capitole). J’ai donc baigné dans un environnement plus riche en projection entrepreneuriale que si je m’étais inscrit uniquement dans le cursus classique. Est-ce que j’aurai apprécié de recevoir un enseignement pratique à la création d’entreprise ? Oui bien sûr, mais cela ne me manque pas", témoigne-t-il. De son côté, Maxime Billières, diplômé d’expertise comptable mais non inscrit au Tableau de l’ordre – il exerce la profession de courtier en crédit professionnel – reconnaît avoir été "formé à la création administrative d’une entreprise mais pas sur la partie opérationnelle". Or, remarque ce dirigeant, "quand on devient chef d'entreprise, la première préoccupation c'est la rentrée du CA. Pour cela, il faut prospecter sans cesse de futurs clients mais aussi des prescripteurs pour son activité, des partenaires éventuels et ça ne s'apprend pas à l'école". Ce débat renvoie aussi peut-être à l’origine même du diplôme. Le Dec est un diplôme d’expertise comptable mais pas d’expert-comptable. Cette formation n’est donc pas destinée aux seuls professionnels exerçant en cabinet. Elle concerne aussi ceux qui vont travailler en entreprise ou dans l’administration.

Véronique Méot
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