Christophe Nguyen, président, associé psychologue du travail qualité de vie au travail & risques psychosociaux chez Empreinte Humaine, analyse les enjeux en termes de risques psychosociaux de la période de confinement et de celle qui va lui succéder lors de la reprise de l'activité sur le terrain. Il pointe l'importance d'accompagner les managers pendant cette période.
La crise sanitaire due au Covid-19 bouleverse le quotidien des salariés, qu'ils soient en télétravail, à leur poste ou en activité partielle. Une période qui est propice aux risques psychosociaux et que les entreprises doivent prévenir et contenir. Les managers ont un rôle clef à jouer en la matière, mais cela suppose qu'ils soient correctement accompagnés. C'est ce que recommande Christophe Nguyen, président, associé psychologue du travail qualité de vie au travail & risques psychosociaux chez Empreinte Humaine.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Si la santé physique est la priorité, les entreprises doivent-elles aussi veiller à la santé psychique de leurs salariés en cette période délicate ?
Le confinement est un facteur de risque psychosocial en lui-même. Plus le confinement dure, plus il est susceptible de générer des problématiques psychologiques en fonction des catégories (CSP, salariés exposés ou pas, activité partielle ou non). Il ne faut pas anticiper le déconfinement seulement dans une logique sanitaire mais aussi en termes de risques psychosociaux.
Dans quelle mesure la nouvelle organisation du travail est-elle aussi génératrice de risques psychiques ?
Le télétravail s'est mis en place à marche forcée et n'a pas forcément été anticipé. Cela doit être un axe de réflexion pour la période post-confinement : la mise à plat des outils, des accès, des process, de la sécurisation des données. Par ailleurs, on observe une intensification des reportings afin d'avoir une vision claire de l'activité, de la surcharge de travail, des amplitudes horaires, etc. En temps de difficultés économiques, la demande de reporting est souvent plus forte ; il s'agit d'une réaction normale. Toutefois l'excès de reporting empêche les équipes d'être créatives et de s'engager. Il est nécessaire de diminuer le reporting dans cette période, d'identifier les doublons, de prévoir des remontées coordonnées avec le management de proximité. Les Codir doivent savoir détecter ce travail sans valeur ajoutée et bien avoir que le reporting en chaîne mobilise beaucoup de salariés.
Dans cette crise, les managers sont un rouage essentiel, mais ils doivent être bien accompagnés, soutenez-vous ?
Les entreprises doivent prévoir un vrai accompagnement des managers pour leur permettre de soutenir les collaborateurs et d'adopter la bonne posture car le management à distance est une vraie révolution. Le management doit s'adapter et faire preuve de souplesse car la réorganisation se fait en continu pendant cette période particulière. Les managers doivent faire preuve de dialogue afin de comprendre l'organisation et les conditions de travail de chaque collaborateur et s'y adapter. A défaut, le risque est une perte de sens car chacun travaille chez soi en silo ; c'est un vrai enjeu que de créer de la transversalité.
Par ailleurs, les managers doivent être à même de détecter les situations de fragilité et de malaise. Leurs préocupations portent souvent le rôle en la matière. N’oublions pas qu’ils peuvent eux-même être également exposés. Les entreprises doivent veiller à bien équiper le manager pour savoir comment réagir. Ils doivent être en mesure d'identifier les référents sur ce sujet : le médecin du travail, l'assistante sociale, etc et leur apprendre à savoir communiquer sur ces sujets délicats avec leurs collaborateurs. C'est le bon moment pour les entreprises pour mettre sur pied des procédures et une organisation adaptée au travail futur qui s’annonce. . Tout l'enjeu est de mettre en place des gestes barrières psychologiques afin d'éviter le risque de syndrome de stress post-traumatique.
Les managers ne doivent pas non plus oublier de maintenir un lien avec les salariés en poste ?
Les salariés qui sont restés en poste, sur les lieux de travail, pendant la période de confinement, risquent aussi de se sentir isolés en raison notamment des mesures de distanciation physique. . Il est important de garder un lien et un point de contact avec eux. Les entreprises peuvent ainsi proposer un dispositif d'accompagnement individuel ou collectif afin de leur permettre de partager leur vécu. Il faut créer une proximité sociale avec eux : être très clair sur les consignes, la communication, passer du temps à écouter leurs préoccupations même si on n'a pas toutes les réponses sur le moment et ne pas hésiter à revenir sur le sujet après-coup. S'ils restent isolés, le risque est de perdre pied et de sauto-attribuer cette situation alors que le problème est global et objectif.
Les entreprises doivent-elles aussi s'atteler dès à présent à préparer le déconfinement afin d'éviter les risques psychosociaux qui pourraient survenir au retour sur le terrain ?
La priorité est d’intégrer la prévention en amont de la réflexion en matière d’organisation du travail futur. Des méthodologies existent. Même si des entreprises ont mis en place des cellules de crise, la question des risques psychosociaux est souvent traitée en second plan faute de ressources. Ne pas s’en préoccuper maintenant revient à la traiter pour les mauvaises raisons en aval par des potentiels conflits ou autres troubles. Les lignes d’écoute psychologique vues comme des "boîtes noires" sans logique de prévention ne sont pas suffisantes au regard des enjeux humains.
Il importera de témoigner de la reconnaissance aux salariés et souligner ce qui s'est bien passé pendant cette période pour, ensuite, préparer la nouvelle organisation car il est clair qu'on ne reviendra pas à la situation précédente. Ne serait-ce qu’en cas de rebond de l’épidémie ou de mise en œuvre d’un principe de précaution. S'agissant des mesures de reconnaissance prévues par le gouvernement, comme la prime exceptionnelle, les entreprises doivent faire preuve de vigilance sur les règles de la distribution et être équitables et clairs sur les critères adoptés.
Aussi, les entreprises vont devoir remettre de la convivialité dans cette nouvelle organisation du travail. Même s'il faut être clair sur les gestes barrières, la distanciation physique peut aller de pair avec la convivialité via les outils numériques. L'entreprise doit identifier les personnes ressources capables de faire preuve d'imagination dans l'utilisation des outils informatiques.
Toutes ces priorités sont le gage d'un engagement durable post-confinement.
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