Les nouvelles règles de représentation des parties devant les juridictions civiles sont précisées

01.04.2019

Gestion d'entreprise

Réforme de la justice : la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, à compter du 1er janvier 2020, modifie les règles de représentation des parties devant les juridictions civiles.

Près de 20 ans après la dernière loi d’orientation et de programmation pour la justice (loi Perben I), la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2019. A l’ère du numérique et avec des arbitrages budgétaires laissant espérer une restructuration de son organisation et de ses méthodes de travail, elle ambitionne de rendre la justice plus efficace, plus rapide et plus moderne mais aussi plus proche des citoyens.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Présenté au Conseil des ministres le 20 avril 2018 par le ministre de la justice, le texte définitif du projet de loi composé de 110 articles a été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 18 février 2019, et validé pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel le 21 mars dernier qui a finalement censuré 13 des 57 articles dont il avait été saisi.

Une attente vigilante des premiers décrets d’application se fait déjà sentir tant il est vrai que les débats furent vifs sur certaines dispositions : parmi les très nombreux points d’achoppement, outre les affectations budgétaires, on songe en particulier aux modes alternatifs des règlements, à la dématérialisation des procédures, aux conditions de la représentation obligatoire ou encore à la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, autant de points qui contrediraient selon certains l’objectif de rapprochement du citoyen avec la justice.

Composée de 7 titres, la loi du 23 mars 2019 vise dans son titre II à simplifier la procédure civile et administrative. Tirant les conséquences de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance programmée le 1er janvier 2020, l’article 5 de la loi modifie à compter de cette même date, les règles relatives à la représentation des parties, en matière civile notamment.

La liste des personnes habilités à représenter et assister les parties devant le nouveau TGI est fixée

A compter du 1er janvier 2020, les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance cohabitant dans une même ville vont fusionner dans un seul Tribunal judiciaire (L. n° 2019-22, 23 mars 2019, art. 95), tandis que les TI isolés seront transformés en chambre de proximité du Tribunal judiciaire, chambre dénommée tribunal de proximité et dont les compétences seront déterminées par décret.

Cette fusion- fustigée par de nombreux professionnels comme faisant disparaître la justice de proximité et créant des déserts judiciaires- implique une modification des règles actuelles de représentation des parties devant ces juridictions, à laquelle la loi du 23 mars 2019 procède.

Tenant compte de la disparition de ces tribunaux d’instance (au nombre de 304), le législateur prévoit, dans les contentieux sans représentation obligatoire devant le nouveau tribunal, les mêmes possibilités d'assistance et de représentation des parties que celles qui sont actuellement ouvertes dans les contentieux relevant de la compétence des tribunaux d'instance. Ce faisant, c’est dans l’article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, et non dans l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme des professions judiciaires et juridiques, qu’il introduit le principe d'une dérogation au monopole de la représentation par avocat devant le tribunal de grande instance, dans certaines matières, en raison de la nature du litige, ou en considération de la valeur du litige, la version précédente faisant référence au Tribunal d’instance et des prud’hommes, objet du II de l’article 5 de la loi du 23 mars 2019.

On l’aura noté, un certain flou cependant demeure sur : 1/ la nature du contentieux 2/ la valeur du litige, 3/ le montant du litige, autant de critères donc qui restent à fixer par décret en Conseil d’Etat, et qui limitent la portée de l’objectif de l’article 5, I : "Étendre la représentation obligatoire".

La liste des personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le TGI pour les litiges relevant actuellement du TI est, elle, tout à fait déterminée et reprend en toute logique celle déjà fixée à l’article 828 du code de procédure civile pour les tribunaux d’instance.

L’article 2 de la loi de 2007 est ainsi dorénavant rédigé : "Par dérogation au premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par :

1° Leur conjoint ;

2° Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;

3° Leurs parents ou alliés en ligne directe ;

4° Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;

5° Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise (…)

Le représentant, s’il n’est pas avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial."

L’objectif affiché du législateur de 2019 dans le cadre de l’harmonisation de la procédure civile et d’un accès plus simple à la justice, est en fait d’avoir une juridiction unique avec deux types de procédures selon la nature du contentieux : une procédure orale sans représentation obligatoire pour les contentieux les plus simples et une procédure écrite avec représentation obligatoire pour les autres contentieux.

La représentation obligatoire est étendue aux contentieux douaniers et ceux relevant du juge de l’exécution

En revanche, l’article 5, III modifie l’article L. 121-4 du code des procédures civiles d’exécution en étendant effectivement pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020, la représentation obligatoire devant le juge de l’exécution, au-delà d’un montant qui devrait être fixé à 10 000 € par décret en Conseil d’État. Les demandes relatives à l’expulsion resteront toutefois sans représentation obligatoire quel que soit leur montant. La représentation obligatoire est également introduite en matière de contentieux douanier pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

L'extension de la représentation obligatoire est présentée comme un gage d'efficacité et de qualité de la justice rendue en matière civile. Elle devrait assurer une meilleure présentation des causes devant les juridictions et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles.

Remarque : il a un temps été envisagé d’imposer la représentation obligatoire dans les contentieux relevant actuellement de la compétence du tribunal d'instance pour les demandes excédant 5 000 €. "Taux du ressort et représentation obligatoire auraient ainsi été liés puisque la possibilité d'interjeter appel n'aurait été ouverte que dans les contentieux avec représentation obligatoire. Cette option a toutefois été écartée car il est apparu qu'elle limitait l'accès au juge de manière trop importante".

A l’heure actuelle il existe une multiplicité de procédures en matière civile, différentes entre le TGI et le TI, variables selon la nature du contentieux. Dans un procès civil, les parties peuvent en effet se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire. Un principe de liberté donc, assorti de réserves, prévu par l’article 18 du code de procédure civile (C. proc. civ., art. 18), puisque la représentation en justice est en principe obligatoire devant le tribunal de grande instance (C. proc. civ., art. 751), la cour d'appel (C. proc. civ., art. 899) et la Cour de cassation (C. proc. civ., art. 973). Le monopole de représentation par un avocat est par ailleurs inscrit à l’article 4 de la loi de 1971 portant réforme des professions juridiques et judiciaires qui dispose que "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation".

Cependant de très nombreuses dérogations existent à ce principe et le justiciable peut très bien se défendre lui-même ou choisir de se faire assister ou représenter, outre par un avocat, par de nombreuses autres personnes devant le TI (C. proc. civ., art. 828)  et le conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 1453-4 et R. 1453-2). Quant au  tribunal de commerce, les parties peuvent non seulement se défendre elles-mêmes mais aussi se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix (C. proc. civ., art. 853).

Remarque : cette dualité de forme des droits de la défense existe également au sein de l’Union européenne puisque que certains états ont généralisé la représentation obligatoire avec une exception pour les petits litiges (Italie, Pays-Bas, Allemagne) alors que d’autres donnent au justiciable la possibilité de se défendre lui-même.

C’est en tout état de cause toujours le même argument qui est mis en valeur et que le législateur de 2019 a repris: si le principe suivant lequel les parties peuvent se défendre seules en première instance donne au justiciable le sentiment d’un accès plus facile au juge, et cela est particulièrement vrai pour les contentieux de proximité pouvant toucher des personnes vulnérables, ou bien des contentieux peu techniques, ou encore dans lesquels l'importance de l'office du juge paraît de nature à préserver les intérêts des parties, d’autres contentieux plus techniques nécessitent l’intervention d’un professionnel du droit. En outre, et reprenant l’avis du Conseil d’Etat du 12 avril 2018, sur cette réforme de la justice, alors en projet "Le principe de la représentation obligatoire des parties ne peut, en principe, qu’assurer une meilleure présentation des causes et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles, dans un contexte de complexification du droit" (Conseil d’État, section de l’intérieur, avis sur le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, séance du 12 avril 2018, n° 394535), tout en relevant que "l’intervention accrue des structures de conciliation et de médiation et la présence plus importante des avocats auprès des parties, en amont ou au stade de la procédure judiciaire, est susceptible d’engendrer des coûts à la charge des particuliers et du budget de l’aide juridictionnelle".

Cécile Thiercelin, Dictionnaire permanent Droit des affaires
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