Selon le ministère du travail, la réforme de l’apprentissage semble porter ses fruits. Les entreprises ont signé 353 000 contrats en 2019, soit une progression de 16 % en un an. Mais les opérateurs de compétences pourraient se retrouver en panne de trésorerie.
Tous les signaux sont au vert pour l’apprentissage : selon le bilan du ministère du travail, communiqué hier, le nombre de contrats a progressé de 16 % l’année dernière pour atteindre 353 000, fin 2019. Soit une hausse jamais enregistrée de 50 000 contrats en un an. Au total, le nombre global d’apprentis s’établit à 485 800. Cette performance profite notamment au bâtiment (+13 %), à l’industrie (+11 %) et à tous les niveaux de diplômes, du CAP aux titres de l’enseignement supérieur. Pour Muriel Pénicaud, ces résultats sont à mettre au crédit de la loi Avenir professionnel. La réforme de 2018 a, de fait, confié le pilotage du système aux branches professionnelles en s’inspirant des modèles allemands, suisses et autrichiens, en lieu et place des régions. Ce sont désormais aux branches qu’incombe la tâche de définir les besoins de formation, de déterminer les diplômes et titres professionnels et de fixer le niveau de prise en charge pour chaque certification ("coût-contrat") alors que jusqu’ici les CFA bénéficiaient de subvention régionale.
Le système de collecte, de redistribution et de financement, a également été revu. Désormais France compétences flèche chaque année vers les opérateurs de compétences (Opco) les fonds destinés au financement de l’alternance, selon les clefs de réparation fixées par décret : contrats d’apprentissage, de professionnalisation, des reconversions ou promotions par alternance (ProA), permis de conduire et péréquation interbranches.
Les entreprises ont également la possibilité de lancer leur propre centre de formation, sans autorisation administrative à demander, ni aux régions pour l’ouverture d’un CFA, ni à l’Etat pour le recrutement des formateurs. Plusieurs entreprises, Adecco, Accor, Korian, Sodexo, Schneider Electric, Safran, le groupe Nicollin, ont décidé de franchir le pas. Selon le ministère du travail, 554 nouveaux projets ont d’ores et déjà été lancés ; 200 CFA auraient ouvert leurs portes.
"Cette évolution majeure est logique, relève Philippe Darmayan, président de l’UIMM. Le monde professionnel est évidement le mieux placé pour connaître les compétences clés des métiers et contribuer à définir des programmes plus adaptés". "La réforme de l’apprentissage ouvre grand le champ des perspectives, abonde Didier Bouvelle, secrétaire général du CCCA-BTP. Elle permet d’enclencher une nouvelle et forte dynamique pour couvrir efficacement les mutations de notre environnement".
Même satisfecit du côté de l’artisanat. "L’apprentissage retrouve un niveau jamais atteint depuis 2013 grâce aux premiers effets de loi Avenir professionnel qui offre depuis un an la possibilité de s’inscrire tout au long de l’année et ouvre la voie de l’emploi à des jeunes en reconversion, jusqu’à 30 ans", se réjouit Bernard Stalter, président de CMA France.
Le différend qui opposait l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA) et le gouvernement, à la rentrée dernière, sur le financement des contrats d’apprentissage a été gommé. La demande du président de l’APCMA visant à permettre aux CFA sous convention régionale de bénéficier dès le 1er septembre 2019 du nouveau système de financement prévu par la loi Avenir professionnel, a obtenu gain de cause. Concrètement, les contrats d’apprentissage signés depuis septembre 2019 peuvent être financés, à la demande de chaque centre de formation sur les territoires, soit sur la base des règles de prises en charges définies par les branches professionnelles (ou "coût contrat"), soit sur la base des "coûts préfectoraux". A compter du 1er juillet 2020, seules les règles de prise en charge des coûts contrats subsisteront pour le financement de tous les contrats d’apprentissage.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Reste que tous les acteurs ne sont pas sur la même longueur d’onde. A commencer par les régions qui reprochent à la ministre du travail de s’attribuer les bons résultats de l’apprentissage sans rappeler une seule fois l’implication de celles-ci sur ce dossier. "Madame Pénicaud s'approprie des chiffres qui ne sont pas les siens, tempête David Margueritte, président de la commission emploi-formation-apprentissage de l’Association des régions de France et administrateur de France compétences. Les régions ont financé l’apprentissage à hauteur de neuf milliards d’euros sur les cinq dernières années, dont près d’un milliard d’investissement".
Aux yeux de l'association, deux problèmes demeurent. D’une part, la réforme favorise "l’apprentissage dans l’enseignement supérieur dont le financement est plus attractif que celui des formations infra-bac". "Lorsque les régions avaient encore la main, elles étaient attentives à maintenir des formations pour les premiers niveaux de qualification".
D’autre part, les intentions de création de nouveaux CFA "se heurteront à des fermetures ou à des restructurations de très nombreux CFA, en particulier les CFA interprofessionnels, ceux des zones rurales ou ceux qui forment aux métiers rares". Pour David Margueritte, "des CFA historiques ne passeront pas la réforme, faute d'investissement". Dans ce contexte, quid du maillage territorial ? Et quid de la péréquation entre centres de formation ?
Enfin, une autre inconnue existe : face à la montée en puissance de l’apprentissage, les Opco ne risquent-ils pas de se trouver en panne de trésorerie ? D’autant que les contrats conclus depuis septembre 2019 peuvent être financés, à la demande de chaque centre de formation sur les territoires, sur la base des règles des "coût contrats", souvent plus avantageux que les coûts préfectoraux ?
Conscient du problème, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour sécuriser le nouveau système de financement et parvenir à l’équilibre financier. Le décret du 10 décembre 2019, relève, de fait, les taux d’acompte des entreprises à verser aux Opco en 2020 au titre de la formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage. Concrètement, le premier acompte à verser avant le 1er mars passe de 40 % à 60 %. Le second, à verser avant le 15 septembre, de 35 % à 38 %. De plus, France compétences, qui centralise les cotisations, peut décider d’octroyer des avances remboursables aux opérateurs de compétences rencontrant des difficultés financières. Et l'institution nationale, qui accuserait, selon l'ARF, "un déficit prévisionnel de 3,6 milliards d'euros à la fin 2020", aura de son côté la possibilité d’emprunter. De quoi éviter d’être dans le rouge avant la prochaine collecte.
France compétences restera toutefois sous contrôle ; l'Inspection générale des finances et l'Igas ayant été missionnées par Gérard Darmanin, le ministre des comptes publics et Muriel Pénicaud, pour examiner les conséquence financières de la réforme. Pour Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l'emploi à FO," la montée en charge de l'apprentissage pourrait également se traduire par une redistribution des enveloppes financières en raison de la fongibilité des budgets". Avec à la clef, "plus d'argent pour l'apprentissage au détriment de la mutualisation des fonds et des salariés des petites entreprises". A suivre !
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