A l’issue de la concertation qui s’est achevée mardi, les partenaires sociaux ont formulé dans un rapport plusieurs recommandations pour clarifier les règles juridiques liées au télétravail notamment sur les accidents de travail et la prise en charge des coûts. Ce document, qui doit être signé le 7 juin, sera transmis à la nouvelle ministre du travail, Muriel Pénicaud.
L’encre est à peine sèche. Soucieux de moderniser l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005 traduit en partie dans la loi Warsmann de 2012 dite de "simplification du droit", les partenaires sociaux ont finalisé, mardi, un rapport conjoint portant sur le développement du télétravail et du travail à distance. Le texte sera signé lors de la séance plénière, le 7 juin, et adressé dans la foulée à la nouvelle ministre du travail, Muriel Pénicaud. Un satisfecit pour Pierre Beretti, chef de file de la délégation patronale et président de Syntec Etudes & Conseil (ex PDG d’Altédia).
Au départ, pourtant, la partie n’était pas gagnée. La concertation, prévue par l’article 57 de la loi Travail, devait se limiter à un état des lieux et à l’élaboration d��un guide d’aide à la négociation. Or, les partenaires sociaux ont voulu dépasser la simple logique d'un vade-mecum de bonnes pratiques. Au point où chaque organisation espère, aujourd’hui, que ce rapport puisse servir de support à une négociation nationale interprofessionnelle. "On est prêt à inscrire le sujet au prochain agenda social", confirme Mohamed Oussedik, chef de file de la CGT. Même si il reconnaît que celle-ci "ne cadre pas forcément avec la ligne politique d’Emmanuel Macron".
L’urgence est pourtant réelle. Car depuis 2005, les pratiques ont changé. Avec l’irruption du numérique, le télétravail s’est développé, de manière informelle ou occasionnelle, sans avenant ni accord d’entreprise. Il se décline non plus uniquement sur des jours fixes mais aussi sur des jours flottants. Ainsi, plusieurs entreprises ont ouvert la voie à un nombre de jours limités et flexibles appréciés dans le cadre de la semaine ou du mois, non cumulables, ni reportables, fixes ou flottants. Il peut également se dérouler de manière occasionnelle. A l’instar d’Orange qui prévoit la validation de journée de télétravail en cas de pic de pollution ou encore de formation via des applications ad hoc.
De plus, il s’étend aujourd’hui aux travailleurs nomades et itinérants. D’où la nécessité de compléter l’ANI de 2005 pour instaurer des droits et protections supplémentaires aux salariés en télétravail.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Sur la forme, la méthode a été saluée par les parties prenantes. La concertation a débuté, en janvier, par des rencontres bilatérales puis s’est poursuivie par des auditions d’experts (Anact, Orse) et de représentants d’entreprise (Orange, Sanofi, Atos…). Une seule séance a été nécessaire pour boucler le rapport alors que deux séances avaient été prévues. "Quand on entre dans une négociation, on part sur des a priori, relève Eric Courpotin, chef de file de la négociation pour la CFTC. A l’inverse, le fait d’auditer des experts apporte une vision globale et facilite le partage d’un diagnostic commun". Voilà pour la méthode.
Sur le fond, la concertation a permis de clarifier les règles juridiques applicables au télétravail. Côté santé et de la sécurité, par exemple, les dispositions à l’œuvre dans une entreprise ne peuvent pas toujours s’appliquer au télétravailleur. C’est pourquoi, "les partenaires sociaux recommandent d’opter pour des solutions pragmatiques telles que l’attestation sur l’honneur du salarié de la conformité de son logement, le financement d’un audit de conformité auprès d’un organisme certifié ou encore l’obtention par l’assureur d’une attestation pour l’usage du domicile comme lieu de travail", détaille Pierre Beretti. Par ailleurs, ils préconisent une prise en charge des accidents du travail et de trajet pour les télétravailleurs occasionnels, c’est-à-dire la possibilité de bénéficier de la protection des AT-MP. Même si les partenaires conseillent toutefois "de formaliser le caractère occasionnel ou exceptionnel du télétravail dans les accords ou les avenants" pour éviter tout risque d’ambigüité. En outre, ils proposent d’ouvrir les règles régissant les accidents de trajet aux tiers lieux.
Les organisations syndicales et patronales sont également parvenues à sécuriser le principe de réversibilité du télétravail, c’est-à-dire la possibilité pour l'employeur comme pour le salarié d’y mettre fin. En s’appuyant sur les accords d’entreprise de la Société Générale et des Pages Jaunes, ils conseillent de convenir d’une durée déterminée pour que le télétravail "puisse prendre fin automatiquement soit à la date décidée par les parties, soit à l’initiative de l’une ou de l’autre des parties moyennant un délai de prévenance". En clair, "l’interruption du télétravail ne peut constituer un motif de licenciement", résume Mohamed Oussedik.
Surtout, s’agissant des frais liés au télétravail à domicile, ils estiment que "l’évaluation au réel n’est plus en cohérence avec la réalité de la vie des entreprises". Ils penchent donc pour une "réforme de l’évaluation des frais professionnels sur une base forfaitaire légale ou conventionnelle". Une évolution de nature "à sécuriser les entreprises et à simplifier la gestion de ces dispositions". Cette prise en charge étant, en effet, remise en cause actuellement lors des contrôles de l’Urssaf.
Reste que le télétravail se heurte à des réticences. En premier lieu, celle des managers le plus souvent réfractaires à ce mode de travail. La plupart ayant peur de ne plus pouvoir surveiller leurs collaborateurs en leur laissant trop d'autonomie. "La culture du présentéisme est encore très forte, relève Eric Courpotin. Toutes les entreprises auditionnées s’accordent à souligner l’importance de formations portant sur les aptitudes à manager autrement ou à distance". Le télétravail bouscule, en effet, la notion classique de management et de relation hiérarchique et oblige à trouver un juste équilibre entre contrôle du travail et véritable relation de confiance. Des freins culturels plus tenaces que les seules difficultés techniques et juridiques.
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