Même si elle diffère devant l’Autorité de la concurrence et devant la Commission européenne, la procédure de transaction en droit de la concurrence commence à séduire de plus en plus les entreprises. Attention, néanmoins, transiger n’est pas négocier.
Créée en droit de la concurrence français par la loi Macron du 6 août 2015 et l’article L.464-2 du code de commerce, la procédure de transaction existe devant la Commission européenne depuis 2008. Virginie Beaumeunier, rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence et Flavio Laina, chef de l’unité cartels-procédures de transaction à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne sont revenus sur les différences et les points communs de ces deux procédures lors d’une conférence « Mise en œuvre de la procédure de transaction, regards croisés », organisée hier par la Revue Concurrences et le cabinet d’avocats d’affaires Gide Loyrette Nouel.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Devant l’Autorité de la concurrence toutes les infractions sont concernées par cette procédure de transaction. « La procédure de transaction n’est ni obligatoire ni automatique, mais elle est vivement souhaitable », précise la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence. Contrairement à l’organe européen qui l’utilise uniquement pour résoudre les questions liées aux cartels. « L’objectif de la Commission est de trouver des cas où les preuves sont suffisamment solides et ne nécessitent pas beaucoup de questions », justifie Flavio Laina. Deux procédures discordantes, mais qui tendent vers les mêmes objectifs : faire gagner du temps et de la visibilité aux entreprises. « Il faut s’inscrire dans le temps de l’économie. La transaction a permis de réduire le temps de la procédure à 2 ans contre 5 ans pour une procédure ordinaire », continue le représentant de la Commission européenne.
En droit français, l’entreprise est à l’initiative de la transaction tandis qu’au niveau européen c’est la Commission qui décide de la bonne opportunité de la transaction. « C’est l’entreprise qui est demanderesse, mais c’est le rapporteur général de l’autorité qui accepte ou non de faire une proposition de transaction », tempère Virginie Beaumeunier. De son côté, la Commission européenne, après avoir terminé son enquête, décide en amont si l’affaire peut faire l’objet d’une transaction ou non. Et plusieurs critères entrent en ligne de compte dans cette prise de décision : le nombre d’entreprises concernées, la coopération quasi certaine des sociétés, la probabilité de succès de la procédure ainsi que l’inexistence de questions juridiques nouvelles. La transaction va se dérouler avant la notification des griefs à l’inverse du fonctionnement de la procédure précisée à l’article L.464-2 du code de commerce.
En droit français, la possibilité de transiger intervient après l’envoi de la notification des griefs par l’Autorité. Néanmoins, l’Autorité administrative indépendante a mis en place une présentation rapide préalable à la notification des griefs pour indiquer aux entreprises la possibilité de se saisir d’une telle procédure. La présentation des griefs se fait environ 1 mois avant la notification personnalisée des griefs. « C’est une réunion où les services d’instruction vont présenter succinctement les griefs, mais à ce moment-là aucune copie n’est transmise », précise la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence. La réflexion de l’entreprise doit se faire dans les délais de la notification des griefs, c’est-à-dire environ 2 mois. Il est d’ailleurs vivement conseillé aux avocats de préparer à la fois la discussion des griefs et de réfléchir à une éventuelle transaction. Après la réception de la notification des griefs, l’entreprise doit faire une demande formelle auprès de l’autorité indiquant qu’elle est intéressée par la procédure de transaction. S’en suit alors une discussion informelle avec les services d’instruction pour trouver une échelle du montant de l’amende.
Devant la Commission européenne, la procédure se déroule en trois temps forts. D’abord, la présentation de l’affaire. Lors d’une réunion, les éléments les plus importants sont présentés pour la première fois aux entreprises concernées, durant plusieurs heures. « Les personnes qui ont le pouvoir de décision doivent être présentes et si possible accompagnées de leurs conseils », explique Flavio Laina. Pour éviter une prolongation de plusieurs jours, les preuves présentées ne sont qu’une sélection. Les entreprises peuvent par la suite demander de nouveaux éléments, mais elles n’obtiendront jamais l’accès complet aux preuves. Ensuite, les parties discutent des aspects techniques de l’affaire. « Il est important de discuter d’abord de la substance et après de la sanction », développe le chef de l’unité cartels-procédures de transaction. Une fois que l’entreprise et la Commission européenne ont une vision commune de l’affaire, cette dernière communique une fourchette d’amendes. L’entreprise décide ensuite de l’accepter ou non. En cas d’accord de l’entreprise, la Commission lui notifiera les griefs ainsi que la proposition de transaction. Au total, la procédure de transaction aura duré entre 8 à 15 mois contre environ 6 mois devant l’Autorité de la concurrence.
Selon les praticiens du droit assistants à la conférence, qualifier de transaction la procédure est, en réalité, un peu trompeur car les entreprises ne peuvent discuter d’aucun grief reproché, ce ne sont pas des négociations. Les entreprises qui ont transigé ne bénéficient pas de l’abandon possible de l’un des griefs. La transaction concerne tous les griefs et pas seulement une partie. Pour les entreprises qui n’ont pas transigé, le collège de l’Autorité de la concurrence examinera les fondements de l’ensemble des griefs. Ainsi, pour certains avocats présents dans la salle, il serait possible que des entreprises qui ont pris part à la même infraction et à qui les mêmes griefs étaient reprochés, ne soient pas condamnées de la même façon suivant qu’elles aient transigé ou opté pour une procédure ordinaire en contestant les griefs. Un scénario qui n’a pas lieu d’être pour la Commission européenne : « dans la plupart des griefs il y a une responsabilité individuelle. Les griefs ne sont pas les mêmes pour toutes les entreprises concernées par la même affaire », insiste Flavio Laina. En fait, le principal intérêt d’une telle procédure pour la société visée est s’assurer d’être condamnée à une amende moindre que durant une procédure ordinaire, en admettant que l’ensemble des griefs reprochés aurait été retenus. « L’idée est d’avoir un rabais de 10 % sur l’assiette évaluée concomitamment », estime Virginie Beaumeunier. L’Autorité indépendante peut prendre en compte d’éventuels engagements de l’entreprise ou des difficultés de paiements, mais rien de plus.
Enfin, l’échec de la transaction peut être constaté dans deux cas : l’abandon de la procédure et le recours de l’entreprise contre la décision de la transaction. « En cas d’abandon, la Commission européenne doit tenir compte de tous les éléments nouveaux » et mettre en place une procédure ordinaire, précise le chef de l’unité cartels-procédures transactions. Depuis sa mise en application en 2010, la Commission européenne a eu à traiter 20 affaires en transaction dont 5 qui n’ont pas abouti et un seul cas de recours a été recensé. Cependant, le représentant de l’exécutif européen n’a pas voulu faire de commentaire sur cette affaire de la Société Générale où la Commission européenne s’est vue obligée de rembourser 218 millions d’euros à la banque française, dans le cadre d’une enquête pour violation des règles de la concurrence sur les taux interbancaires.
De son côté, l’Autorité de la concurrence n’a pas encore eu à connaître ce genre de cas, mais ne les exclut pas pour autant. Les échecs de la transaction devant l’Autorité française sont généralement dus à l’abandon de l’entreprise une fois les griefs connus ou au fait que les services d’instruction de l’Autorité et la société n’ont pas réussi à converger sur un montant.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.