Les petites sociétés vont probablement pouvoir camoufler davantage d’informations clés

Les petites sociétés vont probablement pouvoir camoufler davantage d’informations clés

29.11.2017

Gestion d'entreprise

Le gouvernement propose, dans un projet de loi, d'étendre la dispense de rapport de gestion à toutes les petites sociétés. Selon lui, la mesure améliorait la compétitivité de ces entreprises. "Validée" par le conseil d'Etat, cette disposition, offerte par la directive comptable, ne pose a priori pas d'obstacle juridique.

Les gouvernements successifs veulent limiter les informations stratégiques disponibles sur les petites sociétés. Depuis l’exercice comptable 2015, ces entités peuvent en principe réserver l’accès à leur compte de résultat même si elles doivent dans tous les cas déposer le document au greffe du tribunal de commerce. Cette option de confidentialité, issue de la PDF icondirective comptable de 2013 (article 31), est offerte aux sociétés qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : chiffre d’affaires de 8 millions d’euros, bilan de 4 millions d’euros et 50 salariés (la directive comptable offre même la possibilité de relever les seuils de chiffre d’affaires et de bilan respectivement à 12 millions d’euros et 6 millions d’euros ; cf article 3). Précisément, ces entreprises peuvent limiter l’accès à ce document comptable à quelques parties prenantes telles que les autorités judiciaires, les autorités administratives, la Banque de France et les personnes morales qui financent ou investissent, directement ou indirectement, dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales. Une option analogue est autorisée pour les micro-sociétés qui le souhaitent : les sociétés qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants (700 000 euros de chiffre d’affaires, 350 000 euros de bilan, 10 salariés) peuvent décider de ne pas rendre public l'ensemble de leurs comptes annuels depuis les états financiers 2013.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Rapport de gestion déjà allégé en juillet dernier

Le rapport de gestion est lui aussi touché par ce mouvement de confidentialité. Depuis plusieurs années déjà, les petites sociétés unipersonnelles que sont les EURL et les SASU sont dispensées d’établir ce document lorsque l'associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance ou la présidence (article L 232-1 du code de commerce). En juillet dernier, le gouvernement d’Edouard Philippe est allé encore plus loin. Il a autorisé, via une ordonnance, à alléger le contenu du rapport de gestion des petites sociétés qui restent tenues de l'établir. Cette disposition, en réalité issue de l’habilitation donnée par le gouvernement de Bernard Cazeneuve via la loi dite Sapin 2 de 2016, permet à ces entreprises, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, de ne pas communiquer des informations clés notamment relatives à l'environnement, au personnel et aux activités de recherche et développement.

Intelligence économique

Le gouvernement d’Edouard Philippe compte aller encore plus loin. Dans l'objectif général d'améliorer la compétitivité des petites entreprises, il propose d’étendre la dispense du rapport de gestion à toutes les petites sociétés, c’est-à-dire à celles qui ne dépassent pas deux des trois seuls évoqués précédemment (et que la directive comptable permet de relever, cf son article 3). Cette mesure est incluse dans le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance publié avant-hier (voir aussi PDF iconl'étude d'impact). Pour l'exécutif, l'amélioration de la compétitivité des entreprises serait assurée par deux moyens. Premièrement, en garantissant "la confidentialité d’informations stratégiques, laissant la société libre de communiquer ou non à des tiers pourvoyeurs de fonds les éléments nécessaires à l’obtention d’un financement". Deuxièmement, ces sociétés économiseraient chaque année "une charge administrative superflue" pour environ 1,3 million d'entre elles, soit un total de 270 millions d'euros (7 heures de travail par société au coût horaire brut de 29,90 €, selon l'étude d'impact). On ne peut s'empêcher de se demander si ce projet n'en cache pas un autre, celui de remonter les seuils d'audit légal.

Ludovic Arbelet
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