Les pistes des partenaires sociaux pour relancer l’apprentissage

Les pistes des partenaires sociaux pour relancer l’apprentissage

26.05.2020

Gestion du personnel

Coup de pouce financier, contrat "zéro charge", voire "zéro coût", création de spécialisation pour retarder l’entrée des apprentis sur le marché du travail… Alors que Muriel Pénicaud s’apprête à annoncer un plan de relance de l’apprentissage, les organisations patronales et syndicales dévoilent leurs propositions.

Alors que Muriel Pénicaud et les acteurs de l’apprentissage préparent le futur "plan de relance" pour sauver une rentrée 2020 malmenée par la crise sanitaire survenue en pleine période d’orientation, les organisations patronales et syndicales ont dévoilé, le 19 mai, leurs propositions à la ministre du travail, laquelle s’est engagée à revenir vers eux d’ici à une "quinzaine de jours". "Pour l'Etat, une rentrée avec 300 000 potentiels apprentis sur le carreau serait un drame dont il est difficile d’évaluer le coût social", prévient le Medef.
 

Aides financières

Sans surprise, plusieurs organisations préconisent des coups de pouce directs. L’organisation de Geoffroy Roux de Bézieux, par exemple, demande une aide unique de 10 000 euros pour toutes les entreprises qui recrutent un apprenti avant le 31 décembre 2020, "versée de manière échelonnée sur la première année du contrat, à partir du deuxième mois après l’embauche, quels que soient la taille de l’entreprise et le niveau du diplôme préparé par l’apprenti". Cette aide unique devra également s’appliquer aux contrats de professionnalisation certifiant ou diplômant d’une durée de deux ans. Selon le Medef, la réduction des coûts est "la seule façon" de décider les entreprises de recruter des apprentis "dans la situation actuelle d’extrême tension sur la trésorerie".

La CFDT, de son côté, penche pour une aide ciblée en direction des entreprises de moins de 50 salariés - 70 % des embauches des apprentis, selon la confédération de Belleville - et pour tous les niveaux de qualification en complément de l’aide unique aux entreprises (qui existe aujourd’hui pour les sociétés de moins de 250 salariés). Mais à une condition : "que cette aide dégressive sur l’ensemble du parcours d’apprentissage soit conditionnée à un accord de la branche sur l’apprentissage dans le cadre d’un plan de relance de la branche avec des priorités affichées".

Autre option proposée par la CPME : l’instauration d’un dispositif "zéro charge" patronale pour toutes les entreprises qui décident de recruter un apprenti en 2020-2021. L’U2P va plus loin en suggérant un contrat à "zéro coût", pour les entreprises de moins de 20 salariés. Avec à la clef, une exonération de cotisations ainsi qu’une rémunération de l’apprenti prise en charge par l’Etat. Pour les moins de 50 salariés, l’Union des entreprises de proximité se dit favorable à "un renforcement de l’aide unique notamment en élargissant son accès aux apprentis de niveau supérieur au Bac".

Craignant les "effets d’aubaine", la CGT appelle toutefois à la "vigilance" et souhaite conditionner ces aides "au regard de l’emploi maintenu en interne". "Un coup de pouce pourrait également être proposé à l’attention des entreprises qui signent directement un CDI" même si la confédération de Montreuil reconnaît que ces dernières sont en "minorité".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Assouplir les modalités d’apprentissage

Les partenaires sociaux veulent également assouplir les modalités d’apprentissage, en modifiant les rythmes d’enseignement et d’alternance. Concrètement, il s’agirait pour la CFE-CGC, de mettre les alternants "sous cloche pendant un an, jusqu’à la rentrée 2021 pour savoir quels sont les zones, métiers qui ne recrutent plus". "Cela ne sert à rien de rentrer des jeunes en formation pour qu’à la sortie ils aillent au chômage ou soient obligés de se reconvertir", fait valoir la confédération de l’encadrement. Avec, par exemple, la création de spécialisation ou de session d’approfondissement pour ceux qui devaient sortir en 2021. Même idée du côté de l’U2P. La CFDT a une autre suggestion : prévoir un "droit de suite" des jeunes diplômés de 2020, c’est-à-dire un accompagnement professionnel en entreprise qui pourrait être décliné par le biais de l’Afest (formation en situation de travail), de la POE (préparation opérationnelle à l’emploi) ou via un abondement CPF.

Les organisations patronales souhaitent également allonger la durée de formation pendant laquelle un jeune peut demeurer en formation dans un CFA, sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, en attente d’un point de chute en entreprise. Le Medef propose que les jeunes restent au minimum neuf mois dans leur CFA avant de signer un contrat d’apprentissage tandis que l’U2P revendique 12 mois. Entre les deux, la CPME avance un délai de six mois, comme le propose l’ordonnance du 1er avril dernier (trois mois de plus que ce que prévoit la loi Avenir professionnel). Ce qui leur permettra de différer la recherche d'un employeur.

A noter également pour le Medef la possibilité "de moduler la réparation du temps de travail entre CFA et l’entreprise", en augmentant la part de la formation à distance.

Coûts contrats

Reste un autre point épineux, le financement de l’apprentissage. Les CFA sont, depuis la loi Avenir Professionnel, financés aux "contrats". Or, "quand moins de contrats sont signés, il y a moins d’argent pour les CFA", rappelle la CGT. Aussi, "un grand nombre de CFA risquent de ne pas rouvrir à la rentrée prochaine, car ils n’auront pas suffisamment d’apprentis inscrits pour garantir un point d’équilibre financier". Une crainte également relayée par la Fédération des directeurs de CFA (Fnadir). Redoutant "une baisse d’activité générale" assortie "d’une baisse du nombre d’apprentis recrutés", elle demande une sécurisation des financements jusqu’à la fin de la crise. Une mesure destinée, selon la fédération, à "prévenir le risque de faillite de CFA".

 Si la CFDT, FO et l’U2P souhaitent une réévaluation de ces coûts contrats, la confédération de Montreuil pousse un cran plus loin, en insistant pour sortir de la logique des CFA aux "contrats".

Nul doute que les arbitrages de Muriel Pénicaud devront répondre à ces préoccupations.

 

Anne Bariet
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