Les points de vigilance de la rentrée 2021 [3]

Les points de vigilance de la rentrée 2021 [3]

29.08.2021

Gestion du personnel

Quels sont les sujets législatifs, jurisprudentiels, contentieux de ces derniers mois que les DRH devront avoir en tête au moment de la rentrée ? C'est ce que nous avons demandé à plusieurs avocats. Troisième volet avec Yoann Gontier, avocat associé au sein d'Epona Conseil. Au menu, la pérennisation du télétravail, les entretiens professionnels et le renouvellement des comités sociaux et économiques.

Point de vigilance n° 1 : la pérennisation du télétravail

© David Morganti"Le télétravail sera l'un des enjeux de la rentrée. Nous sommes aujourd'hui encore dans la législation d'urgence qui autorise les entreprises à y recourir et à l’imposer sans nécessairement disposer d'un support juridique. Les entreprises y sont mêmes contraintes puisque le protocole sanitaire en entreprise n'a pas été modifié sur ce point lors de sa dernière mise à jour du 9 août. En effet, les entreprises doivent toujours fixer un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, dans le cadre d’un dialogue social de proximité. Pour l'heure, nous ne connaissons pas la date de fin de ce régime exceptionnel de télétravail. Dans la fonction publique, une circulaire du 26 mai 2021 la fixe au 1er septembre. Le questions-réponses sur le passe sanitaire indique, quant à lui, que le télétravail peut être imposé jusqu'au 15 novembre. Mais, quelle que soit cette date, il faut se préparer dès à présent à la bascule dans le droit commun du télétravail et ne pas se tromper dans la méthode puisque nous constatons que les demandes sont fortes sur ce sujet en vue de pérenniser le télétravail au-delà des circonstances exceptionnelles actuelles. 

En effet, les ordonnances du 22 septembre 2017 obligent à prévoir le recours au télétravail  par accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après avis du CSE

Faut-il privilégier l'une ou l'autre de ces méthodes ? Deux décisions de la Cour de cassation donnent la priorité à la négociation collective lorsque ce choix est laissé à l'employeur entre accord collectif ou décision unilatérale. D'une part, un arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 2019 sur les établissements distincts. La Cour estimé que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. Dans un second arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation a tranché dans le même sens à propos du vote électronique.

A mon sens, ces deux décisions sont transposables au télétravail (compte tenu de la réaction de l’article L.1222-9 II du code du travail), de sorte que la priorité doit donc être donnée à la négociation collective. Ainsi, soit l'entreprise a des délégués syndicaux et dans ce cas elle ne peut pas faire l'impasse sur une tentative de négociation loyale et elle ne peut élaborer une charte sur le télétravail qu’en cas d'échec de la négociation. Soit elle ne dispose pas de délégués syndicaux, alors elle dispose d’un choix entre l’adoption d’une charte et la négociation d’un accord d’entreprise et ce, quand bien même elle disposerait d'un CSE car la priorité donnée au dialogue social ne vise pas les modes de négociation dits dérogatoires (c’est-à-dire la négociation d’un accord d’entreprise avec le CSE à défaut de délégué syndical). Pour ma part, je préconise de passer, autant que faire se peut, par la voie de l'accord collectif car cela permet de trouver des solutions concertées et partagées avec les partenaires sociaux de l'entreprise. A cet égard, il me semble important de souligner qu’il est possible :

- de prévoir un accord à durée déterminée dans une logique d'expérimentation,
- et de traiter aussi avec les partenaires sociaux ce qui relève de la prévention des risques professionnels liés au télétravail, qui est le parent pauvre du cadre juridique actuel.

En tout état de cause, la voie de la négociation collective se prête mieux à trouver des solutions innovantes. Recourir à la négociation permet également d'échapper à ce que prévoient les deux accords nationaux interprofessionnels en matière de prise en charge des frais professionnels. En effet, un accord collectif d'entreprise peut déroger à un accord national interprofessionnel depuis les ordonnances de 2017. Demeure toutefois un point d'incertitude : même lorsqu'il existe un accord collectif qui écarte la prise en charge des frais liés au télétravail (prise en charge qui continue à être prévue par les deux accords nationaux interprofessionnels précités), la jurisprudence qui oblige l’employeur à rembourser au salarié les frais professionnels que celui-ci expose, ne s'appliquera-t-elle pas malgré tout ? A mon sens, il faut toutefois s'interroger sur le fait de savoir s'il est opportun d'en faire un sujet de discussion, d'autant plus que le Bulletin officiel de la sécurité sociale a clarifié le régime social de ces frais sur les conditions d'exonération notamment en cas de conclusion d'un accord collectif. Il convient, enfin, de souligner que lorsqu'on aborde par la négociation, la formalisation du recours au télétravail, il peut s'agit d'un levier pour discuter ou rediscuter des accords sur l'aménagement du temps de travail". 

 

Point de vigilance n° 2 : l'organisation des entretiens professionnels

© David Morganti"C'est un sujet immédiat de la rentrée car le premier cycle d'entretiens professionnels qui a débuté en 2014 devait se terminer en 2020 mais a connu plusieurs reports en raison de la crise sanitaire. Le dernier report a été fixé au 30 septembre 2021. Or, un bon nombre d'entreprises ne se sont pas saisies du tout du sujet ou n'ont pas réussi à mobiliser les salariés autour de cette pratique. Pour les entreprises d'au moins 50 salariés, les enjeux ne sont pas anodins en raison de la sanction visant à abonder le compte personnel de formation à hauteur de 3 000 euros par salarié, ce qui peut représenter des sommes très substantielles.

Il n'est pas trop tard pour agir et quatre outils permettent aux entreprises d'aborder ce sujet avec plus de sérénité.

1) Les entreprises peuvent se saisir de la possibilité offerte par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 de négocier, avant le 30 septembre 2021, sur la périodicité des entretiens professionnels. Et ce, d'autant plus que ce changement de périodicité peut être rétroactif. En effet, le questions-réponses du ministère du travail, mis à jour le 30 juin dernier, indique que si un accord collectif est conclu, il s'applique pour le cycle en cours et pour l'ensemble des cycles suivants. L'entreprise pourra ainsi échapper à l'abondement si au moins un entretien a eu lieu au cours des six dernières années et qu’un accord collectif en ce sens est conclu d’ici le 30 septembre prochain. 

2) Par ailleurs, est prorogé jusqu'au 30 septembre 2021, le droit d’option qui permet à l’employeur de s’appuyer sur les critères soit de la loi de 2014, soit de la loi de 2018 pour satisfaire à ses obligations en matière de formation professionnelle (lesquelles sont vérifiées à l’occasion de l’entretien professionnel de bilan tous les 6 ans). L'employeur peut ainsi :

- soit appliquer la règle initialement posée par la loi du 5 mars 2014 en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels périodiques et d’au moins deux des trois mesures suivantes : action de formation (obligatoire ou non), acquisition d’une certification, progression salariale ou professionnelle ;  

- soit appliquer la règle issue de la loi du 5 septembre 2018 en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels périodiques et d'au moins une formation autre "obligatoire".

A noter que l'exercice de cette option est individuel, salarié par salarié, ce qui permet à l’entreprise de disposer de souplesse au cas par cas pour échapper à l’abondement sanction précité. 

3) En outre, je recommande de procéder à un décompte précis de l'ancienneté pour déterminer à quelle date doit avoir lieu précisément l’entretien professionnel de bilan des six ans puisque si l’on se réfère au questions-réponses du ministère du travail, les périodes de suspension du contrat de travail ne sont pas prises en compte dans le calcul des six ans, ce qui, là encore, laisse plus de souplesse à l'employeur pour certains de ses salariés. 

4) Enfin, dans un arrêt du du 2 décembre 2020, la cour d'appel de Paris a précisé que les conditions posées par le code du travail ne sont pas cumulatives mais exclusives, ce qui signifie que si une action de formation a eu lieu mais que l'employeur n'a pas organisé d'entretien professionnel, l'entreprise (d'au moins 50 salariés) n'est pas tenue d'abonder le CPF.

Il en serait de même si une entreprise avait organisé tous les entretiens professionnels sans que soient remplis les autres conditions posées par les dispositions légales. Il convient toutefois de faire preuve de prudence puisqu’un pourvoi a été formé à l’encontre de cette décision. Pour ma part, cette position de la cour d’appel de Paris me semble conforme à la rédaction de l’article L.6315-1 II du code du travail et à la position du rapporteur de la loi du 5 mars 2014 (rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, n°1754, tome I). 

 

Point de vigilance n° 3 : le renouvellement des CSE

© David Morganti

"Le renouvellement des comités sociaux et économiques dès 2022 est un enjeu de la rentrée car même si les entreprises vont enclencher le processus électoral en 2022, il convient de mener tout un travail préparatoire afin de s'y préparer. 

D'une part, les entreprises ont, à mon sens, tout intérêt à s'efforcer de dresser un bilan du fonctionnement des CSE au cours de ce premier cycle électoral : déterminer ce qui a fonctionné, ce qui a moins bien marché afin d'en tirer des enseignements sur ce qu'il faut améliorer. Cela permettra de donner du grain à moudre pour l'accord préélectoral ou un accord d’entreprisse portant sur le CSE (rappelons, en effet, que les ordonnances de septembre 2017 ont très largement ouvert le champ de la négociation collective s’agissant du fonctionnement, des moyens et des attributions du CSE, ce qui constitue une véritable opportunité dont très peu d’entreprises se sont, à ce jour, saisies). 

Dans ce cadre, les entreprises vont également pouvoir tenir compte des prochaines évolutions qui vont entrer en vigueur. En premier lieu, la loi Climat confère de nouvelles attributions aux CSE et enrichit le contenu de la base de données économiques et sociales. Or, ces deux nouveautés font partie des dispositions supplétives et donne donc matière à négocier. Par ailleurs, la loi sur la santé au travail du 2 août 2021 renforce l'obligation de formation des membres du CSE sur les questions de santé au travail. Enfin, je conseille aux entreprises de veiller à tenir compte des changements induits par la crise sanitaire sur le mode de fonctionnement des CSE.

Enfin, il apparaît opportun pour les services RH d’ouvrir une réflexion sur le niveau de mise en place du CSE dans le cadre de son renouvellement, en tenant compte notamment de la jurisprudence rendue au cours des deux dernières années sur les établissements distincts. Je préconise aux entreprises de s'en saisir pour arriver armées dans les négociations qui vont en découler puisque c’est ce qui conditionnera la mise en place soit d’un CSE unique au niveau de l’entreprise, soit de CSE d’établissements et d’un CSE central. Il s’agit notamment de savoir si les responsables de site sont titulaires ou non d'une délégation de pouvoir et, si tel est le cas, dans quelle proportion (arrêt du 11 décembre 2019). Une attention particulière doit également être portée sur la question de budgets de fonctionnement et/ou d’investissement dédiés aux responsables de site (arrêt du 22 janvier 2020)".

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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