Les pratiques des plateformes de publicité en ligne face au droit de la concurrence
26.02.2020
Gestion d'entreprise

La condamnation de Google à une amende de 150 millions d'euros pour abus de position dominante et l'injonction de modifier les règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire offrent un cadre d'analyse de la conformité au droit de la concurrence des relations entre plateformes de publicité en ligne et annonceurs.
L’ADLC vient de publier le texte intégral de la décision adoptée le 19 décembre 2019, soit plus de quatre ans après la demande de mesures conservatoires et la saisine au fond formées par une entreprise qui estimait abusives la suspension sans préavis de son compte dans le service de publicité en ligne de Google.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Cette entreprise utilisait le service de publicité en ligne de Google pour éditer des sites d’informations payantes sur la météo, les données d’entreprises et les renseignements téléphoniques. Elle estimait que la procédure suivie par Google et les motifs de la suspension n’étaient pas objectifs, transparents, et étaient discriminatoires. L’ADLC avait rejeté la demande de mesures conservatoires au motif que les conditions d’urgence n’étaient pas réunies, mais en revanche elle avait décidé de poursuivre l’instruction au fond du dossier. La décision de l’Autorité à l’issue de cette instruction identifie les règles de fonctionnement et les pratiques de Google non conformes au droit de la concurrence en l’espèce, et précise les règles imposées par ce droit en la matière.
Selon l’Autorité, Google a abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux moteurs de recherche, en infraction aux dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, en adoptant des règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire opaques, difficilement compréhensibles, et en les appliquant de manière discriminatoire et aléatoire.
Ces règles précisent les conditions que les annonceurs doivent respecter pour diffuser de la publicité. D’après Google, elles auraient pour finalité de protéger l’internaute afin qu’il ne soit pas exposé à des annonces le renvoyant vers des sites pouvant porter atteinte à ses intérêts. Elles interdisent aux annonceurs de "vendre" des produits ou des services normalement gratuits ou de présenter aux internautes un contenu différent de celui présenté à Google. Elles imposent aussi la transparence vis-à-vis des consommateurs sur la façon dont le cas échéant ils vont être facturés. En cas de non-respect de ces règles, Google peut refuser les annonces, bloquer les sites, ou même suspendre les comptes des annonceurs qui, de ce fait, ne peuvent plus passer aucune annonce par son intermédiaire.
L’Autorité estime que la formulation de ces règles ne repose sur aucune définition précise et stable, et qu’en conséquence Google a toute latitude pour les interpréter selon les situations.
Tel est le cas notamment de la règle sur la "vente d’articles gratuits" qui interdit de facturer des frais aux utilisateurs pour des produits ou services qui sont "normalement gratuits", alors que le caractère "normalement gratuit" d’un service n’est pas aisément déterminable. Ainsi s’agissant de météo, certains sites sur Google offrent un nombre important d’informations gratuites, mais d’autres sites proposent aussi une offre payante par abonnement. Un professionnel peut donc difficilement déterminer si le service concerné est "normalement gratuit", puisque cette notion n’est pas précisément définie.
Dans ces conditions, Google a pu modifier fréquemment l’interprétation des règles en cause. Il en est résulté une instabilité dont l’effet a été de maintenir certains annonceurs dans une situation d’insécurité juridique et économique les exposant au risque de suspension de leur site ou même de leur compte, sans pouvoir anticiper ni prévenir ce risque, d’autant plus que les modifications successives d’interprétation ne faisaient pas l’objet d’une information ou d’une notification auprès des annonceurs concernés.
L’insécurité résultant de l’imprécision et des changements d’interprétation de ces règles a été aggravée par leur application discriminatoire d’une part, puisque plusieurs sites ont été suspendus alors que d’autres au contenu similaire ne l’ont pas été, et incohérente d’autre part, dans la mesure où des sites suspendus ont par la suite bénéficié d’une promotion.
Tout en admettant que l’objectif de protection du consommateur affiché par Google est légitime, l’ADLC souligne que cet objectif ne saurait justifier que soient traités de manière discriminatoire et aléatoire des acteurs dans des situations comparables. Google ne peut donc suspendre le compte d’un annonceur au motif qu’il proposerait des services qu’il estime contraire aux intérêts du consommateur, tout en acceptant de référencer et d’accompagner sur sa plateforme publicitaire des sites qui vendent des services similaires.
L’adoption de l’ensemble de ces règles et la manière dont elles ont été appliquées ont pu décourager le développement de sites innovants. En effet, pour ne pas être en infraction avec la règle d’interdiction de vente de services gratuits, des sites ont revu leur modèle économique en proposant exclusivement des services non payants pour les utilisateurs et financés indirectement par la vente d’espace publicitaires via la publicité "display" particulièrement visible pour laquelle Google propose ses services. Par ailleurs, les sites à faible notoriété ont été affectés dans la mesure où l’optimisation du référencement naturel étant longue et complexe, la seule véritable possibilité dont disposent ces sites pour se faire connaître est généralement le référencement payant, les annonces liées aux recherches Google étant devenues la "norme de fait" pour les annonceurs souhaitant acheter ce type de publicité.
Outre l’amende de 150 millions d’euros infligée à Google, l’Autorité lui ordonne de :
- clarifier la rédaction des règles de sa plateforme publicitaire et de revoir les procédures d’information concernant les modifications de ces règles notamment en respectant une procédure de notification individuelle deux mois avant tout changement de celles-ci ;
- clarifier les procédures de suspension des comptes afin d’éviter qu’elles ne revêtent un caractère brutal et injustifié ;
- mettre en place des procédures d’alerte, de prévention, de détection et de traitement des manquements à ses règles, afin que les mesures de suspension de sites ou de comptes soient strictement nécessaires et proportionnées à l’objectif de protection des consommateurs.
A ce titre, Google devra organiser une formation annuelle obligatoire à destination des personnels chargés de l’accompagnement personnalisé des entreprises présentes sur la plateforme, afin que les équipes soient suffisamment informées du contenu et de la portée des règles adoptées, ainsi que des risques que leurs clients et les utilisateurs encourent s’ils ne les respectent pas.
Google devra communiquer chaque année à l’Autorité un rapport précisant notamment le nombre de plaintes déposées à son encontre par les internautes français, le nombre de sites et comptes suspendus, la nature des règles violées et les modalités de la suspension.
Enfin, la société Google devra présenter à l’Autorité :
- dans un délai de 2 mois, un rapport détaillant les mesures et procédures qu’elle compte mettre en oeuvre pour se conformer aux injonctions ;
- dans un délai de 6 mois, un rapport détaillant l’ensemble des mesures et procédures qu’elle a effectivement mises en place.
Un résumé de la décision devra en outre être accessible via la page d’accueil de Google.fr et la version de Google.com accessible en France, pendant une durée d’une semaine.
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