"Les recruteurs cherchent à s’entourer de profils adaptables, capables de se projeter dans deux à trois ans"

"Les recruteurs cherchent à s’entourer de profils adaptables, capables de se projeter dans deux à trois ans"

23.02.2021

Gestion du personnel

Un rapport sur "Le futur du recrutement des jeunes diplômés" mené par JobTeaser, une start-up spécialisée dans le recrutement des jeunes diplômés, dévoile les grandes tendances du recrutement qui devraient se développer à l’horizon 2030. L’éclairage de Jérémy Lamri, directeur du pôle recherche & innovation, co-auteur de l’étude.

Vous venez de réaliser une étude, à partir d’entretiens avec une cinquantaine de DRH, d’experts, de représentants d’institutions françaises et internationales, de responsables du recrutement d’entreprises implantées en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne Quel état des lieux dressez-vous du recrutement des jeunes diplômés français alors que la crise sanitaire s’éternise ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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 36 % des jeunes ont vu leur processus de recrutement annulé ou suspendu

Il s’agit d’une classe d’âge déstabilisée par la crise. Un sondage commandité par la Fédération des associations générales étudiantes en juin 2020 indiquait que 36 % des jeunes ont vu leur processus de recrutement annulé ou suspendu pendant le confinement. De plus, cette génération va se retrouver en concurrence avec les promotions de 2021. Mais aussi avec des salariés licenciés pendant la crise. C’est ce qu’observe Adecco dans une enquête qui relève que 68 % des entreprises ayant licencié certains de leurs employés ces derniers mois prévoient de les réembaucher dans les six prochains mois.

Les mesures du plan du plan de relance, aides à l’embauche des jeunes et à l’apprentissage, n’ont pas réussi selon vous à inverser la tendance ? Selon le ministère du travail, 1,2 millions de jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en CDI ou en CDD d'au moins trois mois…

Ces mesures ne sont pas négligeables. Notamment en matière d’apprentissage. Et s’il y a une réponse conséquente sur l’accès immédiat à l’emploi, il ne faut pas néanmoins négliger les enjeux connexes comme l’orientation. En effet, il ne s’agit pas simplement de proposer des offres d’emploi mais également de permettre aux jeunes de réfléchir à leur parcours et trouver des options compatibles qu’ils n’avaient pas envisagé jusque-là. L’employabilité doit désormais se travailler tout au long de la vie, et cela implique d’associer systématiquement les enjeux de recrutement et orientation.

Chercher son premier job en temps de crise relève donc d’une mission quasi impossible ?

En 2008, le décrochage des salaires s’est maintenu pendant les sept années suivantes. 

On peut redouter une dégradation de la qualité de l’emploi, notamment en termes de contrat (un premier CDI plus tard), de statut (le statut cadre plus rare) et en termes de salaires. Il est, en effet, très plausible que les niveaux de salaires d’entrée connaissent un repli dans les prochaines années. D’une part sous l’impact d’une réduction des opportunités d’emplois, et d’autre part en raison de la réorientation attendue de jeunes diplômés vers des emplois moins bien rémunérés que ceux auxquels ils pouvaient prétendre.

La crise fait courir un risque de reproduction du scénario de 2008. Lequel s’est traduit par une baisse de 10 % des salaires, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Tennessee (Etats-Unis). Un décrochage qui s’est maintenu pendant les sept années suivantes.

Vous prévoyez également un recours plus important aux freelances au détriment de recrutements directs ?

Le freelancing connaît un développement constant depuis plus d’une dizaine d’années sous la double influence de la digitalisation d’un nombre plus grand de métiers et, dans le cas de la France, de la création du régime d’autoentrepreneuriat en 2008. De plus, le manque de visibilité économique pourrait favoriser certaines entreprises qui hésitent à recruter un CDI, à recourir à ce type de statut.

Certains jeunes aspirent à être indépendant ou slasheur (qui exerce plusieurs activités) ; ce statut permet de diversifier ses sources de revenus et de développer un portefeuille clients. Mais d’autres s’y résigneront, en l’absence d’opportunités plus stables. Il s’agira d’une solution par défaut en attendant un contrat à temps complet dans une entreprise.

Vous prévoyez également un changement de méthode dans le manière de recruter. Avec à la clef, une attention moindre portée au diplôme. Les soft skills peuvent-elles s’imposer comme premiers critères de sélection ?

 Les recruteurs se tournent vers les soft skills pour évaluer la capacité d’un jeune à faire face aux mutations des métiers à venir

Le diplôme reste important en France. Mais les recruteurs cherchent à s’entourer de profils adaptables, capables de se projeter non pas uniquement sur le poste à pourvoir à l’instant T mais dans deux à trois ans. Face à l’évolution très rapide des métiers, les recruteurs estiment, en effet, que le diplôme, reflet des connaissances acquises, ne traduit pas obligatoirement une capacité à apprendre et à s’adapter aux changements. C’est pourquoi, ils se tournent vers les soft skills pour évaluer la capacité d’un jeune à faire face aux mutations des métiers à venir. Lesquelles mettent en avant l’adaptabilité, l’esprit d’équipe, la rigueur et l’organisation, la motivation, l’empathie, l’écoute, l’esprit d’entreprendre.

Ces qualités seront d’autant plus utiles aux recruteurs que cette année, crise sanitaire oblige, ils ne pourront pas valider les connaissances métiers censées être acquises au cours d’un stage. Beaucoup de jeunes n’ont pas pu faire ou ont dû interrompre cette formation pratique à cause du confinement. D’où la nécessité d’opter pour de nouveaux critères de sélection.

Selon une enquête réalisée par Monster en 2018 auprès de 450 responsables RH français, les soft skills sont jugées très importantes ou importantes par 87% des recruteurs.

Comment évalue-t-on ces soft skills ?

C’est là que le bât blesse. On ne sait pas exactement ce que cette notion recouvre, hormis la définition des compétences critiques ou 4C (esprit critique, créatif, communicatif et collaboratif). Le problème ? Les soft skills dépendent du contexte dans lequel elles sont évaluées. Ainsi, la confiance en soi ou la créativité peuvent varier selon que le candidat se trouve dans un cadre individuel ou collectif, à l’interne ou à l’externe. Un candidat peut avoir une créativité exacerbée lorsqu’il participe à un exercice collectif et être incapable de créativité s’il est seul devant son ordinateur. Pour un autre, ce sera exactement l’inverse : il lui faudra être isolé pour pouvoir faire preuve de créativité.

On ne peut pas identifier tous les contextes possibles. Pour se démarquer, les candidats ne doivent pas hésiter à rattacher ces compétences à leurs expériences extra-professionnelles, dans le milieu associatif ou dans la vie quotidienne. Ces expériences constitueront autant de preuves tangibles pour un recruteur sur lesquelles il peut s’appuyer pour valider le potentiel du candidat.

Les entreprises ont de plus en plus recours à l’intelligence artificielle dans le process de recrutement. Pourquoi ?

La Covid-19 a permis de gagner cinq ans sur cette tendance

La Covid-19 a permis de gagner cinq ans sur cette tendance. Si les outils d’intelligence artificielle étaient jusqu’il y a peu, surtout utilisés pour les toutes premières étapes du processus de recrutement (pour le sourcing, le tri et le fléchage des candidatures vers les offres), ils occupent désormais une place beaucoup plus centrale. Ils sont au coeur du recrutement et interviennent de plus en plus aux stades des entretiens et de l’évaluation des compétences. Par exemple, les algorithmes sont jugés très utiles pour le matching entre les candidats et les postes à pourvoir, le recrutement de meilleurs profils…

L’intelligence artificielle a toutefois des limites ?

L’I.A. n’est pas une science exacte, elle apporte la moins mauvaise réponse à la question posée 

Nous ne sommes qu’aux prémices de ce que l’intelligence artificielle peut apporter. L’I.A. n’est pas une science exacte, elle apporte la moins mauvaise réponse à la question posée. Aussi, l’intelligence artificielle appliquée à des domaines comme l’évaluation des compétences ou le matching d’un candidat pour un poste, quelle que soit la quantité de données mobilisées, ne pourra produire qu’une réponse, que l’on qualifiera d’optimale, mais imparfaite. L’intelligence artificielle, par exemple, est utile pour sélectionner des candidats, en aiguillant les profils via un chatbot (pour faire un premier tri des CV) ou en géolocalisant des offres. Mais cela peut devenir dangereux et "enfermant" pour la sélection. En effet, par nature, une intelligence artificielle amplifie le profil dominant. Elle établit des corrélations entre des bases de données. Si, dans un entrepôt, il y a une majorité d’hommes, il se peut que l’I.A. encourage le recrutement d’hommes.

L'intelligence artificielle (IA) comporte des risques discriminatoires et d'uniformisation des profils. L’expertise des recruteurs reste donc nécessaire lors de la sélection finale des candidats.

 

Anne Bariet
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