Les tests antigéniques vont-ils faire recette en entreprise ?

Les tests antigéniques vont-ils faire recette en entreprise ?

08.11.2020

Gestion du personnel

Le nouveau protocole sanitaire autorise désormais les entreprises à dépister leurs salariés. Mais la démarche suscite plusieurs réserves de la part des DRH. La prudence domine ! Le point de vue de quatre experts RH, Audrey Richard, Pauline Saint-Jean, Tiffany Guilpain et Philippe Maurette.

Les entreprises peuvent désormais proposer à leurs salariés volontaires des tests "rapides" ou antigéniques, selon le nouveau protocole nationale sanitaire, publié le 29 octobre. Leur principale vertu est d’être rapide : les résultats peuvent être obtenus en 20 à 30 minutes (contre plusieurs jours pour les tests PCR) sans avoir recours à un laboratoire d’analyse médicale. La mesure avait été réclamée par Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, qui espérait par ce biais sauver les secteurs de la culture et de l’évènementiel au moment du couvre-feu, en testant les spectateurs.

Sans retenir cette proposition, le ministère du travail, plutôt réticent au début de la crise sanitaire, est passé à l’acte. Mais les entreprises vont-elles s’approprier les tests antigéniques ? Pour l’heure, les réponses sont nuancées.

"Travailler dans un environnement sécurisé"

Philippe Maurette, consultant en management et gestion des ressources humaines qui intervient dans plusieurs secteurs dont l'agro-alimentaire, approuve. "Ils permettent de travailler dans un environnement sécurisé et de rassurer les salariés. Dans ce secteur, il existe des impératifs de livraison et de distribution. Or, les salariés sont anxieux ; il peut même y avoir un climat de suspicion par rapport aux collègues : a-t-il chargé l’application TousAntiCovid ? Présente-t-il des symptômes ? Les mesures de sécurité sanitaire sont scrutées de près".

De même, Tiffany Guilpain, RRH de JVWEB, une société spécialisée dans le webmarketing (65 salariés) indique être intéressée au moment du déconfinement pour permettre à ses collaborateurs de revenir plus sereinement ; les tests permettant de "gérer rapidement les cas contact". "Le télétravail est parfois difficile pour la gestion de projets, l’intégration de nouveaux collaborateurs..."

"Ne pas faire retomber la vigilance… "

A l’inverse, Pauline Saint-Jean, DRH de Saveurs et Vie, une entreprise spécialisée dans la nutrition des personnes âgées et convalescentes (250 salariés), reste dubitative. "Depuis mars, nous sommes proactifs en matière de prévention. On a construit une politique de sécurité solide et nous ne voulons pas perturber notre organisation. Je ne voudrais pas que la vigilance retombe notamment pour les livreurs chargés de livrer les repas au domicile des personnes âgées". Ce sera donc non pour Pauline Saint-Jean, hormis des dépistages pour les personnes "cas contact" ou en cas de suspicion de foyer de contagion.

"Outil supplémentaire"

Entre ces deux positions, Audrey Richard, la présidente de l’ANDRH, estime qu’il "s’agit d’un outil supplémentaire pour réduire la chaîne de transmission du virus… ". Lequel n’exonère en rien l’employeur de mettre la priorité sur la prévention, notamment sur les gestes barrières et les modalités d’organisation du travail dont le télétravail.

Concertation avec le CSE

Les DRH doivent, au préalable, s’entourer de multiples précautions. "Ces tests ne peuvent pas être décidé par le seul DRH, insiste Philippe Maurette. Il faut une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre du CSE et avec la médecine du travail".

De plus, "il faut communiquer largement sur le sujet, poursuit Pauline Saint-Jean. A défaut, le dépistage sera mal perçu en interne".

Risques liés au RGPD

Surtout, les entreprises doivent veiller au respect du secret médical. "Aucun résultat ne peut être communiqué à l’employeur ou à ses préposés", indique le protocole sanitaire. "Mais le risque juridique existe notamment sur la protection des données personnelles conformément au RGPD", prévient Audrey Richard.

En clair, l’employeur ne peut recevoir que l’éventuel avis d’aptitude ou d’inaptitude à reprendre le travail émis par le professionnel de santé. Il ne pourra alors traiter, à l’instar des arrêts maladie, que cette seule information, sans autre précision sur l’état de santé du salarié.

"Nous souhaitons être accompagnés clairement par le gouvernement en termes de droits et de devoirs sur ce sujet. Cette question ne relève pas de nos champs traditionnels d’expertise", alerte Tiffany Guilpain.

Nouveau rôle RH

"Les DRH préfèrent investir sur des mesures d’accompagnement sanitaire, de sécurité, d’hygiène plutôt que sur des mesures qui relèvent du domaine de la santé et qui nécessitent l’accord du salarié. Ils restent donc plutôt prudents", confirme Audrey Richard. Une enquête flash réalisée par l’association en avril dernier l’atteste : seule la moitié des répondants était favorable à la prise de température à l’entrée de locaux et un tiers se prononçait en faveur d’un "tracking", via l'application de traçage de l’époque "Stop Covid", pour permettre de retrouver les contacts avec des personnes porteuses du virus, au niveau de l’entreprise.

"Avec la crise, les professionnels RH ont dû s’aventurer au-delà de leur domaine habituel de compétences, en endossant à la fois des rôles d’experts médicaux, juridiques, de spécialistes de la paie et même parfois de psychologues (notamment concernant la gestion de l’anxiété de certains collaborateurs), relève Tiffany Guilpain. Mais ces prérogatives ne relèvent pas toujours de leur feuille de route initiale".

Pénurie de professionnels de santé

D’autant qu’ils anticipent plusieurs difficultés sur le dépistage. A commencer par la pénurie des partenaires médicaux, notamment en Ile-de-France. Plusieurs catégories de personnel sont, en effet, habilités à faire ces tests - médecins, infirmiers, pharmaciens. Comment dans ce cas y faire face ? Certaines entreprises ont, d’ores et déjà, tenté de nouer des partenariats avec des laboratoires pharmaceutiques depuis la rentrée mais sans succès… Ce sera donc le système D. Pauline Saint-Jean vise, elle, les infirmières. Elle prospecte actuellement les cabinets d’infirmerie pour permettre à ses salariés de prendre directement des rendez-vous avec quelques centres cibles.

"Ces tests risquent d’être utiles aux seules entreprises qui ont les moyens de le faire, c’est-à-dire qui disposent de services internes de santé", relève Audrey Richard.

Avantages et inconvénients

Alors pour ou contre les tests antigéniques ? Côté bénéfice, Philippe Maurette met en avant l'impact sur l’absentéisme et le fonctionnement opérationnel. "Une journée de production a un coût. Ces tests permettent d’obtenir une réponse quasi immédiate sans remettre en cause l’activité de l’entreprise".

Côté inconvénients, la DRH de Saveurs et Vie pointe le potentiel coût trop élevé (8,05 euros l’unité), entièrement à la charge de l’entreprise. Elle devra débourser environ 2 000 euros pour l’ensemble des salariés. Et dénonce "leur manque de fiabilité par rapport aux tests PCR pour dépister des porteurs sans symptômes".

"Reste qu’il faut désormais vivre avec le virus, concède Philippe Maurette. On n’est plus dans une opération d’urgence, il faut désormais des mesures durables. Et les tests y contribuent".

 

La métropole de Nice Côte d’Azur propose un dépistage gratuit aux entreprises

Les entreprises de la métropole de Nice Côte d’Azur peuvent désormais organiser un dépistage massif de leurs salariés. En partenariat avec le CHU de la ville et l’Agence régionale de santé, l’Agence de sécurité sanitaire, environnementale et de gestion des risques de la métropole propose ce dispositif gratuitement aux employeurs, via un numéro d’appel (04 97 13 56 05). Les médecins et infirmiers de la ville (agents publics) ainsi que des vacataires recrutés pour l’occasion, se déplacent directement au siège de la société pour faire les prélèvements. Lorsqu’il s’agit de petites structures (10-15 personnes), des lieux de rendez-vous sont fixés pour prendre en charge plusieurs sociétés en même temps. "Une quinzaine d’entreprises ont sollicité le service depuis le lancement du dispositif le 28 octobre", indique Romain Gitenet, directeur de l’Agence de sécurité sanitaire, environnementale et de gestion des risques.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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