Les zones d’ombre des comptes de l’Etat français se chiffrent en milliards d'euros

Les zones d’ombre des comptes de l’Etat français se chiffrent en milliards d'euros

01.06.2017

Gestion d'entreprise

Produits enregistrés à tort, incertitudes sur les immobilisations financières, etc. La comptabilité générale de l’Etat au titre de l’exercice 2016 fait l’objet de réserves importantes. Les anomalies représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Quelle est la valeur des immobilisations financières détenues par l’Etat français au 31 décembre 2016 ? Selon lui, elle s’élève à 378,5 milliards d’euros en montants bruts et près de 340 en montants nets. Mais on peut en douter à la lecture du PDF iconrapport que la Cour des comptes vient de publier — rappelons que l’Etat doit, depuis la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) de 2001, tenir une comptabilité générale de l’ensemble de ses opérations venant compléter sa comptabilité budgétaire et que ses comptes ont vocation à être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière (article 27 de la Lolf). Car "la Cour [des comptes] ne dispose d’aucune assurance sur la fiabilité des comptes de 433 entités représentant, fin 2016, une valeur de 27,2 Md€ à l’actif du bilan de l’Etat", rapportent les magistrats financiers de la rue Cambon.

Des rapports de Cac non obtenus

Comment expliquer une telle incertitude sur la valeur des participations de l’Etat ? La Cour des comptes explique qu’elle s’appuie prioritairement sur les rapports des Cac des entités que l'Etat détient lorsqu’une certification est prévue. Or, "les rapports de commissaire aux comptes de 69 entités, évaluées à 16,8 Md€, n’ont pas pu être obtenus". Et quand l’entité contrôlée est dépourvue de Cac, la Cour des comptes exploite les rapports d’audit interne et les réponses aux questionnaires qu’elle adresse. Problème : "dans le cas de 364 entités d’une valeur totale de 10,4 Md€, dont les comptes ne sont pas soumis à une certification externe et qui n’ont pas fait l’objet d’un audit interne récent, aucune information n’est disponible", argumentent les magistrats de la rue Cambon.

Doutes sur les comptes de la SNCF

La valorisation de la participation de l’Etat dans la SNCF pose aussi question. "Les commissaires aux comptes de SNCF Réseau et SNCF Mobilités indiquent ne pas être en mesure de se prononcer sur la valeur nette des actifs relatifs aux activités Infrastructure et Gare & Connexions qui s’élève respectivement à 31,5 Md€ et 1,6 Md€", avance le rapport. Dernier exemple en matière d’immobilisations financières, le montant des créances détenues par l’Etat liées au programme d’investissements d’avenir. "La Cour n’est pas en mesure de se prononcer avec une assurance suffisante sur le solde de certaines créances détenues par l’Etat dans ce cadre, notamment sur l’Agence nationale de la recherche et BpiFrance (26 Md€ fin 2016), ni sur la valeur à l'actif de son bilan de plusieurs fonds sans personnalité juridique mis en place (6 Md€ fin 2016), en particulier ceux gérés par la Caisse des dépôts et consignations".

5 milliards d’euros de produits enregistrés à tort

Le compte de résultat de l’Etat pose aussi question pour des montants importants. Ainsi, l’évaluation des 32,8 Md€ de dépréciations sur les créances fiscales manque de fiabilité, déplore la Cour des comptes. Autre problème, les données extraites des déclarations fiscales ne sont pas suffisamment contrôlées. "C’est notamment le cas des données relatives aux crédits d’impôt reportés ou imputés par les redevables au titre de l’IS (respectivement 27,2 Md€ et 11,9 Md€ fin 2016)", illustre le rapport. Les magistrats financiers avancent même, avec certitude, la présence de 5 milliards d’euros de produits enregistrés à tort. Cela porte sur les acomptes de TVA versés par les redevables qui bénéficient du régime simplifié d’imposition et du régime simplifié agricole que la Cour des comptes considère comme des dettes non financières. Bref, le solde des opérations de l’Etat (différence entre les charges et les produits) devrait être dégradé d’autant. Il s’élève, selon l’Etat, à – 75,6 Md€.

Ludovic Arbelet

Nos engagements