L'externalisation d'une partie de l'activité de l'entreprise peut-elle constituer un transfert d'entreprise ?

09.02.2023

Gestion du personnel

Il n'y a pas transfert du contrat de travail vers une entité nouvellement créée qui se trouve dans un lien de dépendance certain avec la société d'origine.

Il y a transfert des contrats de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise. Dans ce cas, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise (C. trav, art. L. 1224-1).

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Pour ce faire, la jurisprudence exige qu'il y ait transfert d'une entité économique autonome, qui est entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre (Cass. soc., 7 juill. 1998, n°96-21.451 ; Cass. soc. 27 févr. 2013, n°12-12.305 ; Cass. soc. 23 juin 2021, n°18-24.597).

Remarque : cette définition est inspirée de celle donnée par la directive communautaire du 12 mars 2001 relative au transfert d'entreprise. En effet, la directive entend entité économique comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

La Cour de cassation prend d'ailleurs le soin de préciser qu'elle se fonde sur l'article L. 1224-1 du code du travail " interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001".

Or, la notion d'entreprise économique autonome n'est pas toujours facile à appréhender. C'est le cas en l'espèce où l'entreprise d'origine avait décidé d'externaliser son activité de commercialisation auprès d'une agence commerciale qui a pris la forme d'une société.

Une salariée, qui avait été transférée dans cette agence a conclu avec cette dernière une rupture conventionnelle. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin de dénoncer la régularité du transfert de son contrat de travail et par conséquent, demander la nullité de la rupture conventionnelle conclue avec l'agence commerciale.

La cour d'appel donne raison à la salariée à savoir que le contrat de travail n'avait pas été régulièrement transféré de façon automatique. En conséquence, l'agence commerciale n'était pas l'employeur de la salariée et ne pouvait donc pas conclure de rupture conventionnelle. La cour d'appel en déduit que le contrat de travail avait été rompu à l'égard de la société d'origine et analysait cette rupture comme licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'agence commerciale, qui a formé un pourvoi en cassation, conteste cette décision en expliquant qu'elle a repris la commercialisation des produits de l'entreprise d'origine, ainsi que sa clientèle, ce qui constitue un transfert d'entreprise.

Le raisonnement de la cour d'appel est intéressant puisque celle-ci se base sur un faisceau d'indices pour conclure qu'il y avait absence de transfert d'une entité économique autonome :

  • l'agence commerciale n'a pas fourni de contrat commercial la liant avec l'entreprise d'origine, ni la décision du conseil d'administration de l'externalisation de l'activité ;

  • les représentants du personnel n'avaient pas été préalablement informés et consultés de la réorganisation ;

  • aucun document ou note interne n'ont été versés au dossier pouvant attester du projet de transfert d'activité ;

  • les commandes, livraisons et facturation restaient à la charge de l'entreprise d'origine ;

  • plusieurs mois après le transfert d'activité, les salariés transférés disposaient toujours d'une messagerie du nom de leur précédent employeur ;

  • les informations pour la mutuelle et la prévoyance étaient toujours fournies par l'entreprise d'origine.

La cour d'appel relève surtout que l'agence commerciale se trouvait dans un lien de dépendance avec l'entreprise d'origine, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources matérielles au fonctionnement du service externalisé. Ainsi, l'agence commerciale n'était pas autonome ; or l'autonomie de la nouvelle entité économique est l'élément central pour reconnaître l'existence d'un transfert d'entreprise.

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel : l'externalisation de l'activité commerciale ne constituait pas un transfert d'entreprise mais un démembrement du service. Ainsi, l'agence commerciale se trouvait dans un lien de dépendance certain à l'égard de l'entreprise d'origine.

Il en résulte que pour reconnaître l'autonomie d'une nouvelle entité économique, il est nécessaire de justifier que la société nouvellement créée ne dépende pas de l'entreprise d'origine.

Lucie ONETO
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