Licenciement : des difficultés économiques appréciées selon la taille de l'entreprise

Licenciement : des difficultés économiques appréciées selon la taille de l'entreprise

08.04.2016

Gestion du personnel

Les députés de la commission des affaires sociales ont poursuivi et achevé, hier, l'examen du projet de loi El Khomri. Licenciements pour motif économique, droit à la déconnexion, médecine du travail, CPA ... Revue de détail des principales retouches apportées au texte.

Après trois jours de travail, les députés ont fini d'examiner le projet de loi Travail, ce jeudi soir, en commission des affaires sociales. Nous poursuivons notre décryptage des principaux amendements adoptés sur le texte.

Licenciements économiques : en fonction de la taille de l'entreprise

C’est un changement de taille qu’a opéré la commission des affaires sociales sur les règles relatives au licenciement économique. Le texte, qui reprend l’amendement, proposé par le rapporteur Christophe Sirugue, instaure un régime spécifique pour les TPE-PME. Concrètement, pour recourir à un ou des licenciements économiques, la baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes est appréciée en fonction de la taille de l’entreprise. Elle devra correspondre :

  • A un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • A deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à 49 salariés ;
  • A trois trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à 299 ;

Pour les grandes entreprises, la durée est fixée à 4 trimestres. La commission supprime également la possibilité de conclure un accord de branche qui fixerait une durée inférieure pour caractériser l’existence de difficultés économiques.

Ces critères ne sont, toutefois, pas exhaustifs. En cas de licenciement économique, l’employeur pourra également invoquer d’autres critères prouvant le caractère significatif de ces difficultés économiques, comme les pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.

En revanche, les députés ne se sont pas prononcés sur l’évolution du périmètre d’après lequel devront être appréciés les difficultés économiques d’une entreprise présente dans plusieurs pays. Le sujet est renvoyé au débat en séance publique, à compter du 3 mai.

Licenciements en cas de cession d'entreprise

La possibilité de déroger au transfert des contrats de travail - désormais limitée aux entreprises de plus de 1 000 salariés - ne sera possible que si l’entreprise a fait l’objet d’une offre de reprise qu’elle envisage d’accepter, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement, précise la commission des affaires sociales.

Licenciement fondé sur un motif discriminatoire ou en cas de harcèlement

Un amendement reprend des dispositions du projet de loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel car introduites trop tardivement au cours de l'examen.

  • L'’employeur devra rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à la personne licenciée suite à un traitement discriminatoire ou harcèlement moral ou sexuel.
  • En cas de licenciement en raison d’un motif discriminatoire, lié notamment au sexe, à la grossesse, à la situation familiale etc ou suite à un harcèlement sexuel, l'indemnisation ne pourra pass être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Droit à la déconnexion : à l’ordre du jour dès 2017

Un amendement ramène de 300 à 50 le seuil à partir duquel une charte définissant les contours du droit à la déconnexion des salariés doit être élaborée. Au-delà, ce droit est à l’ordre du jour des négociations annuelles sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. L’entrée en vigueur de cette disposition est prévue au 1er janvier 2017 au lieu du 1er janvier 2018. Enfin, le gouvernement prévoit le lancement d’une expérimentation d’une durée de 12 mois (dont les modalités seront définies par décret) portant sur l’articulation du temps de travail et  l’usage raisonnable des outils numériques.

Médecine du travail et inaptitude

Plusieurs amendements viennent préciser les dispositions qui réforment le régime de l'inaptitude.

  • Dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur ne devra pas proposer qu'un seul poste. Pour insister sur ce point, le terme "poste" est remplacé par celui d'"emploi", qui sous-entend de proposer plusieurs postes. L’exposé des motifs précise qu’un emploi "regroupe des postes très proches au regard des activités réalisées ou des compétences mises en œuvre".
  • En cas d’inaptitude, le reclassement pourra se faire par la voie d'une mutation, ce que ne précisait pas le projet de loi.
  • En cas de licenciement en raison de l'impossibilité de reclasser le salarié inapte, cette impossibilité devra être constatée dans "un emploi" et non "dans l’entreprise", et ce afin d’inclure les entreprises du groupe le cas échéant.
  • Si le projet de loi vise à remplacer - dans la majeure partie des cas - la visite médicale d’embauche par une visite d’information, avec la suppression de l’avis d’aptitude, les députés ont souhaité toutefois que soit remis au salarié une attestation à la suite de la visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche.
Télétravail : un rapport avant le 1er décembre 2017

Le gouvernement a prévu, dans le projet de loi, une négociation interprofessionnelle d’ici le 1er octobre sur la question du télétravail, incluant les sujets liés au droit à la déconnexion, au nomadisme, au co-travail ou au management à distance. La commission sociale enjoint ici le gouvernement de présenter, avant le 1er décembre 2017, aux parlementaires un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques. Objectif ? Avoir un retour sur les évolutions législatives envisagées.

Accords de groupe et accords interentreprises

Pour les accords de groupe, un amendement précise que si les négociations obligatoires au niveau de l'entreprise peuvent désormais être menées et conclues au niveau  du groupe, cela ne signifie pas que le seul déclenchement d'une négociation à ce niveau exonère les entreprises du groupe de leurs obligations de négocier. Ainsi, les entreprises comprises dans le périmètre d'un groupe seront exonérées de leurs obligations de négocier seulement si la négociation menée au niveau du groupe a permis la conclusion d'un accord.

Un accord interentreprises conclu entre plusieurs entreprises pourra prévoir que ses stipulations priment sur les stipulations des accords d’entreprise ou d’établissement ayant le même objet et compris dans le périmètre de cet accord.

CHSCT : un délai de 15 jours pour contester la délibération sur l'expertise

L’employeur pourra contester le coût prévisionnel d’une expertise dès le début de la procédure, s’il dispose d’informations en la matière, sans attendre la remise du rapport d’expertise et la facture correspondante. L'employeur qui souhaitera contester "la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise", ou "son coût final" devra saisir le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT, ou de la date à laquelle l’employeur a été en mesure de prendre connaissance de la facture.

Mesure de la représentativité patronale

L'article 19 du projet de loi Travail qui consistait à reprendre la position commune Medef-CGPME afin de pondérer la mesure de l'audience des organisations patronales (assise sur le nombre d'entreprises adhérentes par organisation) par le nombre de salariés des entreprises adhérentes est supprimé. Ce sujet pourrait à nouveau revenir sur la table lors de l'examen en séance publique, tant la question de l'outil de mesure de la représentativité patronale est une question sensible.

Elargissement du CPA aux retraités

Selon l’exposé des motifs de l’amendement qui prévoit l’élargissement du CPA aux retraités, "il est légitime qu’une personne retraitée, effectuant des actions citoyennes ou associatives, puissent capitaliser le fruit de cette activité sur son CEC [compte d’engagement citoyen], et par exemple avoir accès à des formations qui améliorent son engagement associatif". Le compte sera fermé au décès du bénéficiaire.

Par ailleurs, il est prévu qu’une concertation soit engagée avant le 1er octobre 2016 sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le compte personnel d’activité avec les syndicats employeurs qui, s’ils le souhaitent, ouvriront une négociation à ce sujet. En effet, si le CPA reposait initialement sur le compte personnel de formation, le compte pénibilité et le compte d’engagement citoyen, "la vocation du CPA dépasse toutefois ce périmètre : à terme, d’autres comptes pourront y être intégrés et ainsi faciliter les transitions professionnelles. Il s’agira notamment de faciliter l’accès aux droits sociaux et la gestion des différents temps de vie, professionnels et personnels".

Avantages et cadeaux accordés aux salariés par l’employeur

Un amendement créé un nouvel article dans le code de la sécurité sociale afin de sécuriser la tolérance Urssaf qui existe pour l’exonération de cotisations qui s’applique lorsqu’en l’absence de CE, l’employeur donne des bons d’achat aux salariés en cas de naissance, mariage... Néanmoins, l’exonération ne serait plus limitée à 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 161 €, par événement, comme actuellement, mais à 10 % du plafond mensuel par salarié et par an, soit 322 €.

Accès au droit pour les TPE/PME

La commission des affaires sociales complète les dispositions en faveur des entreprises de moins de 300 salariés. Pour plus de visibilité, un nouveau service d’informations, baptisé "service public de l’accès au droit", est créé par l’administration, associant les chambres consulaires, les organisations syndicales et professionnelles, les conseils départementaux, afin de répondre aux questions relatives au droit du travail, aux accords et conventions collectives. L’employeur pourra, en outre, présenter, la position de l’administration devant les juges en cas de contentieux. L’objectif étant "d’attester de sa bonne foi". Sans pour autant créer un droit opposable ou "de rescrit".

Où en est le projet de loi
Etape actuelle Adoption du projet de loi en commission des affaires sociales
Prochaine étape Discussion en séance publique les 3, 4, 9, 10, 11 et 12 mai
Entrée en vigueur Publication au Journal officiel

 

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet, Eléonore Barriot et Florence Mehrez
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