L'IFPPC et l'entrepreneur individuel : recommandations, observations… et inquiétudes ?

12.01.2023

Gestion d'entreprise

L'IFPPC formule un certain nombre de recommandations s'agissant de la mise en œuvre des dispositions nouvelles applicables à l'entrepreneur individuel en difficulté. L'occasion d'une clarification… et d'une interpellation sur des difficultés à venir.

La loi n° 2021-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a profondément modifié le statut de l’entrepreneur en nom (v. bull. 257, « Entrepreneur individuel : nouvelles règles de protection de son patrimoine », p. 3 et bull. 258, « Entrepreneur individuel en difficulté : ce qui change au 15 mai 2022 », p. 1). Les modifications affectent tant ce statut quand l’entrepreneur est in bonis que quand il est défaillant. Évoquer la complexité des règles dans ce dernier cas est un doux euphémisme. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les propositions relatives aux entrepreneurs individuels, élaborées par le comité permanent des diligences de l’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC). Ces propositions se divisent en deux selon qu’elles sont des recommandations à destination des praticiens des procédures collectives ou des observations à soumettre à la Chancellerie.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Recommandations à destination des praticiens des procédures collectives

Treize recommandations sont ainsi formulées, d’inégal sens et portée, si bien que toutes ne seront pas envisagées ici.

Certaines ne sont ainsi que des explicitations des règles légales nouvelles (R3 relative au système d’aiguillage des procédures : C. com., art. L. 681-2 ; R4 sur l’appréciation du parfait maintien de la séparation des patrimoines). D’autres apportent d’utiles précisions s’agissant de la mise en œuvre des dispositions légales. Par exemple, en cas de contestation sur l’identification des actifs professionnels, la charge de la preuve incombe au débiteur (C. com., art. L. 526-22, al. 7). La recommandation n° 10 énonce que « cette règle s’impose au débiteur en cas de litige avec un organe de la procédure » ainsi qu’à l’organe exerçant les droits du débiteur en cas de litige avec un tiers. La recommandation poursuit en posant que « Le litige relève de la compétence du tribunal de la procédure (C. com., art. L. 681-2, V). Le sort de la résidence principale, sujet particulièrement sensible, est l’objet de la recommandation n° 12 laquelle distingue selon la procédure ouverte.

Des recommandations clarifient enfin les diligences des mandataires de justice. Deux retiennent notamment l’attention. La première (R5) est relative au cas – qui devrait être marginal – où le tribunal n’a pas déterminé, dans le jugement d’ouverture, la situation procédurale applicable. Le mandataire de justice doit alors s’interroger sur l’utilité de faire réparer cette omission, soit en suggérant au débiteur ou, le cas échéant, au créancier poursuivant, voire au ministère public, le dépôt d’une requête en omission de statuer, soit en suggérant au tribunal une saisine d’office à cette fin (C. pr. civ., art. 462). La seconde (R6) énonce que « Si un mandataire de justice estime que le patrimoine personnel du débiteur a été placé à tort en dehors de la procédure collective, il examine la possibilité et l’intérêt d’une mesure d’extension (sic) sur le fondement de l’article L. 621-2, alinéa 3 [du code de commerce] ». Exprimée sur un ton neutre, il est facile de prédire que l’action en réunion que prévoit ce texte va devenir un commode expédient pour régler des situations procédurales devenues excessivement complexes.

Observations à soumettre à la Chancellerie

Le comité des diligences de l’IFPPC est naturellement dans son rôle quand il relève diverses difficultés d’application des textes nouveaux. Certaines de ses observations méritent une particulière attention en ce qu’elles pourraient conduire à un amendement prochain du droit positif.

La première observation consiste à relever que la cessation d’activité (C. com., art. L. 526-22, al. 8) et la méconnaissance de certaines exigences formelles (C. com., art. L. 526-23) ayant pour effet de réunir les patrimoines de l’entrepreneur, ces situations devraient conduire à une procédure collective « classique » englobant les deux patrimoines réunis. Le comité s’inquiète par ailleurs du fait que les textes ne déterminent pas la situation procédurale applicable par défaut. Le problème se posera « quand le tribunal omettra de statuer sur les différentes questions qui conditionnent l’aiguillage de l’affaire ou lorsqu’il ne sera pas en mesure de le faire (cas de la procédure demandée sur assignation d’un créancier et en l’absence du débiteur) ».

Cette présentation ne constitue qu’un bref aperçu des difficultés que le comité des diligences de l’IFPPC a d’ores et déjà identifiées. Quand on sait que l’entrepreneur individuel est la forme d’entreprise la plus répandue en France et aussi la plus vulnérable, la pratique en révélera nécessairement d’autres.

Thierry Favario, Maître de conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3
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