L’impact de la CSRD sur les ETI et PME : une nouvelle ère pour la comptabilité socio-environnementale ?

L’impact de la CSRD sur les ETI et PME : une nouvelle ère pour la comptabilité socio-environnementale ?

15.04.2024

Gestion du personnel

Dans cette chronique, Emmanuel Gayte, expert-comptable, commissaire aux comptes et associé au sein du Groupe Alpha, détaille les enjeux pour les entreprises de taille intermédiaire et les PME de l'entrée en vigueur de la la directive CSRD : collecte des données, pilotage de la communication, développement de la comptabilité socio-environnementale.

L'adoption de la Corporate sustainability reporting directive (CSRD) par l'Union européenne constitue une avancée majeure dans les exigences de transparence pour les entreprises, visant à uniformiser le reporting de durabilité à travers le continent européen. Cette initiative ne s’adresse pas seulement aux grandes multinationales (première publication en 2025 sur la base des données 2024), mais affecte également les entreprises de taille intermédiaire (ETI, première publication en 2026 sur la base des données 2025) et les petites et moyennes entreprises (PME, première publication en 2027 sur la base des données 2026), les incitant à mener une réflexion sur leur feuille de route avec un prisme inédit et moins autocentré. Si le premier enjeu consiste à bâtir un plan d’action à travers les méandres de la réglementation, avec, en toile de fond, la nécessité de tirer parti des normes European sustainability reporting standards (ESRS) pour optimiser la communication et la stratégie de durabilité, les étapes suivantes consisteront probablement à statuer sur le chemin pour y arriver : l’approche extra-financière ou la comptabilité socio-environnementale.

La CSRD et les ESRS

Les reporting de durabilité ne sont pas nouveaux. Depuis 2014, certaines entreprises, telles que les sociétés cotées sur certains marchés européens, les compagnies d’assurance, les banques…, étaient soumises à la Non-financial reporting directive (NFRD) de l’Union européenne. La CSRD élargit significativement le champ d'application du reporting de durabilité, imposant à un plus grand nombre d'entreprises de fournir des informations détaillées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les normes ESRS, développées pour concrétiser les objectifs de la CSRD, définissent précisément le contenu et la forme que doit prendre le reporting de durabilité, couvrant un large éventail de thématiques, parmi lesquelles :

  • le changement climatique et les mesures prises par l’entreprise ;
  • la pollution ;
  • la gestion de l’eau et des ressources marines ;
  • la biodiversité ;
  • les relations sociales, dont le dialogue social constitue le fondement ;
  • la structure de la gouvernance et la prise en considération de la durabilité dans ses prises de décision stratégique.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le défi de la double matérialité pour les ETI et les PME

Le principe de la double matérialité est un concept clé dans le reporting de durabilité. Il est au cœur des informations présentes dans le reporting de durabilité. La double matérialité reflète deux perspectives d'analyse de l'information :

  • La matérialité financière, c’est-à-dire l'impact des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sur la performance financière, la position et les perspectives d'une entreprise. En d'autres termes, il s'agit de comprendre comment les questions de durabilité peuvent influencer la valeur financière de l'entreprise, y compris les risques et les opportunités liés à la durabilité qui peuvent avoir des conséquences économiques significatives.
  • La matérialité environnementale et sociale. Cette perspective se concentre sur l'impact sociétal de l'entreprise et sur l'environnement, indépendamment des répercussions financières directes sur l'entreprise elle-même. Cela inclut l'évaluation des effets positifs ou négatifs des activités de l'entreprise sur les personnes, les communautés, l'environnement et la société dans son ensemble.

Ce principe soulève de nouveaux défis pour les ETI et les PME, qui vont devoir considérer et rapporter une gamme plus large d'impacts, nécessitant une compréhension approfondie et une analyse rigoureuse de leur activité et de leurs décisions. Cette approche holistique implique une collaboration transversale (direction générale, ressources humaines, département financier, communication, etc…) pour parvenir à cerner l’ensemble des enjeux et des actions à mener. Ceci afin de permettre à l’entreprise de répondre aux exigences réglementaires actuelles et à celles de demain (gageons que la réglementation évoluera au gré des chocs climatiques et sociétaux), d’améliorer sa performance ESG et ainsi de renforcer sa compétitivité sur son marché.

Bien que les ETI et certaines PME soient directement concernées par la CSRD, toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, se voient incitées à adopter des pratiques de durabilité avancées. Ce changement peut représenter un défi, particulièrement en termes de ressources et de compétences nécessaires pour se conformer aux exigences. Cependant, et c’est bien là l’objectif, il offre également l'opportunité de renforcer leur engagement envers la durabilité, d'améliorer leur réputation et d'accéder à de nouveaux marchés et financements.

L’enjeu de la collecte des données

Au-delà de la phase de compréhension des enjeux et de la réglementation, de réflexion sur la place qu’occupe l’entreprise dans son environnement économique, social et environnemental, sur ses ambitions, vient le temps de la production du rapport de durabilité. La collecte et la gestion des données constituent un processus qui requiert une approche méthodique et structurée pour assurer la fiabilité, la pertinence et l’intégrité des données reportées sur le rapport de durabilité. Ce sera par ailleurs l’un des premiers objectifs du commissaire aux comptes que :

  • d’évaluer si le rapport de durabilité de l'entreprise est préparé en conformité avec les normes applicables (les ESRS) ;
  • de vérifier l'exactitude, la complétude et la fiabilité des informations rapportées. L’analyse des procédures de contrôle interne pour la collecte, le traitement et le reporting des données de durabilité sera au cœur de ses préoccupations.
Les conséquences des normes CSRD et ESRS sur le pilotage de la communication

Comparer les performances financières des sociétés non cotées représente aujourd’hui un défi en raison de l’accessibilité limitée de leurs données financières. Les sources disponibles sont constituées du registre du commerce et des sociétés, de bases de données professionnelles (Orbis, Dun & Bradstreet), de publications et rapports sectoriels. C’est donc une approche multimodale, en combinant des données issues de sources officielles et professionnelles. L’information sur la durabilité sera, quant à elle, standardisée, détaillée, attestée, numérisée et, donc, accessible et comparable sectoriellement et d’une entreprise à l’autre au niveau européen.

L'alignement sur les normes CSRD et ESRS transforme le rapport de durabilité en un outil de communication stratégique, permettant aux entreprises de démontrer leur engagement envers la durabilité et de renforcer leur dialogue avec les parties prenantes : les investisseurs, les clients, les salariés, les fournisseurs, les communautés locales, etc. Cela nécessite une nouvelle approche de la communication, plus authentique, plus transparente et basée sur des données fiables.

Une nouvelle ère pour la comptabilité socio-environnementale ?

La comptabilité, telle qu’elle s’impose à ce jour à l’ensemble des acteurs économiques, valorise les flux financiers, de matières, mais n’intègre pas les enjeux sociaux et environnementaux. Dès lors comment peut-on prendre des décisions avisées si l’on doit prendre en considération non seulement les aspects financiers mais également sociaux et environnementaux ? Une première réponse a consisté à développer depuis un certain temps, en parallèle de la comptabilité, des systèmes de reporting. Le bilan carbone en est un parfait exemple. Il recense les émissions de gaz à effet de serre d’une activité. Des flux qui ne sont pas adossés à un budget et qui sont souvent périphériques aux prises de décisions. Il en est de même pour le bilan social qui est un outil de reporting, de remontée d’informations et non de prise de décision.

La comptabilité socio-environnementale est une approche de la comptabilité qui élargit le cadre traditionnel de la comptabilité financière pour inclure les impacts sociaux et environnementaux des activités d'une entreprise. Cette approche consiste à valoriser des données extra-financières produites par l’entreprise et à les intégrer ensuite dans sa comptabilité. Il existe plusieurs méthodes dont certaines vont jusqu’à la production d’un bilan et d’un compte de résultat, tel est le cas du système comptable "CARE" (Comprehensive accounting in respect of ecology). Le principe repose sur l’enjeu de redevabilité. L’entreprise est redevable vis-à-vis de ses investisseurs et de son écosystème.

Ainsi, si la comptabilité socio-environnementale et l’approche traditionnelle du reporting extra-financier poursuivent toutes deux l'objectif d'intégrer les considérations environnementales et sociales dans l'évaluation de la performance des entreprises, le chemin pour y parvenir est bien différent. En effet, le reporting extra-financier se concentre sur la documentation et la communication des efforts de durabilité d'une entreprise. La comptabilité socio-environnementale offre un cadre pour l'intégration, la quantification et la valorisation des impacts environnementaux dans les processus comptables et décisionnels de l'entreprise et, donc, une aide au pilotage financier, social et environnemental.

Si la CSRD vise à améliorer et à étendre les exigences de reporting de durabilité pour les entreprises européennes, en se concentrant sur la fourniture d'informations fiables et comparables sur les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance, cela implique de collecter et de gérer un grand volume de données. Données souvent hétérogènes et provenant de sources diverses. La difficulté réside dans la conception d’un outil de reporting de durabilité qui devra s'inscrire complètement dans l'écosystème des systèmes d'information et en lien avec le pilotage global de l'entreprise. Mieux qu’un reporting tourné vers le passé plus que vers l’avenir, l’adjonction à la réglementation CSRD d’une comptabilité intégrée, c’est-à-dire qui reconnaît les dimensions environnementales et sociales comme des éléments fondamentaux de la performance et de la valeur de l'entreprise, peut constituer une synergie prometteuse pour l’avenir.

Emmanuel Gayte
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