L'impact des modifications apportées au code de procédure civile pour les praticiens

08.03.2022

Gestion d'entreprise

Médiation, tentative de règlement amiable, apposition de la formule exécutoire sur les actes d’avocat relatifs aux transactions, procédure d’injonction de payer et modalités de la déclaration d’appel : de nouvelles modifications sont apportées à la procédure civile.

Un décret n° 2022-245 du 25 février 2022 modifie à nouveau le code de procédure civile. Selon son intitulé, il est destiné à favoriser le recours à la médiation et a modifié diverses dispositions en application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Il est complété par deux arrêtés techniques, l’un du 24 février intéressant l’injonction de payer et un autre du 25 février relatif à la déclaration d’appel par voie électronique.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Seules les dispositions de l’article 1er du décret intéressent le code de procédure civile. Ce texte assez long comporte 21 séries de modifications diverses. Par exemple, à propos des frais non compris dans les dépens, l’article 75 I de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique a été complété par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 (art. 48) afin de permettre aux parties de produire les justificatifs des sommes qu’elles réclament. Le décret de février modifie en conséquence l’article 700 du code de procédure civile afin d’y insérer la même précision (D. préc., art. 1er 13°). Par ailleurs, selon l’article 456 du code de procédure civile, les jugements peuvent être établis sur un support électronique. Le décret précise que les irrégularités liées à la signature électronique constituent un vice de forme (D. préc., art. 1er, 11°). La nullité supposera donc la démonstration d’un grief.

Parmi ces nombreuses modifications d’ampleur variable, il faut signaler les mesures les plus importantes susceptibles d’intéresser les praticiens du droit des affaires. Ces changements portent sur la médiation (I), la tentative de règlement amiable (II), l’apposition de la formule exécutoire sur les actes d’avocat relatifs aux transactions ou accords amiables de résolution des litiges (III), la procédure d’injonction de payer (IV) et sur les modalités de la déclaration d’appel (V).

I. Recours à la médiation

Le décret n° 2022-345 comporte des dispositions intéressant la médiation, dispositions applicables à toutes les juridictions.

Les dispositions générales sur la médiation figurent dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions, plusieurs fois modifiées et, en dernier lieu, par la loi n° 2021-1729 du 21 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire (art. 45). L’article 21-2 de la loi de 1995 précise que le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. La loi de 2021 y ajoute l’indépendance. Cette même loi créée un Conseil national de la médiation (L. 1995, art. 21-6 et 21-7, mod.).

Médiation injonction

L’article 131-1 du code de procédure civile est réécrit par le décret mais sans modification de fond. Le juge saisi d'un litige, même en cours d’instance de référé, peut, après avoir recueilli l'accord des parties, ordonner une médiation. La mission du médiateur consiste à entendre les parties et à confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

De manière plus novatrice, le nouvel article 127-1 envisage le pouvoir du juge à défaut d’avoir recueilli l’accord des parties. Il peut alors « leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation ». Il s’agit d’une injonction délivrée par le juge. L’article 121-7 est une mesure d’administration judiciaire. On en déduit qu’elle n’est pas susceptible de voie de recours.

Rémunération du médiateur

La loi du 22 décembre 2021 substitue à la consignation d’une provision auprès de la régie du TJ ou du greffe du tribunal de commerce le versement direct entre les mains du médiateur de cette provision (L. 1995, art. 22-2, mod). Le décret comporte quelques précisions sur le nouveau mécanisme. En particulier, l’article 131-6 prévoit que le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui doivent la verser dans le délai qu’il détermine. A défaut de versement dans le délai et modalités impartis, la désignation devient caduque.

Les articles 131-13 et suivants du code de procédure civile se penchent sur la fixation de la rémunération définitive du médiateur et sur la répartition des frais, en distinguant suivant qu’il y accord entre les parties ou non. A défaut d’accord, elle est fixée par le juge.

Saisine du médiateur

Avant la réforme, le point de départ du délai de la médiation était fixé au jour de la décision ordonnant celle-ci. Le nouvel article adopte une autre solution. La durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois à compter du versement de la provision entre les mains du médiateur. La mission peut être ensuite renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur (C. proc. civ., art. 131-3 ; voir aussi art. 131-6).

Modification de la procédure de médiation

L’article 131-7 modifié prévoit les modalités de notification de la désignation du médiateur. Celui-ci convoque les parties dès qu’il a reçu la provision. Elles peuvent se faire assister « par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation », ce qui ne limite pas cette assistance à la seule présence des avocats. Enfin le juge peut mettre fin à la médiation à tout moment à la demande d’une partie, du médiateur ou d'office « lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis » ou encore lorsqu’elle est devenue « sans objet » (C. proc. civ., art. 131-10)

Médiation devant la cour d’appel

L’article 910-2 du code de procédure civile prévoyait que la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure. La Cour de cassation avait décidé que la simple convocation à une réunion d'information n'avait pu interrompre le délai pour conclure prévu par l'article 908 du code de procédure civile, la  sanction étant la caducité de la déclaration d'appel (Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n° 20-13.912).

Le nouvel article 910-2 vise désormais non plus la décision ordonnant une médiation mais celle « qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur ». La solution de la Cour de cassation n’a plus court.

Médiation devant la Cour de cassation

Le décret introduit la médiation devant la Cour de cassation. L’article 1012 est complété pour permettre au président de la formation à laquelle l’affaire a été distribuée de désigner un médiateur mais après avoir recueilli l’accord des parties.

La formation restreinte est compétente pour homologuer le constat d'accord conformément à l'article 131-12 ou pour mettre fin à la mission du médiateur conformément à l'article 131-10 (C. proc. civ., art. 1014 al. 3).

II. Tentative de règlement amiable

Extension de l’obligation

L’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice, version loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, a institué l’obligation de procéder à une tentative de règlement amiable pour certains litiges. L’article 46 de la loi du 22 décembre 2021 ajoute à ces litiges les troubles de voisinage. En conséquence, le décret du 22 février 2022 modifie l’article 750-1 pour y apporter la même précision. Donc après la modification, la tentative est obligatoire pour :

- les demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 €,

- les demandes relatives à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, schématiquement les litiges concernant les conflits de voisinage,

- celles relatives à des troubles de voisinage.

Nouvelle dispense

Par ailleurs, le même décret allonge la liste des dispenses prévues à l’article 750-1, en y ajoutant un 5e cas. La dispense a lieu :

- lorsque la demande porte sur l’homologation d’un accord,

- lorsque l’exercice d’un recours est imposé devant l’auteur de l’acte  (cas des recours administratifs obligatoires),

- lorsqu’un motif légitime l’absence de la tentative, comme l’urgence, l’impossibilité factuelle de recourir à un mode de résolution amiable ou d’organiser une conciliation dans un délai satisfaisant,

- lorsque le juge est  tenu de procéder lui-même à une tentative de conciliation,

- depuis 2022, lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution qui concerne la procédure simplifiée de recouvrement par un huissier des petites créances, celles qui n’excèdent pas 5 000 €.

III. Formule exécutoire sur les actes d’avocat relatifs aux transactions ou accords amiables de résolution des litiges

Création d’un nouveau titre exécutoire

Aux six titres exécutoires énumérés à l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, l’article 44 de la loi du 22 décembre 2021 en ajoute un septième : « les transactions et les actes constatant un accord issu d'une médiation, d'une conciliation ou d'une procédure participative, lorsqu'ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente ».

Procédure d’apposition de la formule exécutoire

Le décret du mois de février 2022 précise la procédure applicable à l’apposition de la formule exécutoire. Lorsque l’accord portant sur une médiation, une conciliation ou une procédure participative a pris la forme d’un acte contresigné par les avocats de chacune des parties, cet acte peut être revêtu, à la demande de l’une d’elles, de la formule exécutoire. La demande est formée par écrit, en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord (C. proc. civ., art. 1568 mod.). Toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule selon les règles de la procédure accélérée au fond (C. proc. civ., art. 1570 mod.).

L’article 1571 étend cette procédure à la transaction lorsqu’elle est constatée par un acte d’avocat.

IV. Procédure d’injonction de payer

L’article 1411 a été modifié par un décret n° 2021-1322 du 13 octobre 2021 (art. 3). Il était prévu, en particulier, que l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire soit signifiée au débiteur, avec la requête ainsi que les documents justificatifs produits à l’appui de celle-ci. Ces modifications devaient entrer en vigueur à une date fixée par arrêté du garde des Sceaux au plus tard le 1er mars 2022. Elles n’auront pas le temps d’accéder à la vie juridique. Le décret du 25 février modifie à nouveau le texte.

Une copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs et de l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs.

L’huissier de justice met à disposition de ces derniers les documents justificatifs par voie électronique selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux.

Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l’huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée.

L’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date, comme auparavant.

Un arrêté du 24 février 2022 édicte les conditions techniques qui permettent au débiteur de consulter les documents justificatifs « au moyen d’une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée “Mes Pièces” ». Cette plate-forme mise en œuvre sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice est intégrée au réseau privé sécurisé huissiers (RPSH). L’huissier doit s’assurer de la disponibilité de ces pièces au minimum un mois après la signification.

V. Modalités de la déclaration d’appel

Un arrêt du 13 janvier 2022 avait décidé que les mentions prévues par l'article 901, 4° doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul, en réservant le cas d'un empêchement d'ordre technique. L'appelant peut alors compléter sa déclaration par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer. En l’espèce, l’appelant sans alléguer d’empêchement technique avait énoncé les chefs du jugement qu’il critiquait dans un document intitulé « motif déclaration d'appel pdf » joint à la déclaration d’appel. La Cour de cassation en avait déduit que ce document joint ne valait pas déclaration d’appel. Aucun effet dévolutif ne s’était donc produit (Cass. 2e civ., 13 janv. 2022, n° 20-17.516).

L’article 901 relatif à la procédure ordinaire portait alors que la déclaration d’appel est faite « par acte » contenant les mentions prescrites par le texte. Le décret du 25 février 2022 précise qu’elle est faite « par acte, comportant le cas échéant une annexe » (D. préc., art. 1er 16°). Un arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel complète cette disposition.

Selon l'article 3 de l'arrêté du 20 mai 2020 version 2022, lorsque le fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4.

L’article 4 du même arrêté dans sa version modifiée précise que lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Il est communiqué « sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3 ». Ce document est un fichier au format PDF. Il peut s’agir d’un document papier qui a été scanné ou d’un enregistrement direct au format précité.

Jean-Pierre Legros, Professeur de droit privé, Université de Franche-Comté
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