"L'Index est perçu comme un sujet technique, du ressort quasi exclusif des services RH et de la direction d’entreprise"

"L'Index est perçu comme un sujet technique, du ressort quasi exclusif des services RH et de la direction d’entreprise"

07.12.2021

Gestion du personnel

Dans une étude sur l’évaluation de l'Index égalité professionnelle, commanditée par la Dares, Nicolas Farvaque, directeur du pôle Recherche & Etudes du groupe Orseu-Ethix, dresse un premier bilan du dispositif, lancé en 2019. Selon lui, l'indicateur portant sur les retours de maternité est celui qui a enclenché le plus de changements dans les pratiques des entreprises.

Vous venez de coordonner une enquête de terrain réalisée par l’Orseu, l’université de Lille et le Conseil en recherche et ingénierie formation pour l'égalité femmes-hommes (Corif) afin d'évaluer l’Index égalité professionnelle. Que constatez-vous à l’issue des 90 entretiens que vous avez réalisés ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Tout d’abord, l’Index est perçu comme un sujet technique, du ressort quasi exclusif des services RH et de la direction d’entreprise. A ce titre, il est vécu comme une nouvelle contrainte administrative. Il n’est pas utilisé par les partenaires sociaux qui s’appuient sur d’autres outils chiffrés, comme ceux de la BDESE ou vont investir le terrain de la négociation, via les accords égalité hommes/femmes et surtout les négociations annuelles obligatoires (NAO) pour corriger les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. L’Index se rattache difficilement à des stratégies de dialogue social : que négocier, en effet, quand l’entreprise se vante d’un score élevé, éventuellement en progrès ? D’autant que les données sont considérées comme opaques, issues "d’une boîte noire", tombées en quelque sorte du logiciel SIRH. Les partenaires sociaux ne se sont pas appropriés l’outil. Aussi, l’Index suscite peu d’attentes.

Dans votre étude, vous distinguez quatre types d’entreprises. Lesquelles ?

 Dans les grandes entreprises, l'Index n’est pas considéré comme un outil de gestion de l’égalité utile

Le premier groupe représente des entreprises déjà investies dans l’égalité professionnelle qui disposent d’un arsenal bien fourni. L’Index complète ici la gamme de leurs outils. Sa valeur ajoutée est donc réduite. Pour ces entreprises, l’Index permet surtout de valoriser leurs pratiques en matière d’égalité professionnelle.

Le second groupe regroupe le plus souvent des grandes entreprises : celles-ci estiment que l’Index est moins performant que les outils préexistants, il n’est pas considéré comme un outil de gestion de l’égalité utile. Dans le troisième groupe, en revanche, qui n’avait pas investi le champ de l’égalité professionnelle, l’Index a été un révélateur, il a permis d’analyser les inégalités professionnelles telles que définies dans l’Index et a conduit à des actions dans certains des domaines couverts par la mesure.

Enfin, le dernier groupe, composé de petites entreprises, reste hermétique à ce sujet. L’Index est avant tout produit dans un souci de conformité avec les obligations réglementaires.

L’index a-t-il modifié les pratiques RH ?

 L'Index n’a pas eu d’incidence directe sur la mobilité professionnelle ou sur le recrutement

Il n’y a pas eu d’incidence directe sur la mobilité professionnelle ou sur le recrutement, par exemple, pour favoriser l’intégration des femmes et peser sur l’un des cinq indicateurs de l’Index. D’autant qu’un score élevé ne conduit pas à modifier les pratiques.

On peut noter, toutefois, qu’il a eu des répercussions sur les augmentations de salaires des femmes de retour de congé maternité. Cet indicateur est certainement celui qui a enclenché le plus de changements dans les pratiques des entreprises. En 2019, environ un tiers des entreprises n’appliquaient pas loi de 2006 sur l’égalité salariale. Elles étaient 13 % (soit 3 000 entreprises) en 2021.

L’indicateur 4 a donc permis d’identifier des pratiques non stabilisées, relevant parfois du bricolage, peu conformes à la loi, quant à la catégorie de référence sur laquelle les entreprises se basent ou encore sur la périodicité et le calendrier des augmentations.

Néanmoins, cette régularisation des pratiques ne signifie pas pour autant une adhésion au principe de la loi. La notion de "mérite" est apparue dans plusieurs propos. Le rééquilibrage des situations salariales après une absence pendant un congé maternité peut donc être vu et présenté comme étant problématique car contrevenant au principe de rémunération de la performance au mérite individuel.

L’Index a-t-il changé les process RH des entreprises ?

 La performance de l’Index est fortement corrélée à la performance des outils internes de gestion et de suivi des salaires

Oui, car la performance de l’Index est fortement corrélée à la performance des outils internes de gestion et de suivi des salaires. Par exemple, dans une entreprise, l’augmentation d’une femme leur avait "échappé", malgré la présence d’outils, ce qui leur attribue une moins bonne note (perte de 5 points). Dans cette entreprise, cela a conduit à revoir en conséquence les processus RH, de façon à vérifier que les points sont bien obtenus. Cet exemple souligne la volonté de bonne performance de l’indicateur et d’optimisation de la note, conduisant à des refontes des processus de gestion RH.

L’Index est critiqué par les syndicats notamment pour la non prise en compte des bas salaires ou encore des temps partiels dans les calculs du premier indicateur portant sur l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Quelles sont, selon vous, les principales faiblesses ?

 Le seuil dit "de pertinence" d’une valeur de 5 % semble un peu contradictoire pour un indicateur qui veut réduire les écarts

Le premier indicateur concentre, en effet, plusieurs limites. Il représente pourtant 40 % de la valeur finale de l’Index.

Si l’on considère que l’Index est un bon outil, on peut effectivement intégrer les données sur les bas salaires. L’indicateur 5 sur les hautes rémunérations conduit à une vision élitiste de l’égalité, en ne s’attachant qu’aux cadres dirigeants. Les femmes sont pourtant majoritaires dans les métiers peu ou pas qualifiés.

Par ailleurs, un seuil dit "de pertinence" d’une valeur de 5 % s’applique automatiquement pour calculer le pourcentage d’écart salarial global (ou 2 % dans le cas d’une classification alternative). Par exemple, une entreprise qui octroie une rémunération globale annuelle de 35 000 euros annuels pour les hommes et de 33 250 euros pour les femmes pratique un écart de 5 % entre le salaire moyen des deux sexes. Mais celui-ci n’est pas pris en compte dans le calcul de l’indicateur. Ce qui semble un peu contradictoire pour un indicateur qui veut réduire les écarts.

L’index a-t-il minimisé d’autres données ?

Les exigences de cet Index sont assez basses

Les exigences de cet Index sont assez basses ; la grande majorité des entreprises sont au-dessus du seuil minimal de 75 points. Selon les derniers résultats de la Dares la note globale s’établit désormais à 85 points sur 100, toutes tailles confondues, en hausse d’un point par rapport à 2020. Or, ce score est jugé flatteur et fait souvent obstacle à une réflexion sur certains axes d’amélioration, par exemple en termes de gestion des carrières et d’accès des femmes à d’autres métiers.

Faut-il par conséquent le modifier ?

Si on veut faire bouger les lignes, l’Index n’est pas suffisant, il ne fait pas office de diagnostic 

L’Index est perfectible. On peut s’attarder à améliorer ou supprimer tel indicateur ou tel autre. L’inconvénient serait de déstabiliser les directions des RH, aguerries à l’exercice, qui peuvent désormais comparer le résultat d’une année sur l’autre. Mais ceci pourrait justement avoir l’avantage de casser cette routine. Un outil revu, pointant de nouvelles dimensions de l’égalité et répondant à des critiques sur sa composition pourrait être jugé utile. Il faudrait cependant améliorer la pédagogie envers les partenaires sociaux.

De plus, si on veut faire bouger les lignes, l’Index n’est pas suffisant, il ne fait pas office de diagnostic. Il faut une réflexion plus profonde.

Cet outil est symbolique. A lui seul, l’Index conduit peu à une interrogation sur les pratiques mêmes de gestion des ressources humaines. Par exemple, l’individualisation des salaires, la gestion des rémunérations à la performance ou en fonction des objectifs, sont rarement évoquées dans les entretiens.

L’Index tend également à exclure certaines inégalités car l’écart de rémunération est mesuré par catégorie professionnelle, alors que les femmes et les hommes occupent rarement les mêmes métiers. Ceci renvoie au concept de ségrégation horizontale, qui n’est cependant jamais avancé en tant que tel ou faisant l’objet d’une réflexion plus aboutie.

Anne Bariet
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