L’interdiction de revente hors réseau de distribution sélective ou exclusive ne vise pas les simples particuliers

24.01.2023

Gestion d'entreprise

Les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation de l’interdiction édictée par l’article L. 442-2 du code de commerce de revendre des produits ou services contractuels en dehors des réseaux de distribution sélective ou exclusive conformes au droit de la concurrence.

Une société exploitant un réseau de distribution sélective pour la commercialisation de cosmétiques et de parfums sous sa marque et d’autres marques de luxe, en France et dans l’Espace Economique Européen, constate que ses produits font l’objet de ventes effectuées en dehors de son réseau.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Remarque : pour mémoire, la distribution sélective repose sur un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système (Règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, art. 1, e),).

Cette société soutient que ces ventes sont le fait de plusieurs sociétés du groupe EBay d’une part, et du groupe Amazon d’autre part, qui commercialiseraient les produits contractuels soit directement, soit par l’intermédiaire de vendeurs tiers via leurs plateformes en ligne. Elle considère que ces sociétés sont responsables d’une violation de l’article L. 442-2 du code de commerce relatif à l’interdiction de revente des produits contractuels en dehors des réseaux de distribution sélective ou exclusive, et les assigne en référé moyennant deux procédures distinctes.

Dans un premier arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation affirme que les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation d’une interdiction de revente hors réseau de distribution sélective ou exclusive. Dans un second arrêt du même jour, elle admet que la cessation à l’initiative du fournisseur, des ventes réalisées en violation de l’interdiction de revente hors réseau, n’exclut pas l’octroi d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice causé.

L’interdiction de revente hors réseau de distribution sélective ou exclusive ne vise pas les simples particuliers

Aux termes de l’article L. 442-2 du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ». Cette disposition est applicable aux accords de distribution sélective ou exclusive compatibles avec le droit français et européen des ententes.

En l’espèce, soutenant que des ventes effectuées sur le site EBay portaient atteinte à son réseau de distribution sélective et constituaient des actes de concurrence déloyale, la société demanderesse avait assigné en référé la société EBay Marketplaces Gmbh en cessation de la commercialisation des produits contractuels en France, et en paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice causé. Le juge des référés avait estimé que la qualité de la personne violant l’interdiction de revente hors d’un réseau de distribution sélective était indifférente, et admettait ainsi que l’infraction était constituée qu’il s’agisse d’un vendeur particulier ou d’un professionnel du commerce. La cour d’appel avait infirmé l’ordonnance entreprise et jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé, au motif notamment que si les captures d’écran produites par la société demanderesse démontraient largement qu’avaient été vendus des produits contractuels sur le site EBay, alors qu’ils n’auraient pas du l’être, ces captures ne permettaient pas de prouver « qui étaient les vendeurs », s’ils étaient des professionnels ou des particuliers, ces derniers n’étant pas concernés par l’interdiction de l’article L. 442-2 du code de commerce.

Après avoir déclaré qu' « il résulte de ce texte que les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation d’une interdiction de revente hors réseau de distribution sélective », la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel en approuvant cette dernière d’avoir retenu :

  • d'une part, que les particuliers ne sont pas concernés par l’interdiction de revendre des produits faisant l’objet d’un réseau de distribution sélective, et,

  • d’autre part, que les captures d’écran produites par la société demanderesse ne permettent pas de démontrer si les vendeurs sont des professionnels ou des particuliers.

On observera que par cet arrêt, la Cour de cassation confirme expressément sa jurisprudence telle qu’elle ressort de sa décision du 3 mai 2012, opposant déjà plusieurs sociétés du groupe EBay à des sociétés françaises commercialisant leurs poduits dans un réseau de distribution sélective (Cass. com., 3 mai 2012, 11-10.508).

La cessation à l’initiative du fournisseur, des ventes réalisées en violation de l’interdiction de revente hors réseau, n’exclut pas  l’octroi d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice causé

Dans le cadre de la procédure de référé à l’encontre des sociétés du groupe Amazon, le premier juge avait ordonné à ces sociétés de cesser immédiatement et pour l’avenir la commercialisation en France, par le biais de leurs plateformes française, allemande, anglaise, italienne et espagnole, des produits fabriqués et commercialisés par la société demanderesse. La cour d’appel avait infirmé l’ordonnance et rejeté la demande de provision en réparation du préjudice subi par cette société, en retenant que le trouble manifestement illicite résultant de la violation d’un réseau de distribution sélective n’était pas établi, et ce, alors même que les sociétés Amazon avaient admis avoir procédé à des ventes directes de produits protégés avant de retirer les offres de ces produits.

L’arrêt d’appel est cassé pour manque de base légale, en ce que la cour a rejeté la demande de provision sans rechercher, comme il lui était demandé,  si les sociétés Amazon n’avaient pas commis d’actes engageant leur responsabilité de nature à justifier l’octroi d’une provision.

Max Vague, Docteur en droit, Maître de conférence des universités, Avocat
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