Liquidation judiciaire : la vente de gré à gré d'un immeuble est une vente judiciaire

25.04.2022

Gestion d'entreprise

La vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire du bailleur est une vente faite d'autorité de justice. Le droit légal de préemption du locataire commercial est donc inapplicable.

L’arrêt ci-dessous référencé, relatif à la confrontation du droit légal d’agrément du locataire commercial et de la vente de gré à gré d’un immeuble dans le cadre d’une liquidation judiciaire, mérite une particulière attention.

Les faits de l’espèce s’exposent simplement. Le 29 novembre 2017, une société est mise en liquidation judiciaire et un liquidateur désigné. Le 7 mai 2019, le juge-commissaire autorise la vente de gré à gré d’un immeuble de la société débitrice (C. com., art. L. 642-18 al. 3). Le notaire de l’acquéreur, rédacteur de l’acte, notifie le projet de vente à la société locataire de locaux commerciaux dans l’immeuble et l’informe qu’elle peut exercer son droit de préemption légal (C. com., art. L. 145-46-1). La locataire fait part de son intention de l’exercer. Le litige naît. Le liquidateur saisit le 4 novembre 2019 le juge-commissaire de la difficulté : selon lui, les termes du projet de vente emportaient exemption de ce droit de préemption. Sensible à l’analyse, le juge-commissaire, par ordonnance du 18 décembre 2019, rétracte celle du 7 mai 2019. Il ordonne l’ouverture d’un nouvel appel d’offres pour l’acquisition de l’immeuble de la société débitrice et la notification de l’ordonnance entre autres à la société locataire et au dirigeant de la société débitrice. A la demande de la locataire (C. com., art. R. 642-37-1), la cour d’appel annule l’ordonnance du 18 décembre 2019 pour excès de pouvoir. 

Le liquidateur forme un pourvoi contre son arrêt auquel la Cour de cassation fait droit : elle censure, au visa des articles L. 145-46-1, L. 642-18 et R. 642-37-1 du code de commerce, l’arrêt querellé.

La Cour de cassation énonce en premier lieu que la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice si bien que le droit légal de préemption du locataire commercial (C. com., art. L. 145-46-1) n’est pas applicable. La solution n’est pas sans précédent (Cass. 3e civ., 17 mai 2018, n° 17-16.113). Elle se fonde sur le caractère volontaire de la vente (« Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci (…) ») qui seul peut déclencher ledit droit de préemption. La solution est ainsi différente s’agissant du droit de préemption de l’exploitant rural (C. rur., art. L. 412-1 ; Cass. 3e civ., 5 févr. 2003, n° 01-17.145), la disposition légale envisageant expressément le cas de la cession contrainte. Elle rappelle en second lieu que le recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application de l’article L. 642-18 est formé devant la cour d’appel (C. com., art. R. 642-37-1) et n’est ouvert qu’aux tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision (Cass. com., 24 janv. 2018, n° 16-18.795). Or, la locataire ne bénéficiant pas du droit légal de préemption ne pouvait donc prétendre à exercer ce recours.

La conclusion s’impose : la cour d’appel aurait dû déclarer le recours de la locataire irrecevable. Dès lors que cette dernière n’avait pas de droit, aucun recours ne lui était en effet ouvert : la censure de l’arrêt d’appel est donc parfaitement justifiée.

Thierry Favario, Maître de conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3

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