Loi Dupond-Moretti : des avancées sur la protection des missions de conseil de l’avocat

Loi Dupond-Moretti : des avancées sur la protection des missions de conseil de l’avocat

09.05.2021

Gestion d'entreprise

Jeudi dernier, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi Dupond-Moretti. Les députés en ont profité pour renforcer la protection des avocats, notamment dans leurs missions de conseil.

Le poids des députés-avocats avait fortement diminué ses dernières décennies au Parlement français. Le renouvellement de la vie politique en 2017 leur a permis de revenir en force. Ce poids s’est fortement ressenti lors des débats sur la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Si le projet de loi du gouvernement a été préservé, la commission des lois a renforcé les dispositions sur le secret de l’avocat. Le texte du gouvernement entendait uniquement protéger le secret professionnel de la défense. Une disposition insuffisante pour les représentants des avocats, en ce qu’elle ne protégeait qu’une partie de leurs missions.

Une protection du conseil juridique inaboutie

A l’initiative de la quasi-totalité des groupes parlementaires, ce secret professionnel sera étendu au conseil, tel que prévu à l’article 66‑5 de la loi du 31 décembre 1971. Un ajout accepté par le gouvernement qui, sans donner un avis favorable, a émis une « sagesse bienveillante ». Dans les bémols, Eric Dupond-Moretti a noté que d'autres professions fournissent des conseils juridiques, et qu’elles ne seront en revanche pas protégées. Il craint aussi une contrainte supplémentaire pour les enquêteurs.

Autres ajouts, les perquisitions d’un cabinet d’avocat devront être autorisées par un juge de la liberté et de la détention (en enquête comme en instruction) et le magistrat devra veiller à ne saisir aucun document couvert par le secret. Les perquisitions, interceptions et recueil de données de connexion d’un avocat devront aussi être proportionnées à la nature et à la gravité des faits.

Pour certains, cette protection du conseil est toutefois inaboutie. D’abord parce que les consultations juridiques ne seront pas toutes protégées. Un temps envisagée, la création de l’avocat en entreprise a fait les frais de l’opposition nette du Conseil national des Barreaux et des magistrats spécialisés dans la délinquance économique et financière.

D’autre part, le député Raphaël Gauvain (LREM ; Saône-et-Loire) portait un encadrement plus strict des documents relevant de ce secret qui auraient été saisis chez un non-avocat, afin d’y apporter une garantie effective. Le ministre s’est opposé à cette complexification.

Encadrement des enquêtes préliminaires

Sur l’encadrement des enquêtes préliminaires, dont la durée sera limitée à 2 ans (prolongeable d’une année supplémentaire), prévue à l’article 2, la commission a précisé le dispositif. Cette limitation concernera les actes d’enquête eux-mêmes qui, en cas de dépassement des délais, seront entachés de nullité.

La commission a fermement rejeté l’idée que les enquêtes du PNF soient exclues de cet encadrement, comme le sont les enquêtes pour le terrorisme et la criminalité organisée.

Sur l’ouverture du contradictoire, la commission a précisé les conditions d’accès au dossier en cas de fuite dans la presse. Elle sera possible s’il a été « gravement porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne », sauf « lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement » ou que l’enquête concerne la criminalité organisée ou le terrorisme.

Droits des avocats, CRPC, signification, médiation

La députée Naïma Moutchou (LREM; Val-d'Oise) a défendu une disposition pour préciser clairement qu’un avocat a le droit d’assister à une perquisition. La chancellerie va retravailler l’amendement d’ici la séance, afin que ce droit ne devienne pas une contrainte pour les enquêteurs. La députée Alexandra Louis (LREM ; Bouches-du-Rhône) a également fait préciser qu’une victime a le droit de se faire assister par un avocat lors du dépôt de plainte.

Un amendement permettra aux bâtonniers et délégué du conseil de l’ordre de visiter les lieux de privation de liberté (comme les prisons, les CRA, les locaux de garde-à-vue et les zones d’attente). Par ailleurs, un filtre a été introduit s’agissant de la saisine par les justiciables de l’instance disciplinaire.

Dans les suites du rapport remis par Peimane Ghaleh Marzban sur les délais de justice, les cas où la CRPC est possible seront étendus. Elle sera possible même si le tribunal a déjà été saisi, si le prévenu est renvoyé par un juge d’instruction et également en cas d’appel du prévenu sur la peine prononcée.

Par ailleurs, la signification par voie électronique sera possible en matière pénale.

Enfin, dans les suites du livre blanc des députés Frédéric Petit (Modem ; Français établis hors de France) et Lauriane Rossi (LREM ; Hauts-de-Seine), un conseil national de la médiation sera créé.

Pierre Januel

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