Loi Rixain, mode d’emploi

Loi Rixain, mode d’emploi

08.05.2022

Gestion du personnel

Quelles sont les entreprises concernées par la loi Rixain ? Quelles sont les instances dirigeantes visées ? Que se passe-t-il en cas de non atteinte des objectifs ? Que faut-il intégrer dans la BDESE ? Dans un questions-réponses, publié, le 6 mai, le ministre du travail détaille les mesures permettant de féminiser les direction d'entreprises comptant au moins 1 000 salariés.

Dans la droite ligne de la loi Copé-Zimmerman qui a instauré des quotas dans les conseils d’administration de certaines entreprises en 2011, la loi Rixain du 24 décembre 2021 franchit une étape supplémentaire, en instaurant des quotas de 30 % puis de 40 % de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés. Le ministère du travail revient sur cette mesure emblématique, en détaillant dans un questions-réponses, publié le 6 mai, et intitulé "représentation équilibrée femmes/hommes dans les postes de direction des grandes entreprises", les nouvelles obligations figurant à l’article 14 du texte. Tour d’horizon des questions pratiques que pose ce changement.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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1- Pour qui ?

La loi Rixain s’applique à toutes les entreprises quelle que soit leur forme sociale (SA, SARL, SAS…). Seule condition : employer au moins 1 000 salariés, pour le troisième exercice consécutive ; cette notion d’exercice correspondant à l’exercice comptable.

A noter : en cas de fusion-réunion, l’effectif à retenir est celui de la nouvelle entité légale. Dans le cadre d’une fusion-absorption, l’effectif à prendre en compte est celui de la société absorbante.

2- Quelle est la date d’entrée en vigueur de ces obligations ?

Deux dates butoirs sont fixées : les entreprises devront atteindre un objectif de 30% de femmes et d’hommes cadres dirigeants et de 30 % de femmes et d’hommes membres d’instances dirigeantes à partir du 1er mars 2026. Cet objectif sera de 40 % à partir du 1er mars 2029.

Mais si ces quotas n’interviennent que dans quelques années, la publication des écarts éventuels de représentation entre les hommes et les femmes des cadres dirigeants et des membres de ces instances doit s’effectuer dès cette année. Pour cette première, le ministère du travail a donné un peu répit aux entreprises : elles ont jusqu’au 1er septembre 2022 pour effectuer cette déclaration ; la dead line est ensuite fixée, chaque année, au 1er mars. Une fois publiés, ces écarts de représentation sont consultables jusqu’à la publication de l’année suivante.

A noter : à partir du 1er mars 2023, ces résultats seront également publiés sur les sites internet du ministère du travail.

3- Quelles sont les instances dirigeantes visées ?

Tous les niveaux de décisions stratégiques de l’entreprise sont concernés, quelle que soit leur dénomination, conformément à l’article L.23-12-1 du code du commerce : comité de direction, comité exécutif d’une société anonyme mais aussi comité de directeurs, conseil de direction, conseil stratégique ou encore conseil décisionnaire d’une société par actions simplifiée. En revanche, les directoires, les conseil de surveillance et les conseils d’administration ne sont pas considérés comme des instances dirigeantes dans une société anonyme. Ces organes ayant des "rôles d’administration, de surveillance et de contrôle". De même, les organes collégiaux de direction de sociétés par actions simplifiées sont exclus du dispositif.

A savoir : le questions-réponses retient la définition des cadres dirigeants prévue à l’article L. 311-2 du code du travail. Par conséquent, les salariés en forfait jour sont exclus du calcul.

En revanche, les cadres dirigeants cumulant contrat de travail et mandat social sont intégrés dans l’assiette de calcul des écarts de représentation. Lorsqu’une personne est membre de plusieurs instances dirigeantes, elle n’est comptabilisée qu’une seule fois. Par ailleurs, les salariés expatriés dans une société française doivent être pris en compte.

4- Comment calculer les écarts de représentation ?

L’écart reflète le pourcentage d’hommes et de femmes présents parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Pour calculer ce delta, la période de référence à prendre en compte est calculée sur 12 mois consécutifs ; elle correspond à l’année comptable.

La proportion de ces femmes et de ces hommes est appréciée en fonction du temps passé sur l’année comptable en tant que cadre dirigeant ou membre des instances dirigeantes." Le ministère précise que cette notion de "temps passé" correspond "au temps passé, sur la période de référence annuelle, dans les fonctions de cadre dirigeant ou de membre d’une instance dirigeante", et ce "indépendamment du temps passé dans l’exercice réel de ces fonctions".

A noter : lorsqu’une entreprise est organisée en business units, c’est-à-dire qu’elle dispose de plusieurs instances dirigeantes, le calcul prend en compte la totalité de ces lieux de pouvoir ; il ne s’agit pas d’un calcul individualisé. De même, un comité exécutif dont le champ d’action porte sur le groupe et, qui est institué au sein d’une société employant plus de 1 000 salariés, entre dans le champ d'application de cette obligation.

Si l’entreprise n’a pas de cadre dirigeant mais qu’elle a une ou plusieurs instances dirigeantes, "elle devra calculer les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les membres de ces instances".

Lorsque les écarts de représentation ne sont pas calculables, l’employeur n’est pas assujetti à cette obligation. Il doit toutefois "transmettre à l’administration et au CSE les précisions expliquant la raison pour laquelle ces écarts n’ont pas pu être calculés".

5- Que se passe-t-il lorsqu’une entreprise n’atteint pas l’objectif de 30 % de femmes et d’hommes cadres dirigeants et de 30 % de femmes et d’hommes membres d’instances dirigeantes au 1er mars 2026 ?

Les mauvais élèves devront prévoir des mesures "adéquates et pertinentes" de correction dans le cadre de leur négociation sur l’égalité professionnelle. En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE. La décision est déposée auprès de l’autorité administrative qui peut présenter des observations sur les mesures prévues par l’accord ou la décision de l’employeur. Ces observations sont présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’à son CSE.

6- Que se passe-t-il en cas de non atteinte de cette obligation au 1er mars 2029?

Les entreprises qui n’auraient pas atteint la proportion requise de personnes de chaque sexe dans chaque ensemble, disposeront d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec cette obligation. Mais elles devront publier leurs objectifs de progression et leurs mesures de correction, au bout d’un an, sur le site internet de l’entreprise sur la même page que les écarts de représentation. A défaut, ils seront portés par "tout moyen" à la connaissance des salariés.

7- Quelle est la pénalité applicable en l’absence d’atteinte de l’objectif chiffré ?

À l’expiration de ce délai de deux ans, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux de 40 %, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière d’un montant maximum de 1 % des rémunérations et gains. Le montant, fixé par l’autorité administrative, prendra en compte "la situation initiale de l’entreprise, les efforts constatés dans l’entreprise en matière de représentation des femmes et des hommes ainsi que des motifs de sa défaillance". Le produit de cette pénalité sera versé au budget général de l’Etat.

En pratique, les entreprises qui ne respecteront pas le quota minimum de 40 % de femmes (ou d’hommes) pourraient donc subir cette sanction à partir du 1er mars 2031.

8- Quelles informations transmettre au CSE ?

La loi prévoit une obligation de transmission à l’administration et au CSE, en trois temps. Primo, dès 2022, les entreprises doivent transmettre leurs écarts de représentation ainsi que les modalités de publication de ces écarts. Secundo, à compter du 1er mars 2026, elles devront communiquer, outre les données citées, les mesures de correction adoptées le cas échéant.

Tertio, à compter du 1er mars 2029, elles adresseront au CSE les objectifs de progression et les modalités de publication de ces objectifs et des mesures de correction adoptés le cas échéant.

A savoir : parallèlement, la BDESE s’enrichit d’une nouvelle rubrique sur les écarts de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes.

 

Anne Bariet
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