Lorsque le lien conjugal entraîne un avantage salarial : attention à la discrimination !

16.04.2025

Gestion du personnel

A l'occasion d'un litige entre un député et son ex-collaboratrice parlementaire, la Cour de cassation a précisé que le motif de discrimination basé sur la situation familiale ne vise pas uniquement la personne discriminée. Ainsi, tout traitement différencié entre deux employées, motivé par le fait que l'une est l'épouse de l'employeur, est considéré comme discriminatoire.

L’épouse de l’employeur percevait une rémunération supérieure pour le même poste

Un député emploie deux collaboratrices parlementaires dont l'une est son épouse. L'autre collaboratrice, suite à son licenciement en raison de la cessation du mandat parlementaire, saisit le conseil de prud’hommes estimant avoir subi une inégalité de traitement en matière de rémunération constitutive d'une discrimination en raison de son défaut d'appartenance à la famille de son employeur. En effet sa collègue, épouse de l’employeur, percevait une rémunération supérieure de 62%, ainsi que de nombreuses primes dont elle était la seule à bénéficier selon les faits décrits dans l'arrêt d'appel.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Il est intéressant de reprendre les éléments relevés par les juges du fonds pour comparer les situations des deux salariées. Ainsi, les bulletins de salaires contenaient la même mention de « collaborateur de député » , et les deux contrats de travail ne comportaient aucune distinction. La requérante, avocate, était diplomée d'un master en droit, disposait du statut cadre et effectuait toutes les tâches relatives aux fonctions parlementaires. Au contraire, l'épouse de l'employeur ne disposait d'aucun diplôme ni d'aucune autre expérience que son activité de collaboratrice parlementaire, n'avait pas le statut cadre, et voyait ses tâches limitées à des interventions logistiques telles qu'apporter des boissons, du courrier, et à quelques missions de communication. Elle se définissait, dans les médias, davantage comme « l’assistante de [V] [T] mon mari que l'assistante de [V] [T] le député ».

Précisions sur le critère discriminatoire de la « situation de famille »

Le conseil de prud’hommes avait débouté la salariée en écartant la discrimination, estimant que le critère de la situation de famille s’applique à la personne qui se dit victime de discrimination et non à l’employeur. La Cour d’appel au contraire, considère que la situation de famille peut se définir non seulement par des critères propres à la personne discriminée, mais aussi par comparaison à d'autres situations de famille prises en compte au détriment de la personne discriminée. Elle déduit du fait que l’employeur justifie la différence de traitement entre ses deux collaboratrices par le caractère plus politique des fonctions de son épouse, qu’il définit comme « nombreuses, variées, sensibles et exigeant une disponibilité et une confidentialité totales », que celui-ci fait reposer la garantie de disponibilité et de confidentialité sur la seule qualité d’épouse de sa seconde collaboratrice. Elle considère donc que c’est par un critère familial, en l’espèce celui de ne pas appartenir à son cercle familial, que l’employeur justifie la différence de traitement. 

L’employeur forme un pourvoi en cassation, et soutient que ce critère familial ne vise que la situation du salarié discriminé, et ne concerne pas la situation familiale de l’employeur.

La Cour de cassation, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail, indique que le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur, en ce qu’il constitue le motif d’un traitement moins favorable, relève du champ d’application de ce texte.

Une solution qui s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la CJUE

La Cour de cassation précise que cette solution se justifie car elle s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Selon cette dernière, le principe de l’égalité de traitement consacré par les directives ne s’applique pas à une catégorie de personnes déterminées, mais seulement en fonction des motifs prohibés visés par les dispositions des directives en matière de discrimination.

Ainsi par exemple en 2008, dans l’affaire Coleman (CJUE, 17 juillet 2008, Coleman, C-303/06, §38), la Cour de justice avait eu à se prononcer sur une affaire concernant une salariée qui avait subi un traitement défavorable en raison du handicap de son fils. La Cour de justice avait donné raison à la salariée alors qu'elle n'était pas elle-même handicapée, considérant que les textes ont vocation à prohiber les discriminations sous toutes leurs formes. Il suffit donc que la personne victime du traitement défavorable l’ait été en fonction d’un des motifs de discriminations prohibés, peu important qu’elle soit elle-même concernée par ce motif ou non.

Le motif prohibé tenant à la situation de famille est donc bien applicable à la situation dans laquelle l’employeur entend justifier une différence de rémunération entre la salariée (requérante) et la salariée de comparaison par la qualité d'épouse de cette dernière.

Claudiane JAFFRE
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