Loup, continuité écologique, sports motorisés : le Conseil d'Etat fait feu de tout bois

01.03.2021

Environnement

Le juge censure plusieurs dispositions concernant l'expérimentation de tirs supplémentaires sur le loup, l'interdiction générale des obstacles dans certains cours d'eau classés et l'évaluation systématique des incidences pour les activités sportives motorisées en zone Natura 2000.

Par trois arrêts rendus le même jour - le 15 février 2021 - et dont un résumé est mentionné au JO du 27 février, le Conseil d'Etat censure partiellement des textes réglementaires portant sur le dispositif expérimental autorisant des tirs supplémentaires sur le loup dans la limite de 2 % de l'effectif moyen, sur les ouvrages portant atteinte à la continuité écologique dans certains cours d'eau classés, et sur l'évaluation des incidences Natura 2000 pour certaines compétitions sportives motorisées.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Pas de tirs supplémentaires du loup dans la limite de 2% de l'effectif moyen

Deux arrêtés du 26 juillet 2019 et du 30 décembre 2019 ont prévu, à titre expérimental pour le second semestre 2019 et l'année 2020, une augmentation du taux de prélèvement annuel possible de loup pouvant aller jusqu'à 17 % (au lieu de 10 %), plafond pouvant encore être augmenté de deux 2 % (pour atteindre 19 %) par le préfet coordinateur du plan national d'actions sur le loup.

 

Le juge considère que la destruction de 17 % de la population estimée de loups ne met pas en péril la viabilité à long terme de l'espèce, compte tenu que la note technique de l'ONCFS et du MNHN du 5 février 2019 estime que la marge de manoeuvre maximale pour réévaluer le nombre de prélèvements est de l'ordre de 13 % de l'effectif moyen des loups estimé annuellement, soit un plafond cumulé de prélèvement de 23 % pour garantir au moins une stabilité des effectifs de l'espèce.

En revanche, selon le juge, si le décret du 12 septembre 2018 fixant les pouvoirs du préfet coordinateur pour le plan loup donne à celui-ci le pouvoir de porter le plafond dans la limite de 2 % de l'effectif moyen de loup lorsqu'est atteint, avant la fin de l'année civile, le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée, il permet seulement aux préfets de départements d'autoriser la poursuite de tirs de défense, simple ou renforcée, dans cette limite de 2 %. Les arrêtés de 2019 et de 2020 ne pouvaient donc pas prévoir la poursuite de tirs de défense mixte (défense et prélèvement) ainsi que les tirs de prélèvement simple. Les articles 5, II des deux arrêtés sont ainsi annulés.

Remarque : le Conseil d’État avait déjà jugé en décembre 2019 que la possibilité donnée au préfet coordinateur d’accorder des autorisations de tirs allant au-delà des plafonds cumulés de 10 et 2 % était illégale dès lors qu’elle n'était encadrée ni par une limite quantitative ni par des conditions précises.
Pas d'interdiction générale des obstacles à la continuité écologique sur les cours d'eau classés

Un décret du 3 août 2019 a réécrit la liste des ouvrages pouvant faire obstacle à la continuité écologique des cours d'eau classées (C. envir., art. L. 214-17, I, 1°) de manière plus précise et créé un nouveau cas de cours d'eau atypique pour certains cours d'eau de Méditerranée pour lesquels le débit minimal peut être réduit.

 

Le Conseil d'Etat considère que l'article 1er du décret interdit de manière générale, la réalisation, sur les cours d'eau classés en application de l'article L. 214-17, I, 1° du code de l'environnement (cours d'eau jouant un rôle de réservoir biologique), tout seuil ou barrage en lit mineur de cours d'eau atteignant ou dépassant le seuil d'autorisation de la rubrique 3.1.1.0, 2° de la nomenclature sur l'eau - obstacle à la continuité écologique entraînant une différence de niveau supérieure ou égale à 50 cm, pour le débit moyen annuel de la ligne d’eau entre l’amont et l’aval de l’ouvrage ou de l’installation. Selon le juge, cette disposition va à l'encontre de l'article L. 214-17 qui prévoit que l'interdiction de nouveaux ouvrages s'applique uniquement si, au terme d'une appréciation au cas par cas, ces ouvrages constituent un obstacle à la continuité écologique. L'article 1er du décret, qui réécrivait l'article R. 214-109 du code de l'environnement, est donc annulé.

 

En revanche, le Conseil d'Etat admet que le pouvoir réglementaire puisse fixer pour des cours d'eau atypiques (les cours d'eau méditerranéens en particulier), un débit minimal spécifique, inférieur à celui prévu par l'article L. 214-18, applicable de manière permanente, le cas échéant pendant une partie seulement de l'année, avec la possibilité de fixer un débit temporaire inférieur au débit minimal spécifique lorsqu'un tel cours d'eau est soumis à un étiage naturel exceptionnel (C. envir., art. R. 214-111).

Pas d'évaluation systématique des incidences pour les activités sportives motorisées en site Natura 2000

Un arrêté du 2 avril 2019, pris en application de l'article R. 331-24-1 du code du sport relatif aux épreuves de sports motorisés sur les voies non ouvertes à la circulation publique, imposait la production d'une évaluation des incidences Natura 2000 pour toute demande d'organisation, en site Natura 2000 ou à proximité, d'une manifestation de véhicules terrestres à moteur se déroulant sur des terrains ou des parcours, fermés de manière permanente à la circulation publique.

 

Toutefois, le Conseil d'Etat fait remarquer que l'évaluation des incidences Natura 2000 n'est exigée que lorsque la manifestation est susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000. L'arrêté ne pouvait donc pas imposer de manière systématique une telle évaluation sans excéder le champ de l'article L. 414-4 du code de l'environnement. L'arrêté, qui modifiait l'article A 331-21-1 du code du sport est ainsi annulé, pour la seconde fois, le juge ayant censuré une précédente version en 2018.

Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances

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