Lubrizol : la commission d'enquête déplore une culture du risque quasiment inexistante en France

08.06.2020

Environnement

Plus de huit mois après les faits, les sénateurs déplorent dans leur rapport de graves manquements nuisant à l'efficacité des mécanismes de prévention des accidents industriels et formulent des recommandations.

Le président et les deux rapporteurs de la commission d’enquête en charge de l’évaluation de l’intervention des services de l’Etat dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen ont présenté, jeudi 4 juin 2020, lors d’une conférence de presse, leurs conclusions.
Les objectifs de cette commission d’enquête, créée le 10 octobre 2019, étaient d’établir un bilan détaillé de la gestion de la crise par les services de l’Etat, mais aussi d’effectuer des propositions sur de nouvelles règles en matière de prévention des risques industriels.
Un système d’alerte et une communication de crise à revoir
Dans son évaluation, la commission d’enquête à principalement soulevé deux points concernant l’après-crise immédiate.
Tout d’abord, l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen du 26 septembre 2019 est considéré comme un accident industriel majeur. Il a été surmonté grâce à une grande maîtrise opérationnelle et à une forte résilience des acteurs engagés sur les lieux.
Un engagement sans faille des intervenants opérationnels pour traiter l’incendie et ses conséquences immédiates est également à souligner. De plus, cet incendie de grande ampleur a été maîtrisé dans des conditions difficiles.
Cependant, du point de vue du système d’alerte et de la communication de crise, les sénateurs notent une défiance généralisée envers la parole publique et les médias avec notamment une très forte anxiété, un manque d’information sur les risques industriels, la diffusion de fausses nouvelles, une communication de crise défaillante ou encore une communication n’ayant pas assez intégré certains relais et à plusieurs voix, ce qui a pu nuire à la clarté de l’information.
Une politique de prévention des risques industriels et une réponse sanitaire de crise à renforcer
Concernant le second point évoqué par les sénateurs sur l’après-crise immédiate, cet accident industriel a permis de révéler plusieurs grands angles morts dans les politiques publiques de réaction aux situations de crise.
Effectivement, les régimes attribués aux Installations classées (ICPE) dans les territoires à forts enjeux sont à vérifier, les stockages de substances doivent être disponibles à tout moment, les manquements des ICPE doivent être sanctionnés, les effectifs de l’inspection des ICPE doivent être renforcés ou encore la mise en œuvre des Plan de prévention des risques technologiques (PPRT) doit être accélérée.
Six recommandations principales
Afin d’améliorer la gestion des accidents de ce type, d’en limiter les conséquences et d’assurer une meilleure prise en compte du risque industriel, six recommandations principales sont émises à destination de l’Etat, des entreprises, des collectivités territoriales et des citoyens par cette commission d’enquête :
  • créer une véritable culture du risque industriel : inscription dans le code de l’éducation de la formation aux risques industriels, organisation régulière d’exercices grandeur nature, appui sur les industriels pour renforcer les liens entre les français et leur industrie, revue de la composition et amélioration du fonctionnement des instances de concertation et d’information du public, etc. ;
  • améliorer la politique de prévention des risques industriels : obligation des exploitants d’établissements Seveso et des ICPE à proximité immédiate de tenir à disposition en temps réel un inventaire exhaustif et à jour des substances stockées, réalisation d’exercices hors heures ouvrées, renforcement des exigences de formation et de certification des fonctions logistiques, fixation des obligations et des responsabilités des parties logistiques dans des contrats-types, encouragement à l’élaboration  des Plans communaux de sauvegarde (PCS), développement des conventions entre les exploitants et entre les exploitants et les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), meilleur encadrement de la sous-traitance des activités dangereuses, prorogation du crédit d’impôt pour les ménages réalisant les aménagements liés à la mise en œuvre des PPRT, etc. ;
  • améliorer la gestion de la crise : clarification et modernisation de la doctrine de communication de l’Etat, établissement d’un protocole de communication de crise, expérimentation en grandeur réelle d’ici 2021 du dispositif de cell broadcast (système d’alerte sur téléphone mobile), suivi en temps réel de l’activité des réseaux sociaux et alimentation pour empêcher tout emballement médiatique, appui sur tous les relais possibles, information simple et factuelle de la population, etc. ;
  • assurer une meilleure coordination entre l’Etat et les collectivités territoriales : élargissement de l’approche des territoires concernés par les risques industriels, renforcement de l’aide de l’Etat aux communes pour l’élaboration des PCS et des Documents d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM), développement de l’articulation entre le PCS et le Plan particulier d’intervention (PPI), communication aux élus des conclusions des contrôles d’ICPE de leur commune, association systématique des élus aux exercices menés selon les PPI, information des élus des retours d’expérience de ces exercices, etc. ;
  • s’interroger sur les moyens de prise en compte de l’intégralité des préjudices subis : garantie aux victimes de bénéficier d’un remboursement amiable du montant de la franchise prévue dans le contrat d’assurance, institution d’une action de groupe en matière d’accident industriel pour faciliter les démarches d’un règlement amiable, etc. ;
  • assurer un véritable suivi sanitaire des populations touchées par un accident industriel : ouverture de deux registres de morbidité, un sur les cancers généraux et un autre sur les malformations congénitales afin d’appliquer le principe de précaution, simplification des procédures pour la saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en cas de crise sanitaire, mise en place du partage des données des différents experts, partenariat avec l’Agence régionale de santé (ARS) pour la politique de prévention des risques industriels.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Laura Guegan, Smart action environnement
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