Nouvelles sanctions, sensibilisation dès le plus jeune âge, rôle actif du citoyen... Comment la France pourrait-elle développer sa "compliance culture" ? Les entreprises doivent-elles craindre un durcissement de la réglementation ? Directeurs juridiques, avocats, experts de la conformité ont échangé leurs points de vue avec le directeur de l'AFA à l'occasion du Global Anticorruption & Compliance Summit.
« Dans le monde, la France est leader au niveau préventif en matière de lutte contre la corruption », introduit Nicolette Kost de Sèvres, associée en charge de l'équipe Compliance, Regulatory & Investigation au sein du cabinet Mayer Brown à Paris, en ouverture de la table ronde qui s'est tenue lors du Global Anticorruption & Compliance Summit, organisé jeudi dernier par les Business & Legal Forums.
Ce qui pèche toutefois selon l'avocate, c'est l'absence de définition commune au niveau international et les différentes approches et définitions selon les pays. « C'est un enjeu important et la voie pour une meilleure coopération internationale », suggère-t-elle.
« Les différences de règles ne sont pas un obstacle, on arrive toujours à trouver des passerelles. Les instruments marchent bien. La lutte contre la corruption achoppe davantage sur une absence de volonté que sur des distorsions de fond ou de forme », nuance le directeur de l'AFA Charles Duchaine.
Celui-ci rappelle le rôle joué par la loi Sapin II d'un point de vue international. « En France on a développé des règles larges afin de couvrir toutes les situations. Les étrangers le disent : une entreprise conforme aux recommandations de l'AFA est tranquille partout », garantit Charles Duchaine.
Le cadre préventif français « rassure les américains », confirme l'avocate. « Ce que j'entends du DOJ, c'est une plus grande confiance envers la France ». Un constat confirmé par Kyrill Farbmann, European Compliance Director chez McDonald's. « Il y a 5 ans, on m'avait demandé pourquoi la participation de nos employés en France à nos formations en conformité est moins importante que dans les autres pays ». La France « semblait également moins occupée à imposer des sanctions », se rappelle-t-il.
Et aujourd'hui ? Sur les dispositifs d'alerte, « par rapport aux autres pays on en fait moins en France. Mais ça a augmenté avec le mouvement #MeToo notamment. On est sur le bon chemin de la compliance culture », admet Kyrill Farbmann.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Comparer le système français et le système américain est-il vraiment pertinent ? Une question qui se pose selon Nicolette Kost de Sèvres. « En France, on a une approche beaucoup plus large concernant les typologies visées par les lignes d'alerte. On a un système plus avancé mais plus difficile à mettre en place ». Les récompenses de la SEC octroyées aux lanceurs d’alerte et qui représentent des « millions annuellement », c’est un « système qui n’est pas aussi évident dans notre culture », estime l’avocate.
A cela s’ajoutent des disparités en termes de ressources et de moyens de détection de la corruption, renchérit le directeur de l’AFA. « Les USA mobilisent des moyens importants, ce que nous ne faisons pas. A l’étranger, nos services de renseignements ne travaillent pas spécifiquement sur ces sujets. Si on ne détecte pas, on ne poursuit pas. L’un ne va pas sans l’autre ».
Alors comment aller encore plus loin ? « Pourquoi ne pas honorer les entreprises qui font ça bien ? Plutôt que de punir les entreprises qui n’ont pas implémenté les programmes de conformité ? », suggère Kyrill Farbmann. « Qui a-t-on puni ? On a poursuivi deux entreprises en cinq ans. La Commission des sanctions a fait preuve d’une mollesse extrême. On a un système incitatif avec des sanctions administratives, pas pénales. C’est un système vertueux », répond Charles Duchaine.
« En 4 ans et demi, nous n’avons saisi que deux fois la Commission des sanctions sur 80 contrôles », rappelle-t-il. « Lorsqu’on revient dans les entreprises contrôlées un ou deux ans après, les choses sont faites. Les carottes et le bâton, ça marche encore ! ».
« Au moins, en France, il y a un process, une route à suivre », fait valoir Nicolette Kost de Sèvres. « Aux USA, on a des guidelines mais c’est trop large. Vous n’avez pas de questionnaires aussi détaillés pour vous préparer quand le DOJ frappe à votre porte. Les USA ont aussi à apprendre de la France ! ».
Pour réduire la corruption, « il faut sanctionner très fermement les personnes qui la commettent » et « faire de la prévention le plus tôt possible », estime le directeur de l’AFA. « Si on pouvait intervenir dans les classes des écoles primaires, ce serait bien ! ».
« On parle d’amendes, mais d’autres sanctions sont possibles. Interdictions d’accès aux ports et aéroports, d’accès aux marchés, d’exportation des produits, etc. », ajoute Dominique Lapprand, ancien gendarme et secrétaire général de l'Association de lutte contre Le commerce illicite (ALCCI).
« Les USA commencent à sanctionner des avocats, des États… Peut-être que dans 10 ans, la France le fera aussi. Je vois un changement de culture », imagine Kyrill Farbmann.
Et la place du citoyen dans tout ça ? « Elle est évidente » pour Nicolette Kost de Sèvres. « Il est le bénéficiaire ultime de la lutte contre la corruption mais il peut être un acteur plus actif. Et avec le name & shame, tout citoyen peut participer à la sanction », acquiesce Dominique Lapprand.
« Aujourd’hui, avec Facebook, Instagram, Twitter, chaque personne peut devenir la presse. C’est mon espoir », conclut le directeur juridique de Mc Donald’s.
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