Lutte contre la fraude fiscale : de nouveaux outils pour plus d'efficacité ?

Lutte contre la fraude fiscale : de nouveaux outils pour plus d'efficacité ?

20.02.2020

Gestion d'entreprise

L'administration a effectué davantage de contrôles courts et ciblés en 2019, selon le bilan publié mardi. Le datamining se développe.

L'Etat a encaissé 10 milliards d'euros en 2019 dans le cadre de sa lutte contre la fraude fiscale. Bercy a dévoilé, le 18 février, ses PDF iconrésultats pour l'année écoulée. "Gain d'efficacité spectaculaire", "politique de fermeté [qui] produit des résultats"... Le gouvernement dresse un bilan positif. Cependant, on ne connaît toujours pas l'ampleur exacte de la fraude fiscale (le syndicat Solidaires finances publiques évalue le non respect du droit fiscal en France à 80 milliards d'euros), ni son éventuelle évolution entre 2018 et 2019. Des estimations difficiles à réaliser, comme l'a constaté la Cour des comptes en décembre dernier.

Dans le détail, 9 milliards d'euros ont été encaissés en 2019 par l'Etat à la suite de contrôles fiscaux. Soit une augmentation de 16,3 % par rapport à 2018. Tous les types d'impôts sont en progression ; la TVA, l'impôt sur les sociétés, les droits d'enregistrement, et l'ISF/IFI restent la catégorie la plus représentée avec 5884 millions d'euros engrangés (5187 millions d'euros en 2018). A noter également que le ratio de recouvrement est en hausse (67 % contre 51 % en 2018). Par ailleurs, 530 millions d'amendes ont été infligés via une transaction pénale (deux conventions judiciaires d'intérêt public - dont une conclue avec Google - à la suite de poursuites engagées par le parquet national financier), et 358 millions d'euros encaissés par le service de traitement des déclarations rectificatives. 

Davantage de vérifications ciblées

Précision intéressante : en 2019, l'administration fiscale a effectué davantage de procédures "courtes et ciblées" (+48 % de vérifications sur place et ponctuelles dans l'entreprise) et moins de vérifications "exhaustives" (-14 %). "Ces tendances illustrent un changement de pratique qui vise à adapter les méthodes et les procédures mises en oeuvre à la nature des dossiers, en réservant les procédures les plus intrusives aux dossiers qui le méritent", justifie la DGFiP. Les opérations les plus légères sont réalisées en 69 jours en moyenne et les vérifications générales ont une durée moyenne de 116 jours, est-il précisé.

Pourtant, cette pratique du contrôle ciblé - qui progresse donc - est pointée du doigt par les Sages de la rue Cambon. Dans leur rapport de décembre 2019, ils constatent que la France ne met en oeuvre que des vérifications ciblées en matière fiscale, ce qui crée des biais statistiques car l’échantillon étudié n’est pas représentatif et empêche, selon eux, d'estimer la fraude. Pour la Cour des comptes, une des façons de remédier à cette problématique serait de se baser sur des contrôles aléatoires, lesquels n’existent pas en France en matière fiscale. 

100 000 dossiers transmis grâce au datamining

Ce ciblage des contrôles fiscaux par l'administration a été renforcé par le développement de nouvelles méthodes d'analyse de données telles que le datamining. La mise en place début 2019 d'une plateforme informatique a permis, entre autres, "d'exploiter rapidement (...) les données internationales reçues dans le cadre des échanges automatiques d’information" et ainsi d'adresser "plusieurs milliers de courriers à des contribuables qui n'ont pas respecté les obligations déclaratives afférentes à la détention de comptes à l'étranger pour des montants significatifs", indique Bercy. Le nombre de dossiers envoyés aux services est passé de quelques centaines en 2016 à plus de 100 000 en 2019.

Pour les fraudes des professionnels, la DGFiP a développé "une centaine de requêtes reposant sur des techniques d'apprentissage automatique ou d'analyse risque qui lui permettent de couvrir la plupart des risques fiscaux et de déterminer, automatiquement, pour chaque entreprise relevant d'un régime déclaratif réel, une cotation traduisant le niveau de son risque fiscal". Ces travaux sont à l'origine de 22 % des opérations de contrôle fiscal concernant les entreprises programmées en 2019 (contre 14 % l'année précédente). Au total, sur les fraudes réalisées par les entreprises et les particuliers, les droits et pénalités mis en recouvrement à l'issue des contrôles engagés à partir des productions transmises par ces techniques se sont élevés en 2019 à plus de 785 millions d'euros.

Traitement en cours des données des plateformes en ligne

D'autres données seront exploitées en 2020 par l'administration via de nouvelles requêtes et de nouveaux modèles. Parmi elles, les données transmises par les plateformes collaboratives. Celles-ci doivent déclarer à l'administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de chaque année, les revenus gagnés à l'occasion des opérations commerciales réalisées par leur intermédiaire. Pour la première année d'application du dispositif (sur les revenus 2019), 99 plateformes en ligne ont transmis des déclarations à la DGFiP. Ce qui représente des données portant sur 1,6 million d'utilisateurs. "Les informations reçues par l’administration sont en cours de traitement", indique le dossier du ministère de l'économie et des finances.

Les données publiées par les internautes sur les plateformes de mise en relation en ligne (réseaux sociaux...) seront également scrutées cette année par l'administration (fiscale et douanière). Cette mesure votée par la dernière loi de finances autorise une expérimentation d'une durée de trois ans. "La conception des outils de collecte et d’analyse des données sera lancée dans l’année", est-il précisé.

Doublement des transmissions à l'autorité judiciaire

Au niveau pénal, l'administration fiscale dresse également un bilan positif de son contrôle. Le nombre de dossiers transmis à l'autorité judiciaire a doublé en 2019 (1678 contre 823 l'année précédente). Ce chiffre comprend les dénonciations obligatoires (instauré par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, ce dispositif rend obligatoire la dénonciation au procureur de la République des contrôles fiscaux ayant conduit à des rappels d'impôt supérieurs à 100 000 euros et assortis des majorations fiscales les plus importantes), les plaintes pour fraude fiscale et les plaintes pour présomptions caractérisées. Enfin, 30 saisines ont été effectuées auprès du service d'enquête judiciaire des finances par le parquet national financier.

Céline Chapuis

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