Lutte contre les discriminations : un bilan contrasté des premières préconisations

Lutte contre les discriminations : un bilan contrasté des premières préconisations

16.11.2016

Gestion du personnel

Le deuxième rapport Sciberras sur la lutte contre les discriminations, qui va être remis ce matin au ministère au Travail, dresse un premier bilan de la mise en oeuvre des propositions du groupe de travail ad hoc. Si le document se félicite de certaines avancées, il pointe aussi des mesures restées lettre morte notamment en raison de l'inertie des partenaires sociaux.

Un an et demi après la publication du rapport sur la lutte contre les discriminations, Jean-Christophe Sciberras, DRH France et directeur des relations sociale de Solvay, ex président de l'ANDRH, en charge du groupe de dialogue composé d’experts et de partenaires sociaux, dresse dans un second rapport qui sera remis ce matin à Myriam El Khomri (Travail) et à Patrick Kanner (Ville), un bilan d’étape.

"Si des avancées significatives ont été réalisées en matière d’information et de recours aux actions collectives, des progrès restent à accomplir pour développer le dialogue dans l’entreprise", note le DRH. En cause : les propositions dont la mise en œuvre relevait de la responsabilité des partenaires sociaux sont restées au point mort. Les représentants patronaux, Medef, CGPME et UPA, ont annoncé très vite leur décision de ne plus participer au groupe de travail. Le Medef dénonçant "des orientations très défavorables aux entreprises", voire très éloignées "des réalités économiques et sociales".

Les mesures mises en place

Dans le détail, plusieurs mesures préconisées par le premier rapport ont été mises en place. Il s’agit pour la plupart d’actions d’information et de sensibilisation. Ainsi la campagne nationale "Les compétences d’abord" visant à déconstruire les stéréotypes, s’est déroulée au printemps dernier. De même, une opération de testing pour mesurer d’éventuelles discriminations à l’embauche a été lancée, de mai à juillet, auprès de 43 entreprises de plus de 1000 salariés. Ni le nom des employeurs, ni leurs résultats individuels n’ont été révélés. "L’objectif est pédagogique, avait insisté Jean-Christophe Sciberras. Il ne s’agit ni de pénaliser, ni de blâmer. Mais de faire évoluer les mentalités".

Autre satisfecit : l’évaluation du coût économique de la discrimination sur le marché du travail, effectuée par France Stratégie, en septembre dernier. Un tel chiffrage n’avait jamais encore été réalisé en France. "Les entreprises se privent par la discrimination injustifiée de ressources en main-d’œuvre de qualité et contribuent à la rigidité du fonctionnement du marché du travail".

En attente

D’autres préconisations sont en passe d’être concrétisées. C’est le cas de l’action de groupe, figurant dans le projet de loi "Justice du XXIème siècle" définitivement adopté le 12 octobre dernier. La disposition reprend les propositions du premier rapport, à savoir la création d’une nouvelle voie de recours collectif ouverte, mais seulement après échec du processus de dialogue social sur ce thème.

Par ailleurs, certaines propositions sont soumises aux ministres du Travail et de la Ville, à l’instar de la valorisation du label diversité ou encore l’affichage dans toutes les entreprises d’un document reprenant les principes énoncés dans le préambule de l’accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité dans les entreprises.

Des propositions en suspens

Mais plusieurs pistes lancées dans le rapport n’ont pas vu le jour. C’est le cas, par exemple, de la commission paritaire de suivi de l’ANI du 12 octobre 2006. Elle n’a pas été mise en place alors même que l'accord prévoyait, dans l’article 13, un tel suivi.

De même, les discussions des partenaires sociaux ont achoppé sur le volet concernant les outils d'entreprises. La proposition portant sur la nomination d'un référent �� l’égalité des chances, calqué sur le modèle d’un correspond informatique et libertés (CIL), dans les sociétés de plus de 300 salariés, n'a pas été portée à l'ordre du jour des négociations. Sa mission devait consister "à orienter et à accompagner les salariés qui se sentent discriminés" et à jouer "un rôle de conseil et d'expertise" auprès des organisations syndicales et des managers.

Idem pour la proposition concernant les formations obligatoires sur la problématique des discriminations. A tort. Car elle a été reprise en main par les députés lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.  Elle a débouché sur le vote de l’article 61 bis nouveau qui prévoit une formation à la non-discrimination, tous les cinq ans, pour tous les chargés de recrutement, dans les entreprises d’au moins 50 salariés. "Un seuil peu réaliste", estime Jean-Christophe Sciberras qui propose dans son rapport de modifier le texte et de cibler les sociétés de plus de 300 salariés. Le projet de loi sera à nouveau examiné à l’Assemblée nationale le 22 novembre.

Enfin, la position des syndicats de salariés visant à compléter le bilan social des entreprises de plus de 300 salariés par de nouveaux indicateurs portant sur la rémunération et l’évolution des carrières des salariés, par tranche d’âge, n’a pas reçu l’aval du Medef. L’objectif étant ici de produire une photographie à l’instant T du positionnement de chaque salarié (de manière anonyme) ayant la même classification et la même ancienneté dans l’entreprise. C'est-à-dire de disposer d'un outil visant à assurer la traçabilité et la transparence des déroulés de carrière.

Reste que malgré ses points noirs, "une première étape vient d’être franchie", insiste Jean-Christophe Sciberras. "Car le sujet des discriminations est avant tout un sujet culturel". Or, "on commence à sortir du déni. C'est un passage obligé pour se mettre réellement au travail". La balle est désormais dans le camp des organisations patronales.

 

Les nouvelles propositions du rapport

Le rapport formule 13 nouvelles préconisations. Voici celles qui concernent plus particulièrement les entreprises.

- Demander aux branches et aux entreprises de mettre en place des auto-testing sur les discriminations.

- Poursuivre les travaux sur la mise en oeuvre de dispositifs opérationnels permettant d'assurer la traçabilité et la transparence des procédures de recrutement.

- Préparer les textes nécessaires à la mise en oeuvre de la proposition relative aux indicateurs permettant de suivre l'évolution des carrières et des rémunérations et de la préconisation portant sur la création d'un référent à l'égalité des chances.

- Modifier par amendement la proposition de l'article 61 bis nouveau du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté pour instituer une obligation de formation à compter du 1er janvier 2018 pour les entreprises de plus de 300 salariés.

- Examiner les conditions dans lesquelles les actions d'information et de formation pourraient être conduites pour les responsables des petites entreprises.

- Poursuivre les travaux sur les conditions de mise en oeuvre de l'action de groupe en entreprise.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet
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