L’appli va-t-elle réellement bouleverser l’accès à la formation ?

L’appli va-t-elle réellement bouleverser l’accès à la formation ?

21.11.2019

Gestion du personnel

Dans cette chronique, François Geuze, ancien DRH, consultant expert pour E-consulting RH, s’interroge sur la portée de l’application "Moncompteformation". Est-elle vraiment révolutionnaire ? Permettra-t-elle aux salariés, et notamment à ceux qui ont le plus besoin de se former, de passer à l’action ?

Jour J pour l’appli. Le TripAdvisor, le Tinder de la formation, arrive. L’accès à la formation en mode Gafa et "start-up nation" est à notre portée. L’application "Mon compte formation" qui va nous permettre de gérer notre compte personnel de formation, et sans laquelle il n’est pas de management des ressources humaines et de la formation possible, est présentée aujourd’hui.

Pourquoi pas, mais à ce jour l’on peut rester perplexe face à l’offensive de la communication sur le nouveau gadget du ministère du travail et notamment sur trois points :

  • va-t-on réellement toucher la cible de ceux qui ont le plus besoin de formation et notamment les salariés précaires, les demandeurs d’emploi et les personnes que l’on range parfois un peu hâtivement dans la catégorie des "BNQ" (bas niveaux de qualification) ? ; 
  • va-t-on évaluer la réussite de l’application au nombre de téléchargement ou à son impact réel et l’atteinte de ce qui devrait être ses objectifs premiers à savoir : faciliter la montée en compétences de la main-d’œuvre et des savoir-faire des entreprises ?
  • va-t-on assister, avec les prochaines versions à la poussée d’une gestion de l’emploi à la sauce algorithmique et toutes les dérives qui s’en suivent ?
Une mobilisation tous azimuts …

Pour ce lancement une communication tous azimuts est lancée : les volontaires du service civique chez Pôle Emploi, les services d’orientation en région sont mobilisés. Dans les entreprises, les RH devraient, à l’occasion des entretiens professionnels, informer les salariés de l’existence de l’outil. Il ne manque que les partenaires sociaux dans la boucle.

Cette appli a pour ambition de s’adresser à tous. D’ailleurs n’a-t-elle pas été développée avec les dernières techniques du marketing qui permettent de s’identifier à une personne et d’analyser tous les parcours de navigation, tous les types de question que le "mobinaute" va se poser et poser ?

Alors pourquoi, la communication enclenchée sur les réseaux sociaux à grand coup de hastag de #JePasseAlAction ne prend comme illustration que des jeunes ? Il faut avoir travaillé un certain temps pour pouvoir utiliser son compte, sauf à utiliser sa carte bleue.

De plus, le CPF ne vise que les formations certifiantes et bien qu’il soit "personnel", les salariés en poste auront besoin dans nombre de cas de l’accord du dirigeant ou des RH (pour s’absenter et suivre la formation) voire pour abonder leur compte. En outre, l’on peut sans difficulté avancer l’hypothèse que, dans l’immense majorité des cas, le meilleur conseiller en évolution professionnelle pour trouver une formation en cohérence avec les besoins ou les opportunités que peut proposer l’entreprise est dans … l’entreprise.

Dans ce contexte, rien ne révolutionne vraiment l’accès à la formation et l’on peut craindre que les chiffres d’utilisation du CPF restent à la hauteur de ce qu’ils sont aujourd’hui c’est-à-dire particulièrement faibles.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Tout le monde est App

Si l’on en croit différentes études, près de 70 % des français seraient des "mobinautes" et environ 10 millions d’entre nous auraient téléchargé au moins 12 applications sur leur téléphone portable au cours de l’année. Cela pousse certains à affirmer que le mobile est aussi voire plus consulté que la télévision et donc qu’il doit avoir toute sa place au cœur des stratégies marketing et commerciales. Là encore, pourquoi pas, mais télécharger CandiCrush ou la version mobile de Fortnite sur son smartphone pour patienter dans le métro, le train ou le bus ce n’est pas exactement le même comportement de "consommateur" que celui recherché pour une appli qui doit nous permettre d’avoir une action positive et en profondeur sur notre vie professionnelle et donc personnelle.

Les applications téléchargées sur smartphone se répartissent généralement en trois catégories :

  • les jeux ; 
  • les réseaux sociaux ; 
  • le divertissement

Difficile de classer l’appli "Mon compte formation" dans l’une de ces trois catégories. De plus, ce classement fait apparaître que les plus téléchargées sont celles qui ont un niveau de sollicitation élevé et qui répondent à des logiques compulsives et impulsives (pastilles vous informant d’un nouveau message, d’une information importante, d’un nouveau niveau de jeu atteint, une alerte pour un nouveau job avec possibilité de candidater en un clic, etc… ). Pour simplifier, il s’agit d’applications dont l’utilisation est régulière voire quotidienne.

Ce sont, par ailleurs, des programmes avec des niveaux de navigation très simples, ne nécessitant pas une grande interaction avec l’utilisateur. En fait, tout le contraire de la recherche d’une formation ou d’un accompagnement professionnel dont l’impact sur la vie professionnelle sera toujours plus important que d’atteindre le niveau 12 de Candy Crush. La solution du site web (même responsive) avec un écran plus large permettant une meilleure et pleine interaction et qui nécessite de se poser pour réfléchir à ce que l’on veut faire apparait alors plus raisonnable.

On peut espérer que ce site - indisponible au moment de la rédaction de cette chronique-  sera revu en profondeur tant il était difficile de s’y retrouver. On peut également souhaiter que les informations seront fiabilisées et que les programmes de formation seront "relookés". Nombre d’entre eux donnent la parfaite illustration de l’aridité et de la sècheresse d’une note administrative. 

On espère que ce site permettra de se déplacer de manière fluide et intuitive dans l’offre de formation, que ce soit par système de mots clefs, par région, par thématique, par niveau de qualification, etc… Autrement dit, qu’il donne envie.

Même si malheureusement ce n’est ni un site web et - on l’aura compris - encore moins une appli qui permettront de favoriser l’autonomie et la responsabilisation de chacun dans son parcours formation, ou encore d’accompagner ceux d’entre nous qui sont les plus éloignés de la formation et/ou de l’emploi dans ses choix et ses envies, dans ce qu’il est possible et raisonnable de faire.

A force de vouloir jouer en mode "start-up nation" on néglige les vrais enjeux.

Big Brother is watching you…

Et les demandeurs d’emploi me direz-vous ? Alors certes, le fait d’avoir un meilleur accompagnement et une source d’information fiable est appréciable. Cette version de l’application devrait être véritablement un plus pour les demandeurs d’emploi.

Au-delà de la notation des organismes de formation en mode TripAdvisor avancés par certains (et cela pose la question de la qualité et de la nature spontanée des "recommandations sociales"), l’on entend dire que ce système permettra de rapprocher les offres d’emploi, de formation et les personnes. Mais cela suppose-t-il de nouvelles obligations pour les demandeurs d’emploi ? Un plus grand contrôle à leur encontre ? L’obligation de répondre à des offres d’emploi raisonnable se verra-t-elle ainsi outillée ? Beaucoup de questions restent en suspens quant à l’utilisation de ces données. Aussi la réussite de cette appli passera-t-elle également par une clarification en la matière.

Fallait-il pour autant ne rien faire ? Certes non. Malgré les critiques, cette application et surtout le site web sont nécessaires. Cela nécessitait-il pour autant d’en faire le pivot de l’accès à la formation ? Cela paraît plus contestable.

Francois Geuze
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