L’Assemblée nationale donne un coup de pouce au cloud computing

L’Assemblée nationale donne un coup de pouce au cloud computing

27.01.2016

Gestion d'entreprise

La chambre basse instaure un droit à la portabilité des données stockées en ligne. Ce dispositif, inclus dans le projet de loi pour une République numérique, devrait faciliter le changement de prestataire informatique.

356 voix pour, une contre et 187 abstentions. C’est sur ce scrutin assez net que l’Assemblée nationale a adopté, hier, le projet de loi pour une République numérique, en 1ère lecture. Un texte ambitieux qui devrait inciter les particuliers et surtout les entreprises à utiliser davantage le cloud computing, du nom de cette technique servant à accéder à distance à des serveurs informatiques hébergeant des données ou des applications.

Retard français ?

Pour le gouvernement comme pour la chambre basse, les entreprises sont en retard sur ce marché qui va probablement continuer à se développer. Ils s'appuient surtout sur une PDF iconétude publiée en 2015 par l’Insee qui montre que les entreprises (d’au moins 10 personnes) implantées dans l’hexagone achèteraient moins de services d’informatique en nuage que la moyenne de celles de l’Union européenne, comme le montre le graphique ci-dessous (lire aussi notre article).

Utilisation de services de cloud computing dans l'Union européenne en 2014

Champ : sociétés d'au moins 10 personnes des secteurs principalement marchands hors secteur agricole, financier et d'assurance, implantées en France et dans l'UE à 28.

Sources : Insee, Eurostat, Enquêtes TIC 2014

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Un usage lié à la taille de l’entreprise ?

Selon cette même étude, ce sont surtout les petites entreprises qui rechignent à utiliser cette technologie, l’usage du cloud étant proportionnel à la taille de l’organisation. Ainsi, seules 9% des entreprises de 10 à 19 % emploieraient ce modèle contre 14 % pour celles de 20 à 249 personnes et 36 % pour les sociétés d’au moins 250 personnes. On peut toutefois s’interroger sur cette photographie. Beaucoup de petites entreprises sont susceptibles d’employer déjà un service de courrier en ligne dont le serveur est distant, et donc de recourir, peut-être sans en avoir conscience, au cloud. Plus généralement, les petites entreprises disposent de moins de ressources informatiques que les grandes pour internaliser leur informatique et devraient donc, de ce point de vue-là, être davantage enclines à recourir à l'informatique en nuage. Reste à savoir si l'offre est à la hauteur de cette demande potentielle.

Aider les PME à négocier

L’une des raisons du faible engouement des petites entreprises diagnostiqué par l'Insee tient peut-être (aussi) au problème de la portabilité des données stockées en ligne. C'est en tous cas l'argumentation du gouvernement. Et que la commission des lois de l’Assemblée nationale a reprise. "Les PME n’ont souvent pas les moyens humains et matériels de négocier les contrats avec les opérateurs de service du cloud à leur avantage et peinent à récupérer leurs données lorsqu’elles souhaitent migrer vers un autre service", analyse-t-elle. Selon Christophe Legrenzi, expert en stratégie et management, le droit à la portabilité des données en ligne "évitera aussi d’être pris en otage par les politiques tarifaires des prestataires" (lire notre article). La question de la sécurité liée au cloud computing compte également, surtout pour les grandes entreprises. Cela s'explique peut-être, là encore, par le fait que les petites entreprises n'ont de toute façon pas les ressources pour sécuriser leur informatique, contrairement aux grandes organisations, comme le montre un rapport publié en 2015 par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (lire notre article).

Facteurs limitant les sociétés dans leur utilisation du cloud

Champ : sociétés utilisatrices de cloud d'au moins 10 personnes des secteurs principalement marchands hors secteurs agricole, financier et d'assurance implantées en France.

Source : Insee, enquête TIC 2014

Faciliter le changement de fournisseur

Alors, quel est ce nouveau droit que les entreprises comme les particuliers devraient obtenir, si ce texte est définitivement adopté ? Il leur permet de récupérer, par une requête unique, l’ensemble des fichiers ou données stockés en ligne, étant précisé que le prestataire informatique doit prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin, en termes d’interface de programmation et de transmission des informations nécessaires au changement de fournisseur. Toutefois, une exception notable est prévue : "lorsque les données collectées auprès du consommateur ne peuvent pas être récupérées dans un standard ouvert et aisément réutilisable, le fournisseur de service de communication au public en ligne en informe le consommateur de façon claire et transparente".

Récupération gratuite pour les e-mails

Ce projet de loi prévoit aussi un mécanisme spécifique aux e-mails stockés en ligne. Le mécanisme de portabilité des messages porte à la fois sur les courriers et les contacts. Il oblige exclusivement les fournisseurs de service de courrier électronique qui mettent à disposition une adresse électronique à fournir gratuitement à l’utilisateur une migration directe de ses données vers un autre service en ligne. Cela signifie, selon le gouvernement, que les messageries électroniques tels que Skype ainsi que certaines privées, telles que celles mises en place par les banques pour communiquer avec leurs clients, sont exclues de cette obligation. Outre son intérêt en termes de jeu de la concurrence, ce dispositif permet de sécuriser la mise en œuvre de la valeur juridique conférée aux e-mails. D’autant plus que l’utilisateur qui changerait de fournisseur garderait, gratuitement, la possibilité d'envoyer et de recevoir des mails via ce fournisseur pendant 6 mois. Des sanctions administratives sont prévues pour les prestataires qui ne respectent pas leur obligation de portabilité des e-mails ou des données stockées en ligne. Elles sont plafonnées à 3000 € par manquement pour une personne physique et 15000 € pour une personne morale. Tous les prestataires informatiques ne seront pas tenus par ces deux dispositifs de portabilité des e-mails et des données en ligne. Seuls ceux qui dépassent un certain nombre de comptes utilisateurs seront concernés. Ce seuil sera fixé par un décret. Il revient désormais au Sénat d'examiner ce projet de loi.

Ludovic Arbelet
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