Mais au fait, c’est quoi exactement les «legal operations» ?

Mais au fait, c’est quoi exactement les «legal operations» ?

20.09.2019

Gestion d'entreprise

Dans sa chronique, Emilie Letocart-Calame, administratrice de l’AFJE et présidente fondatrice du cabinet Calame Consulting, nous explique ce que recouvre la notion de «legal operations», le rôle ainsi que l'intérêt stratégique du «legal operation manager» au sein de la direction juridique.

Le terme de legal operations ou legal ops’ est de plus en plus utilisé, mais beaucoup ne savent pas encore exactement ce dont il s’agit, ni ce qu’il recouvre précisément. Clarifions cela ensemble !

Les postes de legal operations manager ou CLOO (Corporate legal operations officer) ont le vent en poupe en France depuis quelques mois. Comme de nombreuses pratiques professionnelles, ce nouveau rôle nous vient du monde anglo-saxon où le legal operations manager a commencé à voir le jour au début des années 2000 au sein des directions juridiques des plus grosses entreprises, marquant un tournant dans l’évolution de celles-ci. L’ouverture d’un tel poste démontre ainsi la volonté concrète de la direction juridique de rationaliser et d’optimiser tant ses ressources que ses process. Que fait donc exactement ce CLOO au quotidien, et en quoi est-il si indispensable ? Quelle est sa formation ? Est-ce même un juriste ?

Le rôle du CLOO dans l’entreprise

Le CLOO est chargé, au sein de la direction juridique, des aspects organisationnels, budgétaires ainsi que processuels de celle-ci. Fort d’un rôle transverse, il est au carrefour des relations entre la direction juridique et les départements de l’entreprise avec lesquels celle-ci a vocation à travailler, soit... tous les départements !  Son rôle sera de s’assurer de l’harmonisation des procédures internes, de la fluidité de celles-ci et de leur simplicité pour les juristes au quotidien. Mais ça n’est pas tout ! Le legal operations manager a également vocation à gérer les relations avec les cabinets d’avocats partenaires (notamment en organisant la sélection des panels, mais aussi en négociant ou renégociant leurs honoraires). Il assure également la coordination de la diffusion interne de la culture juridique, notamment par le biais du knowledge management.

Sa mission va plus loin puisqu’il assistera également la direction juridique dans sa transformation numérique. En effet, la simplification des process et workflows peut notamment passer par le recours à des outils digitaux créés par les legaltechs, toujours plus nombreuses sur le marché. Il aura donc nécessairement une connaissance fine du marché et de l’écosystème afin de se repérer au mieux dans cette jungle numérique. De cette façon, il travaillera de façon étroite avec le responsable de l’innovation s’il en existe dans son entreprise, ou bien avec le département informatique chargé d’assurer la transformation digitale des départements. Ensemble, ils pourront donc avoir recours aux outils développés sur le marché, ou bien construire en interne leur propre solution sur-mesure.

Enfin, il pourra également travailler étroitement avec la direction des ressources humaines sur les problématiques organisationnelles de ses équipes, les besoins en terme de recrutement et de rétention des talents, ainsi qu’avec la direction de la communication afin de faire rayonner l’influence de la direction juridique au sein de toute l’entreprise, et notamment auprès de la Direction générale.

Le legal operations officer idéal 

Maillon essentiel au sein de l’entreprise, le legal operations officer est l’interface entre les juristes et les opérationnels. A ce titre, il doit savoir s’adapter avec flexibilité aux changements de priorités du business tout en connaissant intimement les rouages de la direction juridique, ses process et ses modalités organisationnelles. De fait, il s’agira presque toujours d’un juriste de formation et d’expérience ayant une vision globale du métier et de sa pratique. Organisé, pragmatique, et très orienté vers la résolution de problèmes, le CLOO idéal est également bon communiquant et est à l’écoute des équipes et de leurs besoins. Il devra avoir suffisamment de recul pour permettre de déconstruire l’existant au profit de solutions innovantes et claires. En lien avec la direction financière, il faudra être à l’aise avec les chiffres afin de tenir des budgets mensuels toujours plus serrés et établir des budgets prévisionnels précis. Un reporting minutieux apportera au directeur ou à la directrice juridique une vision claire et complète des dossiers en cours.

Le CLOO, indispensable ?

Mais alors si ce poste est si stratégique, comment avons-nous pu nous en passer jusqu’à présent ?

Et bien... Nous ne nous en passions pas ! C’était simplement un travail titanesque effectué par plusieurs membres au sein de la direction juridique et/ou par le directeur ou la directrice juridique, sous réserve que celui-ci ait un réel tropisme pour la planification, l’organisation, les process… et surtout le temps pour le faire ! En effet, dans de nombreuses entreprises, ces tâches s'ajoutent aux tâches juridiques quotidiennes. De plus, si ces missions sont réparties entre plusieurs personnes, le tout peut manquer de cohésion et de communication. En réalité, il s’agit d’un travail à temps plein qui nécessite une vision globale stratégique. C’est pourquoi l’ensemble de ces missions est désormais affecté à une unique personne.

Toutes les directions juridiques sont-elles concernées ?

Si les problématiques organisationnelles sont présentes au sein de toutes les directions juridiques, il est évident que leur taille et le volume de dossiers traités au quotidien sera critique dans l’approche et la typologie des legal operations à mettre en œuvre. Plus l’organisation de la direction juridique sera complexe, plus les process seront nombreux et confus, et moins ils seront intuitifs pour les juristes au quotidien. C’est donc un important travail de rationalisation qui doit être mis en place. Pour les directions juridiques de taille plus modeste, un œil neuf permet souvent de s’extraire d’un quotidien trop routinier et d’un mode de fonctionnement parfois hérité du passé, plus toujours adapté aux enjeux actuels.

Si toutes ne justifient pas l’embauche à temps plein d’un CLOO, elles peuvent privilégier le recours ponctuel à un consultant indépendant. Celui-ci mettra en place les éléments principaux construits conjointement avec les équipes, qui seront ensuite pilotés en interne – soit par le directeur ou la directrice juridique – soit par un membre choisi de son équipe. Le consultant externe peut également venir assister des CLOO nommés au sein de leurs entreprises pour un appui ponctuel sur certains sujets, le travail à accomplir pouvant être titanesque !

Que cette compétence soit acquise par la direction juridique par le biais d’un recrutement permanent ou d’une prestation externe ponctuelle ou récurrente importe peu. Au final, l’enjeu sera de la conserver et de l’institutionnaliser en interne afin de permettre aux directions juridiques d’être toujours plus performantes et influentes au sein de nos entreprises.

Emilie Letocart-Calame

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