Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, revient sur l’échec des négociations des partenaires sociaux sur le "Pacte de la vie au travail". S’il regrette l’absence de compromis, il espère bien que certaines mesures seront poussées auprès du gouvernement pour l’écriture de l’acte II de la réforme du travail.
Comment analysez-vous l’échec des négociations sur le "Pacte de la vie au travail" ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
On regrette toujours une absence de compromis des partenaires sociaux surtout sur un sujet aussi majeur. La question de l’emploi des seniors est centrale et doit le rester malgré ce rendez-vous manqué. Le pays reste, en effet, le mauvais élève de l’Europe notamment en matière d’embauche des plus de 55 ans ! N’oublions pas que le chômage de salariés expérimentés renvoie à des drames humains, personnels. Il s’agit à ce titre non pas uniquement d’une négociation sociale mais d'une réponse sociétale à trouver ensemble.
Quelles mesures avez-vous retenu ?
Il y a effectivement des mesures intéressantes. La première, c’est d’engager une réflexion sur la construction de la deuxième partie de carrière dans toutes les entreprises, y compris celles de petite taille. La proposition d’une négociation obligatoire dédiée sur l’emploi des seniors dans les entreprises d’au moins 300 salariés, et non plus de 1 000 salariés, comme les versions précédentes l’envisageaient, en est l’illustration. Certes, de nombreuses entreprises n’ont pas attendu ce projet d’accord pour se saisir de cette question. Mais cette négociation spécifique, et non diluée dans d’autres thèmes, donne du poids à ce sujet. Si l’on veut résoudre ce problème humain et reconnaissons-le culturel, il faut le nommer.
Quelles sont les autres dispositions qui retiennent votre attention ? Etiez-vous favorable à la rupture du contrat de travail dans le cadre de la création d’un parcours d’évolution professionnelle (PEP) réalisé à l’initiative du salarié, un point dur des discussions ?
Le Medef a fait quelques concessions en actant la rupture du contrat au terme du parcours du salarié, à son issue et en non à son démarrage, comme les précédentes versions l’attestaient. Il s’agissait d’une avancée importante : à l’issue de sa formation, le salarié sait si son parcours d’apprentissage est crédible ou non. Mais je pense que l’on aurait pu débloquer la situation en allant encore plus loin, par exemple, en décidant que cette rupture de contrat soit assimilée à une démission ouvrant un droit partiel à "indemnités" pouvant être versées au candidat à la reconversion pour le lancement de son projet dès lors que celui-ci est crédible et validé. On le fait pour les congés de mobilité.
D’autres garde-fous auraient pu être trouvés avec des mécanismes de contrôle sur la qualité du projet ou encore des dispositions supplémentaires permettant de s’assurer qu’il ne s’agissait pas de licenciements déguisés, à l’instar des ruptures conventionnelles. Ces parcours ne peuvent pas, en effet, être soupçonnables de vouloir détourner la procédure de licenciement économique collectif.
Le CDI seniors, renommé "contrat de valorisation de l’expérience", a également constitué une ligne rouge. Pensez-vous que ce contrat aurait suscité l’adhésion des DRH ?
Bien sûr. L’ANDRH a porté très tôt ce contrat. Le CDI senior répond à deux types de blocage. D’un côté, nous avons des demandeurs d’emploi âgés de 59 ou 60 ans, inquiets à l’idée de ne pas atteindre l’âge d’une retraite à taux plein.
De l’autre, des entreprises frileuses pour recruter cette classe d’âge, de peur que ces nouvelles recrues restent dans l’entreprise jusqu’à 70 ans. Ce contrat permettait de lever ces freins, en proposant davantage de prévisibilité sur la date possible et sur le coût de cette rupture et en garantissant en contrepartie au salarié concerné la quasi-certitude d’atteindre le taux plein. Ce même argument avait justifié la mise en place du barème Macron. L’idée était qu’en augmentant la prévisibilité du coût d’une rupture contentieuse, les entreprises seraient davantage enclines à recruter.
N'oublions pas que le Premier ministre a annoncé le transfert de l’allocation de solidarité spécifique vers le RSA. Cette réforme, s’il elle voit le jour, ne sera pas sans impact en matière de droits à la retraite pour les seniors : en effet, les bénéficiaires de l'ASS continuent à acquérir des trimestres pour le calcul de leur retraite, ainsi que des points de retraite complémentaires, ce qui n'est pas le cas pour les allocataires du RSA.
Le gouvernement devrait reprendre la main avec un acte II de la réforme du marché du travail. Qu’attendez-vous du futur projet de loi qui devrait être examiné à l’automne ?
Pour l’heure, les intentions du gouvernement sont imprécises. Mais plusieurs thèmes centraux, comme l’emploi des seniors mais aussi sur la formation, doivent être au cœur du texte, avec en amont un bilan de la réforme Avenir professionnel de 2018. Ne perdons pas de vue que nous avons un enjeu de compétences immense devant nous. En outre, il serait judicieux que ce projet de loi intègre les transformations du monde du travail. Ce qui inclut, par exemple, des questions sur l’organisation du travail, le temps de travail, avec notamment le décompte du temps de travail, l’éligibilité aux forfaits jours pour pouvoir sortir d’une gestion du temps parfois trop administrée qui vient en contradiction technique avec les aspirations des salariés et les besoins des entreprises. Autre point, ce projet de loi devrait intégrer l’engagement de simplification.
Enfin, ce projet de loi devrait s'inscrire dans la dynamique des ordonnances de 2017 avec en toile de fond plus de sujets débattus au sein de l’entreprise, via le dialogue social.
L’échec de ces négociations acte-il la fin du paritarisme ?
Non, ce n’est pas le premier, ni le dernier échec. Les négociateurs ont toujours fait preuve de responsabilités et on ne peut que les encourager. Souvenez-vous, lors des négociations sur le partage de la valeur, le président du Medef de l’époque, Geoffroy Roux de Bézieux, avait alors déclaré que cette négociation était impossible. Les partenaires sociaux ont su déjouer les pronostics, en trouvant un compromis solide et efficace.
Nul doute que le dialogue social est le meilleur moyen pour déminer la tension sociale, a fortiori dans un contexte économique et budgétaire un peu compliqué comme celui d’aujourd’hui.
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