Mandat ad hoc et absence d'intérêt général

02.07.2019

Gestion d'entreprise

En divulguant des informations sur le mandat ad hoc et la conciliation, sans que cette divulgation soit justifiée par la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général, un organe de presse commet une faute dont il doit réparer le préjudice.

Par un arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de cassation avait jugé à propos de l’article L. 611-15 du code de commerce édictant le principe de confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation, que « la diffusion d'informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu'il soit établi qu'elles contribuent à l'information légitime du public sur un débat d'intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite » (Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-11.500, n° 1076 P+B, "La liberté de la presse à l'épreuve de la confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation", Bull. n° 377,Zoom. janv. 2016, p.1 obs. Ph. Roussel Galle) . Après avoir apporté des précisions dans un deuxième arrêt du 13 février 2019, (Cass. com., 13 févr. 2019, n° 17-18.049, n° 198 P+B+I, "Intérêt général et confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation", 22 févr. 2019), la Cour de cassation est appelée une fois encore à statuer dans cette même affaire. En effet, parallèlement, la société d’édition qui avait publié les informations confidentielles avait été condamnée par la cour d’appel, à payer aux sociétés du groupe qui avaient bénéficié du mandat ad hoc et de la conciliation, des dommages et intérêts.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Devoir de confidentialité

La Cour de cassation commence par rappeler qu’elle a refusé de renvoyer une QPC sur l’article L. 611-15 du code de commerce, au Conseil constitutionnel (Cass. com., 4 oct. 2018, QPC, n° 18-10.688, "Confirmation de la confidentialité des procédures préventives", 26 oct. 2016). Puis rappelant que ce texte impose un devoir de confidentialité à toutes les personnes appelées à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc ou qui par leurs fonctions, en ont connaissance, elle ajoute qu’il pose le principe de la confidentialité des informations relatives à ces procédures, qui se justifie par la nécessité de protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises qui y recourent. Partant de là, l’effectivité du principe suppose que la divulgation, par des organes de presse, des informations ainsi protégées, doit être érigée en faute, hormis l’hypothèse d’un débat d’intérêt général. En outre, l’argument d’imprévisibilité de la règle légale invoquée par la société de presse est écarté puisque cette dernière ne pouvait ignorer qu’elle publiait des informations protégées et risquait de causer un grave préjudice aux sociétés du groupe.

Responsabilité des organes de presse

La Cour de cassation revient également sur l’évaluation du montant de la réparation qui résulte de la faute commise par l’organe de presse, faute à l’origine du préjudice, et qui doit donc être réparée conformément à l’article 1382 devenu 1240 du code civil. Cette réparation ne doit pas être disproportionnée et c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel l’a évaluée. On peut ajouter que l’organe de presse invoquait l’article 10 de la CEDH pour soutenir que les juges du fond auraient notamment dû prendre en compte le comportement du journaliste et la manière dont il est entré en possession des informations et la forme des publications en litige, mais cet argument est écarté, la chambre commerciale estimant que les juges d’appel n’avaient pas à faire cette recherche.

Information sur les procédures en cours

Enfin, le présent arrêt évoque le fait que d’autres journaux s’étaient fait l’écho des difficultés du groupe, mais ils s’étaient contentés d’informations générales, n’informant le public que de l’existence de procédures en cours. Tel n’est pas le cas des informations publiées par l’organe de presse ici condamné, puisqu’il a publié des informations précises et chiffrées et portant sur le contenu des négociations en cours et leur avancée, la Cour de cassation ajoutant que ces informations n’intéressaient pas le public en général, mais les cocontractants et partenaires des sociétés du groupe en recherche de protection.

L’arrêt du 13 juin 2019 se situe donc dans la droite ligne des arrêts précédents et participe donc de la protection de la confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation. Il ne fait aucun doute que la publication d’informations sur ces procédures peut engager la responsabilité des organes de presse, sauf débat d’intérêt général. Toutefois, la Cour de cassation semble distinguer entre la publication d’informations détaillées et précises et la simple publication de l’existence de difficultés et de procédures en cours. Il est dès lors permis de se demander quelle serait la solution si l’information était limitée à la seule existence des procédures en cours.

Voir également : CA., Paris, Pôle 01 ch. 02, 6 juin 2019, n° 18/03063

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
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