Mandat ad hoc et débat d'intérêt général légitime

02.07.2019

Gestion d'entreprise

Des articles de presse relatant l'existence d'une procédure de mandat ad hoc ne constituent pas nécessairement un trouble manifestement illicite notamment s'ils contribuent à une information légitime du public.

Tout comme l’arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2019 (Cass. com., 13 juin 2019, n° 18-10.688, n° 559 P+B), l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 6 juin 2019, intéresse, lui aussi, la confidentialité des procédures amiables. Dans cette affaire, un mandataire ad hoc est désigné pour plusieurs sociétés du groupe Conforama le 12 décembre 2017. Le 10 janvier 2018, un éditeur publie sur son site un article intitulé « Exclusif : Conforama serait placé sous mandat ad hoc », un article contenant la même information est publié le 11 janvier 2018 dans la version papier du magazine de l'éditeur.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés

Par ordonnance du 12 janvier 2018, sur le fondement de l’article 873, alinéa premier du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce de Paris ordonne le retrait de l’article sur le site et interdit la publication de quelque article que ce soit relatif à cette procédure de prévention sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à compter du prononcé de sa décision.

La cour d’appel de Paris infirme l’ordonnance du président du tribunal. Tout en reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation du 15 décembre 2015 (Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-11.500, n° 1076 P+B, "La liberté de la presse à l'épreuve de la confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation", Bull. n° 377, p. 1 obs. Ph. Roussel Galle), la cour d'appel estime que le contenu de l’information en cause doit être pris en compte, car la publication ne saurait constituer un trouble manifestement illicite que s’il s’avère avec l’évidence requise en référé qu’elle ne contribue pas à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général. Or, les deux articles en question se limitent à indiquer au conditionnel la désignation du mandataire ad hoc et ils sont destinés au grand public comme le prouve d’ailleurs l’explication donnée sur le mandat ad hoc et son objectif, et ils font suite à plusieurs autres articles de presse décrivant les difficultés financières du groupe H, maison mère du groupe Conforama. Et d’ajouter qu’il ne saurait en être déduit avec l’évidence requise en référé que cette seule information énoncée au conditionnel et dans ce contexte, ait pu compromettre les chances de succès du mandat ad hoc. Toujours selon les juges d’appel, cette information n’ajoute pas vraiment aux renseignements déjà largement diffusés sur les difficultés financières du groupe Conforama.

Mais surtout, les juges d’appel affirment que « les difficultés économiques importantes (déficit de 2 milliards d’euros) d’un groupe tel que le sud-africain qui seraient imputables à des irrégularités comptables et ses répercussions sur un groupe tel que Conforama, qui se présente comme un acteur majeur de l’équipement de la maison en Europe et qui emploient 9 000 personnes en France, constituent sans conteste un sujet d’intérêt général ».

Dès lors, il ne saurait être exclu que l’information du grand public selon laquelle le groupe Conforama serait placé sous mandat ad hoc afin de rechercher un accord avec ses créanciers contribue à l’information légitime du public sur un débat d'intérêt général. En outre, les sociétés du groupe sous mandat ad hoc n’exposent pas en quoi la diffusion de l’information précitée leur a causé un préjudice.

Aussi, la cour d’appel juge-t-elle qu’il n’est pas établi que les articles litigieux constituent un trouble manifestement illicite ou ont généré un risque de dommage imminent au sens de l’article 873 du code de procédure civile.

Voir également : Cass. com., 13 juin 2019, n° 18-10.688, n° 559 P+B

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
Vous aimerez aussi