Manquement aux obligations précontractuelles d’information et nullité du contrat conclu

Manquement aux obligations précontractuelles d’information et nullité du contrat conclu

10.01.2024

Gestion d'entreprise

Dans un arrêt rendu le 20 décembre 2023, la Cour de cassation rappelle les fondements sur lesquels un contrat peut être annulé en droit de la consommation quand les obligations précontractuelles d’information n’ont pas été respectées. Dans sa chronique, Cédric Hélaine, docteur en droit et chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseille, revient sur cette décision intéressante.

Le droit de la consommation est un droit marqué par sa spécificité qui tire toute sa source de la relation contrastée et délicate entre le professionnel et le consommateur. Mais il arrive, bien souvent à dire vrai, que les problématiques abordées par les plaideurs dans leurs écritures en reviennent au droit commun, à savoir la théorie générale du contrat. On sait que cette relation droit spécial/droit commun intéresse grandement la Cour de cassation ces derniers temps avec les premières applications de certains textes phares de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des obligations.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés

L’arrêt rendu le 20 décembre 2023 par la première chambre civile donne une nouvelle illustration de ces relations qui ne sont pas marquées seulement par l’exclusivité mais, parfois, par la complémentarité.

La décision étudiée trouve son origine dans un contrat d’acquisition, d’installation et de mise en service de panneaux photovoltaïques conclu entre un professionnel et un couple d’acquéreur le 4 juin 2018. Les consommateurs se rendent, par la suite, compte que le bon de commande qu’ils ont signé ne comporte pas les mentions imposées par le code de la consommation, du moins pas en totalité. Les juges du fond, saisis en appel, annulent le contrat et ordonnent la restitution de la somme déjà versée assortie des intérêts au taux légal au bénéfice des consommateurs demandeurs à l’action. La nullité est ordonnée sur le fondement de l’article L 111-1 du code de la consommation mais également sur celui de l’article 1112-1 du code civil. Le vendeur se pourvoit en cassation reprochant à ce raisonnement une violation de la loi et plus précisément des deux articles précités. Il avançait que la disposition issue du code de la consommation ne prévoyait pas explicitement de cause de nullité tandis que celle du code civil impliquait de caractériser un vice du consentement.

Voici un problème épineux tant le pourvoi était bien mené en droit de la consommation comme en droit commun. Nous allons examiner pourquoi le rejet du pourvoi ne s’imposait pas forcément de manière très claire à la lecture des différents textes applicables.

L’action en nullité doit reposer sur un fondement précis

La première chambre civile se livre dans le point n° 5 de son arrêt à la fois à une lecture méticuleuse et à une explication pédagogique des différents textes en concours. L’article L 111-1 du code de la consommation ne prévoit, en effet, pas dans sa lettre que le manquement du professionnel à l’obligation d’information précontractuelle doit être assortie de la nullité. Or, l’anéantissement du contrat peut donc être assez sérieusement remise en question comme le suggérait fort habilement le demandeur à la cassation. Restait le fondement du droit commun, pris du droit nouveau ici, à savoir l’obligation d’information précontractuelle de l’article 1112-1, toute nouvellement codifiée par l’ordonnance du 10 février 2016. Mais sur celui-ci, rappelons l’évidence : la lettre de l’article 1112-1 du code civil ne vient pas créer un cas autonome de nullité. En d’autres termes, la violation de l’obligation d’information issue de ce texte ne permet pas à elle seule de demander la nullité du contrat conclu. En revanche, il est précisé clairement par le texte que « outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ». Par conséquent, dès lors qu’un vice du consentement résulte de la violation de l’obligation d’information précontractuelle, la nullité reste parfaitement ouverte. Ces rappels sont importants pour la démonstration opérée par la Cour.

Nous l’aurons compris, la lecture des textes démontre bien que le raisonnement tenu par les juges du fond en cause d’appel pouvait prêter le flanc à la critique à bien des égards. Cette dernière était probablement juste sur le fond mais méthodologiquement un peu fragile, ce qui n’a pas échappé à l’avocat du demandeur au pourvoi. Il y avait là un beau cas d’ouverture à cassation par violation de ces articles si l’on se contentait seulement d’une analyse littérale. L’hésitation était donc permise sur l’orientation de la solution et la formulation choisie dans l’arrêt publié démontre bien toute l’ambivalence de la voie tracée par la première chambre civile.

Une intersection de textes pour une même cause de nullité

Le caractère original de l’arrêt du 20 décembre 2023 repose sur cet enchevêtrement entre l’article L 111-1 du code de la consommation et l’article 1112-1 du code civil. La solution qu’en tire la Cour de cassation ne manque pas de surprendre quand on connaît sa position plus sévère sur la combinaison des textes de droit commun et de droit spécial. Ici, par un jeu assez subtil et peu étayé dans la motivation au demeurant, la première chambre civile estime que le manquement à l’obligation d’information de l’article L 111-1 doit conduire à la nullité dès lors que le défaut d’information « porte sur des éléments essentiels du contrat » par combinaison avec l’article 1112-1 du code civil. Le droit spécial se superpose ainsi au droit commun. En réalité, ce que vise (certainement ?) la première chambre reste et doit, selon nous, rester une forme d’assimilation entre la source de la nullité visée par l’article 1112-1 et le texte issu du code de la consommation. En d’autres termes, la violation de l’obligation d’information ne peut pas créer une cause autonome de nullité. Mais le consommateur peut agir en nullité quand il arrive à démontrer que le manquement est venu créer une erreur ou, pire, un dol, ce second cas étant bien évidemment beaucoup plus délicat à démontrer. La solution est connue en droit de la consommation.

En revanche, il reste plus difficile de justifier la position selon laquelle « le consentement (…) sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d’une erreur ». Ce passage, qui ne figure pas dans la motivation de l’arrêt étudié mais dans celui rendu par les juges du fond reproduit au point n° 6 de la décision, vient probablement opérer un raccourci dangereux entre violation de l’obligation d’information précontractuelle et possibilité d’obtenir la nullité du contrat. On peut, peut-être, comprendre un tel raccourci pour le droit de la consommation mais la propagation de ce raisonnement au droit commun serait probablement bien délicate.

L’intersection des textes montre à quel point l’action en nullité peut être délicate. Les conseils des consommateurs pourront se réjouir d’une telle décision en ce qu’elle confirme la possibilité d’une action en nullité relative quand l’article L 111-1 du code de la consommation n’a pas été respecté. 

Cédric Hélaine
Vous aimerez aussi