Mise en culture des plantes génétiquement modifiées

07.10.2016

Environnement

Le Haut Conseil des biotechnologies apporte des éclairages sur sa méthode d'analyse socio-économique et éthique, dans le cadre de l'adoption de mesures de restriction ou d'interdiction de cultures.

Le Haut Conseil des biotechnologies a remis, le 30 septembre 2016, aux ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture, la recommandation de son Comité économique, éthique et social (CEES) relative à l'analyse socio-économique et éthique de la mise en culture de plantes génétiquement modifiées (PGM), et ce dans le cadre de la directive 2015/412 du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement.

Pour rappel, la modification introduisait la possibilité, pour les États membres, de retreindre ou d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire (sur la transposition de cette directive, voir notre actualité "Cultures d'OGM : comment les restreindre ou les interdire en France ?")".
Le CEES a répondu aux questions accompagnant sa saisine, et ce afin "d'éclairer le Gouvernement et non pas de décider in fine".
Périmètre des motifs de la directive 2015/412 et état des lieux des analyses du CEES
Sept motifs ouvrent droit à la possibilité d'adopter des mesures de restriction ou d'interdiction de mise en culture sur tout ou partie du territoire ; ils sont examinés par le CEES.
"Objectifs de politique environnementale" et "Objectifs de politique agricole"
Selon le Comité, "il est utile pour identifier de tels objectifs de politique publique, de se référer par exemple à la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM qui consacre "la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM, sans que cela nuise à l'intégrité de l'environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité (...)". Des objectifs tels que la réduction du recours aux pesticides ou la sécurité alimentaire, ont régulièrement été mobilisés dans les recommandations du CEES par le passé".
"Aménagement du territoire" et "Affectation des sols"
Le motif de l’aménagement du territoire croise directement, toujours selon le Comité, celui de la "coexistence des cultures" tout comme celui de l’affectation des sols qui peut être également rattaché aux objectifs de politique environnementale.

Ce motif peut toutefois "être relié de façon nouvelle à d’autres aspects qu’il convient de mieux prendre en compte, d’autant qu’ils sont visés par diverses dispositions réglementaires : les prérogatives des parcs nationaux et régionaux, les signes de qualité des produits, les territoires d’appellation".
Remarque : on pourrait également considérer, suivant l’exemple autrichien, que les incidences sur le paysage et les attentes des touristes figurent, au titre de ce motif, parmi les incidences analysées.
De tels motifs impliquent la concertation avec les autorités politiques locales préalablement à toute décision de culture de PGM, dans le respect strict de la compétence exclusive des autorités nationales en matière de police spéciale de la dissémination d’OGM.
"Incidences socio-économiques"
La liste des incidences "économiques" susceptibles d’être engendrées par la culture d’une PGM prend la forme d’un grand nombre de questions listées dans une grille d'analyse des demandes d'autorisation de mise en culture  (établie en 2011, cette grille reste pertinente pour apprécier l’ensemble des avantages et inconvénients non environnementaux sanitaires d’une mise en culture ou d’un refus de mise en culture). Concernant les incidences dites "sociales", il est recommandé "d'intégrer plusieurs composantes ("consommateurs", "mangeurs", citoyens,...). Les liens entre ces dimensions socio-économique et sociale et la dimension éthique ont été également envisagés par le CEES : "la dimension éthique est de nature transversale. Ce n’est pas un motif en tant que tel. Néanmoins, un certain nombre de questions envisagées dans l’analyse impliquent nécessairement une réflexion éthique (la PGM pourquoi, pour qui, comment ?). L’éthique est ainsi en toile de fond de tous les axes de l’analyse socioéconomique".
Remarque : la Commission européenne avait convenu de l’absence de consensus sur une définition générale du concept, constatant que "la perception de la signification et de la portée de la  dimension socio-économique de la culture d’OGM varie considérablement parmi les États membres et les parties prenantes".
"Coexistence des cultures"
Les enjeux de la coexistence des cultures [coûts desdites mesures (et répartition de cette charge), impossibilité (technique, géographique), résultat (du point de vue des qualifications "sans OGM" ou "agriculture biologique"), coûts des éventuels préjudices] sont à considérer, selon le CEES, "pour partie sous le motif "aménagement du territoire" et pour partie sous le motif "coexistence" explicitement visé par la directive.
Précision : cette dernière précise qu’une interdiction ou restriction peut être motivée par "l’existence de conditions géographiques spécifiques, notamment dans les petites îles ou les zones montagneuses, ou la nécessité d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits tels que des produits spécifiques ou particuliers".
Le CEES ajoute avoir depuis longtemps intégré ces considérations dans l’analyse socio-économique sous une forme déjà développée à travers cinq questions afférentes à la coexistence.
"Ordre public"
La notion d’ordre public n’est pas, selon le CEES, susceptible de définition définitive et exhaustive : cette indétermination constitue d’ailleurs l’un des éléments même de sa définition. Ce motif ne peut donc être invoqué seul d’après la directive mais seulement en vue de compléter un autre motif.
Les recommandations du CEES
Elles sont au nombre de deux :
- conforter le principe d’une analyse des aspects sociaux, éthiques et économiques ouverte, indispensable à la décision publique, indépendamment de l’alternative  interdiction ou autorisation d’une PGM ;
- saisir l’opportunité du traitement des dossiers dans le cadre de cette directive pour dégager, s’il y a lieu, les orientations qui implicitement ou explicitement structurent les décisions publiques et l’avenir des filières. Procéder dans cette perspective, notamment dans le cadre du CEES, à un travail de capitalisation et de retour d’expérience.
Quelle(s) méthodologie(s) pour de telles saisines ?
La question posée au HCB portait sur la recherche d'une méthodologie, d'un outil pouvant être mis en oeuvre dans différents cas et circonstances.
Une nouvelle grille d'analyse a été proposée (v. en annexe de la recommandation), qui reprend l’ensemble des questions identifiées par le CEES relatives à la mise en culture des PGM lors des avis qu’il a eu à instruire, et recouvre largement les composantes d’analyse identifiées comme devant répondre aux motifs de la directive.
Précision : il s'agit seulement d'un outil, d’un appui qui n’a aucune portée contraignante. Elle est destinée à être lue et remplie au gré des spécificités des dossiers évalués.
Le Comité a également identifié dans l’analyse les différentes "trajectoires" d’innovation et leur articulation avec différentes options en termes de décision publique. Ce processus d'analyse peut s'appuyer sur les différents types de données suivantes :
- données issues de la littérature ;
- savoirs d’expérience, issus des membres du CEES, susceptibles de porter sur l’ensemble des éléments considérés dans les travaux du comité ;
- travaux et scénarios existants sur les thèmes liés à l’agriculture.
Critères de regroupement des analyses
Il y a trois niveaux en matière d'analyse socio-économique : transversal (permettre de renseigner à un niveau global, valable pour le plus grand nombre de PGM, des sujets transversaux comme la coexistence ou la propriété intellectuelle), spécifique (examiner la PGM dans sa singularité), et plus générique (évaluer les questions soulevées par la culture d'un groupe de PGM) afin de ne pas répéter les mêmes travaux).
 
Sur ce point, le CEES conclut "qu'une analyse par groupes d’OGM définis par culture ou caractère est pertinente, dès lors que la typologie des dossiers est mûrement réfléchie et a été discutée au sein du Comité".
 
Il recommande enfin d’être attentif à la "constitution progressive d’un ensemble stabilisé d’éléments d’analyse alimentant ces approches synthétiques".

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Martine Tudez, Code permanent Environnement et nuisances
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