Montant de la redevance d'enregistrement : attention au respect des règles pour déclarer la taille de son entreprise !

22.11.2016

Environnement

Appartenance d'une société déclarante à un groupe de sociétés, recours contre des factures, lettres ou courriels de l'ECHA, nature du droit administratif... le Tribunal de l'Union européenne fait un point sur certaines règles applicables à la déclaration de la taille de l'entreprise dans le cadre de l'enregistrement des substances et sur certains aspects procéduraux.

Deux arrêts rendus par le Tribunal de l’Union européenne le 15 septembre 2016 apportent de riches enseignements concernant la procédure à suivre pour évaluer et déclarer la taille de son entreprise lors de la procédure d’enregistrement des substances au titre du règlement n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit REACH.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Dans ces deux affaires, des sociétés requérantes ont procédé à l’enregistrement de plusieurs substances et ont déclaré être des moyennes et petites entreprises afin de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due pour toute demande d’enregistrement.

 

Après vérification des documents fournis par les requérantes, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait considéré, en application des règles prévues par la recommandation de la Commission 2003/361 du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, que l’une de ces entreprises devait être considérée comme une grande entreprise et que l’autre n’avait pas rapporté les preuves nécessaires aux fins de conclure qu’elle était une petite entreprise et devait donc également être considérée comme une grande entreprise. L’Agence avait donc demandé aux deux entreprises déclarantes, de payer une somme couvrant la différence entre la redevance payée initialement et celle finalement due, ainsi que le paiement d’un droit administratif. Les entreprises ont ensuite exercé un recours contre l’Agence.

Précision : comme le prévoit le règlement n° 340/2008 du 16 avril 2008 relatif aux redevances et aux droits dus à l’Agence en application de REACH, lorsqu’une personne physique ou morale qui prétend pouvoir bénéficier d’une réduction ou d’une exemption de redevance ne peut démontrer qu’elle a droit à une telle réduction ou exemption, l’Agence perçoit la redevance ou le droit intégral ainsi qu’un droit administratif.
 
Détermination des données à prendre en compte en présence d’entreprises partenaires ou liées à l’entreprise déclarante

Dans le cadre de l’affaire T-620/13, le Tribunal rappelle tout d’abord les règles concernant les données à prendre en compte afin de définir la taille de l’entreprise et ainsi calculer le montant de la redevance d’enregistrement. Ainsi dans le cas d’une entreprise dite autonome, la détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise.

 

Dans le cas d’une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, cela est plus complexe car il convient de rechercher les liens juridiques entretenus par la requérante avec d’autres entreprises au moment des faits. La détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue alors sur la base des comptes et autres données de l’entreprise ou, s’ils existent, des comptes consolidés de l’entreprise ou des comptes consolidés dans lesquels l’entreprise est reprise par consolidation, auxquels s’ajoute :

- les données des entreprises partenaires (situées immédiatement en amont ou en aval de l’entreprise considérée), et ce proportionnellement au pourcentage de participation au capital ou au pourcentage des droits de vote (en retenant le plus élevé de ces deux pourcentages) ;

- et 100 % des données des entreprises directement ou indirectement liées à l’entreprise considérée et qui n’ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation.

 

Dans cette affaire, l’ECHA avait donc pris en compte pour le calcul de la taille de l’entreprise, les données d’une entreprise qualifiée de « liée » à la société requérante et déclarante, et les données de deux autres entreprises qualifiées de « partenaires ». Sur la base de ces informations, elle avait retenu que la requérante avait un effectif égal ou supérieur à 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros et un bilan annuel supérieur à 43 millions d’euros et ne pouvait donc pas être qualifiée de moyenne entreprise (en application de l’article 2 de l’annexe de la recommandation du 6 mai 2003).

La requérante reprochait notamment à l’agence d’avoir pris en compte les données d’une entreprise liée à une de ses entreprises partenaire pour déterminer sa taille.

 

Dans cet arrêt, il est rappelé les règles suivantes :

- une entreprise qui détient la majorité du capital d’une autre entreprise est liée à cette dernière ;

- une entreprise est considérée comme partenaire avec une autre entreprise qui détient entre 25% et 50% de son capital social ;

- une entreprise liée à une entreprise partenaire d’une entreprise déclarante, est considérée comme une entreprise partenaire de cette dernière, et donc ses données doivent être prises en compte (au prorata pourcentage de participation au capital ou au pourcentage des droits de vote) pour calculer la taille de l’entreprise déclarante (en application de l’article 6, paragraphe 3 de l’annexe de la recommandation 2003/361) ;

- il faut pouvoir prouver par des éléments circonstanciés qu’une entreprise partenaire ne dispose pas de la majorité des droits de vote dans une entreprise liée.

Précision : en l’espèce, deux entreprises dont la requérante, avaient créé une entreprise commune, l’entreprise requérante détenant 49,995 %. Compte tenu de la majorité du capital détenu par l’entreprise dite partenaire, c’est cette dernière qui disposait donc formellement de la majorité des droits de vote au sein de l’entreprise commune, qui est liée à la requérante.

 

Dans l’arrêt rendu dans l’affaire T-392/13, le Tribunal rappelle aussi que l’ECHA :

- n’excède pas ses pouvoirs en demandant aux entreprises déclarantes des informations relatives à des entreprises partenaires ou liées ;

- peut analyser des entreprises déclarantes avec d’autres entreprises opérant sur des marchés différents ou agissant hors du champ d’application du règlement REACH.

Remarque : selon l’ECHA, l’analyse des relations qui peuvent exister entre différentes entreprises vise à exclure de la qualification de PME les groupes d’entreprises dont le pouvoir économique excéderait celui d’une PME. Ce pouvoir économique, à défaut d’indication contraire, ne saurait être limité à des groupes d’entreprises qui opéreraient sur les mêmes marchés, voire dans des secteurs entrant dans le champ d’application du règlement REACH. Toute autre interprétation reviendrait à vider de son sens la définition des PME contenue dans la recommandation 2003/361 précitée. Il en va de même de la distinction opérée par la requérante entre les entreprises « productrices » et les entreprises « importatrices ».
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Pas de recours contre certains documents n’ayant pas d’effets juridiques émis par l’ECHA

On peut retenir de l’arrêt rendu dans l’affaire T-392/13 que :

- les factures émises par l’ECHA, étant des actes d’exécution d’une de ses décisions et constituant donc des actes confirmatifs, les recours tendant à leur annulation sont irrecevables. C’est la décision qui  contient les éléments essentiels des obligations de la requérante et qui produit des effets juridiques à son égard qui est donc susceptible de recours ;

- les recours sont irrecevables contre un courrier électronique de l’ECHA, qui ne fait que répéter ce qui avait déjà été indiqué à la requérante durant la procédure administrative, et qui ne produit aucun effet juridique de nature à affecter les intérêts de la requérante ;

- les recours sont irrecevables contre une lettre de l’ECHA, qui ne visait qu’à répondre à une demande d’éclaircissement concernant une décision de l’Agence, sans pour autant produire d’effets juridiques obligatoires.

 

Compétence réaffirmée de l’ECHA pour évaluer la taille des entreprises déclarantes

Dans l’affaire T-392/13, la requérante soutenait que l’ECHA ne dispose pas de la compétence nécessaire aux fins d’évaluer la taille des entreprises déclarantes dans le cadre de la détermination de la redevance applicable à l’enregistrement en cause, une telle compétence serait dévolue à la Commission à l’instar de ce qui est prévu pour la fixation des redevances. Le Tribunal rappelle donc que l’ECHA dispose de la compétence nécessaire aux fins de vérifier que les conditions requises sont remplies pour qu’une entreprise déclarante puisse bénéficier d’une réduction de redevances ou de droits ou d’une exemption de redevance.

 

Le paiement d’un droit administratif n’est pas une sanction

Enfin, toujours dans l’affaire T-392/13, le Tribunal rappelle que l’imposition d’un droit administratif participe à l’objectif visant à décourager la transmission de fausses informations par les entreprises et qu’il ne saurait s’apparenter à une amende.

 

Il précise également que l’utilisation du singulier pour l’expression « droit administratif » dans la réglementation ne peut pas être interprétée comme l’obligation de fixer un droit administratif d’un montant identique pour toutes les entreprises déclarantes, quelle que soit leur taille. La poursuite de l’objectif cité ci-dessus peut impliquer de tenir compte de la taille réelle des entreprises déclarantes.

Anne-Laure Tulpain, Code permanent Environnement et nuisances
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