Négociation AT-MP : qu’y a-t-il dans le projet d'accord écrit par les partenaires sociaux ?

21.05.2023

HSE

Un ANI sur le fonctionnement de la branche AT-MP de la sécurité sociale est ouvert à signature. Organisations patronales et syndicales ont trouvé un accord sur la gouvernance de la branche, la prévention et la réparation. Il est par exemple prévu d’abaisser à 20% le taux minimum d’incapacité permanente pour accéder au processus de reconnaissance des MP hors tableau.

Le 16 mai 2023 au petit matin, les partenaires sociaux ont finalisé un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le fonctionnement de la branche AT-MP (accidents du travail - maladies professionnelles) de la sécurité sociale. Les organisations ont jusqu’au 31 mai pour le signer. Le minimum de signataires requis par le code du travail pour rendre l’ANI valide devrait être atteint. Les trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) et au moins la CFDT et la CFE-CGC devraient a priori en être.

La philosophie de cet accord est surtout de fixer des orientations qui seront ensuite portées par la branche une fois que son pilotage sera réformé. Les mesures concrètes du texte sont peu nombreuses mais l’une d’entre elles consiste à reprendre la main sur la branche. Le souhait est de transformer la  CAT-MP (commission des accidents du travail et des maladies professionnelles) – aujourd’hui « aux ordres » de l’administration, image Mireille Dispot, cheffe de file de la délégation CFE-CGC – en véritable conseil d’administration paritaire. Une mesure qui nécessitera une traduction législative.

Prévention

Les partenaires sociaux souhaitent « affecter 100 millions d’euros supplémentaires chaque année sur le volet prévention par rapport à la précédente COG (convention d’objectifs et de gestion) ». Mais ils demandent, comme y tenaient des organisations syndicales, un suivi a posteriori de l’impact des aides financières aux entreprises. Ils déclarent d’ailleurs qu’il faut augmenter rapidement de 20 % le nombre d’ingénieurs conseils et contrôleurs de sécurité des Carsat. Catherine Pinchaut, de la CFDT, s’en félicite : « L’un des points importants de cet accord sont les moyens financiers et humains que l’on fixe pour la prévention ».

L’idée est aussi de ne pas limiter les aides aux entreprises ayant la plus forte sinistralité. Et de « toucher plus largement le grand public ». Un souhait raccord avec le ministre du travail qui a annoncé il y a quelques semaines dans Le Figaro une campagne de sensibilisation nationale.

La réforme des retraites crée le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle. Le sujet de l’usure professionnelle a été un sujet de tensions lors de la négociation. Pour autant, ce sera bien à la branche de définir les orientations du fonds. Les partenaires sociaux se sont accordés pour reprendre la définition de l’Anact, qui comporte l’usure psychique.

 

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Réparation

Alors même que le diagnostic partagé en préambule des discussions faisait état de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des AT et MP, la réparation a été le sujet le plus épineux de cette négociation. L’abaissement du taux minimum d’incapacité permanente de 25 % à 20 % pour accéder au processus de reconnaissance des MP hors tableau a finalement été arraché au dernier moment par les organisations syndicales. Certaines, comme la CFTC, voulaient carrément supprimer ce taux. « C’est une belle victoire syndicale et pour les salariés, puisque le taux n’avait pas baissé depuis 20 ans », commente Éric Gautron, chef de file FO pour la négociation.

Alors que les CRRMP (comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles), chargés d’étudier ces dossiers, sont déjà sous l’eau par manque de médecins inspecteurs du travail, le texte prévoit aussi de réétudier d’ici deux ans et demi une baisse plus importante du taux. L’idée derrière est de regarder de plus près les décisions des CRRMP et ainsi de voir si certaines pathologies récurrentes ne pourraient pas faire l’objet de nouveaux tableaux de MP.

 

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Les partenaires sociaux s’accordent sur l’objectif de mettre à jour et adapter les tableaux existants, voire d’en créer de nouveaux. Ils prévoient de donner les moyens nécessaires au Coct (conseil d’orientation des conditions de travail) pour le faire. Ils demandent aussi à ce que l’administration publie les tableaux de manière accélérée dès lors qu’ils sont validés par les partenaires sociaux.

 

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Barèmes

Côté réparation toujours, l’accord prévoit un abaissement du taux d’incapacité permanente de 80 % à 40 % pour bénéficier de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne, une aide pour financer une aide à domicile en cas d’AT ou MP. Cela demandera une évolution réglementaire.

Les partenaires sociaux en appellent au législateur pour « prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que la nature duale de la rente AT-MP ne soit pas remise en cause ». Jusqu’alors, la Cour de cassation jugeait que la rente prévue versée aux victimes d’AT ou MP en cas de faute inexcusable de l’employeur indemnisait à la fois la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.

En janvier 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence : elle considère désormais que la rente versée par la CPAM ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. « Nous sommes embêtés parce que comme les barèmes sont construits sur cette dualité, cela risque de remettre en cause leur construction… », explique une négociatrice.

Incapacité versus maladie professionnelle

Une discussion sur la réforme des barèmes avait déjà débuté au sein du Coct, mais elle a été abandonnée. Les partenaires sociaux souhaitent la reprendre, indiquent-ils dans l’accord. Ils renvoient d’ailleurs souvent à des études préalables et à l’ouverture de réflexions, par exemple sur la cohérence des dispositifs d’incapacité ou d'invalidité avec la rente AT-MP, souvent non sollicitée parce que moins avantageuse. Les questionnements sont également lancés sur la couverture prévoyance, ou encore la meilleure prise en charge des frais médicaux en cas de maladie professionnelle.

La conclusion de ce projet d’ANI s’inscrit dans l’agenda économique et social autonome qu’ont décidé les partenaires sociaux au printemps 2021. Les premières discussions ont démarré en juillet 2022. Après s’être mis d’accord sur le diagnostic, ils ont démarré les négociations à proprement parler en décembre.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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