"Notre mission est loin d’être finie, elle évolue car le travail se transforme"

"Notre mission est loin d’être finie, elle évolue car le travail se transforme"

08.02.2024

Gestion du personnel

Caroline Gadou, directrice générale de l’Anact revient, à l’occasion des 50 ans de l’agence, sur le rôle et les missions de l’institution. 3 000 entreprises sont accompagnées chaque année. Interview.

Quelles étaient à l’origine les ambitions de l’Anact ?
La création de l’Anact s’inscrit dans le contexte post 68, une période marquée par de fortes revendications sociales. L’Etat et les partenaires sociaux ont alors faire part de leur volonté d’"humaniser" le travail, avec l’ambition de sortir du taylorisme, de se pencher sur les nouveaux modèles productifs et de prendre davantage en compte l’avis des salariés pour définir l’organisation du travail.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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C’est pour répondre à ces objectifs que l’Anact a été créée, sous forme d’agence publique tripartite dont la gouvernance est portée par l’Etat, les organisations syndicales et professionnelles. 290 salariés y travaillent aujourd’hui.

Comment les entreprises se sont-elles appuyées progressivement sur votre expertise ?

  L’agence a développé, à partir des années 80, des interventions auprès des entreprises

Si au départ, l’Anact s’est concentrée sur des missions de veille, chargée de produire des études et de diffuser de bonnes pratiques, l’agence a développé, à partir des années 80, des interventions auprès des entreprises, principalement des PME/TPE qui ont particulièrement besoin d’aide. 3 000 entreprises sont accompagnées chaque année sur toute la France grâce à la création, toujours dans les années 80, d’antennes régionales, devenues depuis janvier 2023, des entités à part entière de l’Anact implantées dans chaque région ainsi que dans une partie de l’outre-mer (Martinique, Guadeloupe et La réunion).

Quels ont été les faits marquants concernant l’amélioration des conditions de travail ?

L’Anact a démontré qu' il y avait bien un lien de cause à effet entre TMS et organisation du travail 

Dès les années 80, nous nous sommes impliqués dans les questions du temps de travail afin de venir en appui à la fois aux entreprises et aux salariés, qu’il s’agisse des temps de pause, des congés, des horaires décalés, de la réduction du temps de travail. Puis, dans les années 2000, nous nous penchés sur les troubles musculosquelettiques qui restent encore aujourd’hui une maladie professionnelle très importante. L’Anact a démontré que, contrairement à l’avis de nombreux experts, il y avait bien un lien de cause à effet, entre maladie et organisation du travail. C’est-à-dire que les TMS ne relevaient pas d’une dimension physiologique individuelle mais étaient liés à certaines formes d’organisation du travail, par exemple, le travail répétitif, l’absence de pause, le manque de formation. Nous pouvions donc répondre à ce problème en travaillant sur l’organisation du travail, à l’échelle d’une équipe.

Autre sujet d’importance : les risques psychosociaux. Là encore, nous avons mis en évidence, avec d’autres organismes, que le stress n’était pas uniquement une faiblesse individuelle mais qu’il se développait dans un contexte de fortes contraintes sur lequel le salarié n’avait pas de prise.

Enfin, l’Anact a porté les sujets de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), en s’appuyant sur l’ANI de 2013, puis la loi du 2 août 2021. Nous avons développé des actions dans le domaine des secteurs sanitaires, médico-sociaux et dans l’agro-alimentaire.

Justement, le concept de QVT, tel que défini dans l’ANI de 2013, a été complètement dévoyé, avec des actions sans aucun lien avec le travail ou l’organisation du travail (cours de yoga, baby-foot, sieste…). L’agence n’a pas réagi. Pourquoi ? La loi du 2 août 2021 a dû d’ailleurs renommer QVT en QVCT pour le rappeler et montrer qu’il s’agit d’abord de parler du travail.

Il y a des pratiques qui sont diverses. Notre objectif est de former les partenaires sociaux à ces démarches et de mener des actions de sensibilisation auprès d’acteurs régionaux (branches professionnelles, conseils régionaux, organismes de prévention…). C’est par ces relais que nous faisons connaître ce qu’est une véritable démarche QVCT, notre méthodologie et surtout par ce biais que nous pouvons démystifier le sujet, encore trop souvent considéré comme complexe et chronophage.

Il y a énormément de documents et guides sur le site de l’Anact. Si un préventeur ou un professionnel RH se demande par où commencer sur la mise en place d’une vraie démarche de QVCT, que préconisez-vous ?

Sur la QVCT, nous avons produit un document pédagogique au début de l’automne 2023 le référentiel qualité de vie et des conditions de travail qui vise à accompagner des PME. Il n’y pas de modèle unique mais nous donnons ici un cadre d’action qui permette à chaque entreprise, en fonction de son contexte et de ses besoins, de mettre en place son propre référentiel.

Comment expliquez toutefois, après 50 ans d’existence, l’état des santé des travailleurs aujourd’hui ; de nombreuses enquêtes faisant état du mal-être des salariés ?h

Notre mission n’est pas de contrôler, ni de produire des textes réglementaires

La mission de l’Anact n’est pas de contrôler, ni de produire des textes réglementaires. Nous n’avons pas non plus de moyens de sanctionner.

Notre rôle est d’accompagner les entreprises qui ont le souhait de travailler sur les conditions de travail. Or, rien n’est simple. Les entreprises peinent à appréhender la démarche dans sa globalité, elles n’ont pas forcément les clefs pour entreprendre concrètement des améliorations. Notre mission reste d’actualité pour apporter en permanence des solutions qui correspondent à leurs besoins, via la prise en compte du travail réel et les relations professionnelles, tout en identifiant les sujets de demain. Nous devons avoir ce rôle d’anticipation. Notre mission est loin d’être finie, elle évolue car le travail se transforme.

Quels sont ces nouveaux enjeux ?

Nous concentrons une partie de nos travaux sur les transitions, à la fois numérique avec l’IA générative, mais aussi écologique avec le dérèglement climatique et la décarbonation. Ces mutations changent notre façon de produire mais aussi de travailler. Nous nous interrogeons aussi sur la question du sens au travail.

Nous encourageons les acteurs des entreprises, dirigeants et salariés, à travailler ensemble pour repenser les organisations du travail bousculées par ces évolutions.

Quel est votre analyse sur la mise en place en place du travail hybride ? 

Il est primordial que le télétravail soit un sujet de dialogue social mais aussi de dialogue professionnel

C’est une nouvelle forme de travail qui a des effets positifs mais qui doit être accompagnée. Il est primordial que le télétravail soit un sujet de dialogue social mais aussi de dialogue professionnel dans l’entreprise pour se donner des marges de manœuvre. Il est également important d’adapter le management ; des difficultés peuvent survenir pour les encadrants et avoir des répercussions sur les salariés. Attention également aux collectifs de travail ; il faut savoir garder des temps conviviaux, de professionnalisation grâce aux échanges avec les collègues et faciliter l’intégration des nouvelles venues.

Bien encadré, le télétravail peut ainsi permettre de concilier les temps de vie, de fidéliser les salariés, d’accompagner les fins de carrière ou encore de prévenir l’usure professionnelle en constituant des équipes de binômes ou de trinômes.

Quelle est aujourd’hui votre feuille de route ?

Nos sujets d’étude portent actuellement sur la QVCT, le dialogue social, l’égalité professionnelle, l’accompagnement des transitions, la prévention de l’usure et du maintien dans l’emploi. Des sujets plus que jamais d’actualité avec l’allongement de la vie active. Ces thèmes sont au coeur de notre contrat d’objectifs et de performance conclu avec l’Etat, pour période 2022-2025.

Anne Bariet
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