Nouveaux seuils de la directive comptable : quels impacts en France ?

Nouveaux seuils de la directive comptable : quels impacts en France ?

25.10.2023

Gestion d'entreprise

La Commission européenne a relevé les seuils monétaires de la directive comptable de 25 % (et de 28,6 % pour les micro-entreprises). Cette décision, si elle n'est pas bloquée par le Parlement européen ou le conseil de l'Union européenne, donnera à la France la liberté de modifier (parfois davantage) le périmètre de certaines obligations parmi lesquelles celles d'audit légal des comptes et de publication des comptes annuels.

Il n'y a pas eu de surprise. Comme projeté, la Commission européenne a relevé les seuils monétaires (bilan et chiffre d'affaires) de la directive comptable (Icône PDFdirective 2013/34/UE) dans l'objectif d'améliorer la compétitivité des PME. Pour ce faire, elle a utilisé le moyen juridique à sa disposition, celui d'un Icône PDFacte délégué qui tienne compte de l'inflation (article 3, paragraphe 13 de la directive) sachant que les seuils n'avaient pas été modifiés depuis 2013 — un acte délégué peut toutefois être rejeté par le Parlement européen ou le conseil de l'Union européenne dans un délai de 2 mois qui peut être étendu à 4 mois ; l'acte délégué entrerait en vigueur le troisième jour suivant sa publication au journal officiel de l'Union européenne. Rappelons que l'analyse des niveaux de bilan, de chiffre d'affaires et d'effectif salarié détermine la catégorie à laquelle appartient une entreprise au sens de la directive comptable. Cela conditionne ainsi les obligations (et les options) notamment de préparation comptable, de publication des comptes annuels, de contrôle légal des comptes et de reporting de durabilité.

Les seuils de bilan et de chiffre d'affaires qui définissent les catégories d'entreprise et de groupe sont ainsi relevés de 25 % et même, pour des raisons d'arrondi, de 28,6 % pour la catégorie des micro-entreprises. Les Etats membres sont tenus d'appliquer ces changements pour les exercices comptables commençant le 1er janvier 2024 ou après cette date. Ils peuvent toutefois autoriser les entreprises à les appliquer aux exercices comptables commençant le 1er janvier 2023 ou après cette date.

Audit : les seuils français deviennent très éloignés de ceux européens

Qu'est-ce que cela peut changer pour la France ? Nous présentons dans les tableaux ci-dessous les principaux impacts potentiels pour les sociétés en France (nous n'avons pas traité ceux pour les groupes). Parmi eux, celui de l'audit légal des comptes. Actuellement — depuis la loi Pacte —, les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée ou encore les sociétés par actions simplifiées sont tenues de désigner un commissaire aux comptes lorsque deux des seuils suivants sont dépassés : 4 millions d'euros de bilan, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires et 50 salariés. La France peut rester sur ces niveaux-là mais elle se trouverait alors très éloignée des exigences européennes où seules les moyennes et grandes entreprises sont tenues de désigner un contrôleur légal des comptes (ainsi que les entités d'intérêt public et certains groupes). En effet, le relèvement des seuils de la directive comptable aura pour conséquence de rendre obligatoire le contrôle légal des comptes de ces sociétés lorsqu'elles dépassent deux des trois seuils suivants : 7,5 millions d'euros de bilan, 15 millions d'euros de chiffre d'affaires, 50 salariés. Soit des niveaux de bilan et de chiffre d'affaires près de deux fois supérieurs à ceux français.

Autre exemple, celui de la confidentialité du compte de résultat des petites entreprises, la France ayant décidé de lever cette option via un mécanisme d'accès à ce document réservé à certaines parties prenantes. Cette possibilité est ouverte aujourd'hui dans l'Hexagone aux entreprises qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : 6 millions d'euros de total bilan, 12 millions d'euros de total de chiffre d'affaires et 50 salariés. La France a l'opportunité de relever les deux premiers seuils respectivement à 7,5 et 15 millions euros.

Micro-entreprise : définition et caractéristiques prévues par la directive comptable
Définition actuelle

Une micro-entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 350 000 euros de total bilan ;

► 700 000 euros de chiffre d'affaires ;

► 10 salariés

Les Etats membres ne sont toutefois obligés de créer la catégorie des micro-entreprises que pour pouvoir appliquer une ou plusieurs options prévues à l'article 36 de la directive

Principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne et situation en France (*)

► Possibilité d'être exempté d'établir une annexe.

La France a levé cette option (article L 123-16-1 du code de commerce)

 

Possibilité de ne pas publier les comptes annuels.

La France a levé cette option mais l'accès aux comptes annuels demeure pour certaines parties prenantes (article L 232-25 du code de commerce).

► Possibilité d'établir un bilan abrégé.

La France a levé cette option pour les micro-sociétés en sommeil (article L 123-28-2 du code de commerce).

 

► Possibilité d'établir un compte de résultat abrégé.

La France a levé cette option pour les micro-sociétés en sommeil (article L 123-28-2 du code de commerce).

Les micro-entreprises sont exemptées d'établir un reporting de durabilité

Les micro-entreprises ne sont pas tenues de désigner un contrôleur légal des comptes

► Les micro-entreprises sont par ailleurs considérées comme des petites entreprises

Nouvelle définition adoptée par la commission européenne

Entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 450 000 euros de total bilan ;

► 900 000 euros de chiffre d'affaires ;

► 10 salariés

Les Etats membres ne sont toutefois obligés de créer la catégorie des micro-entreprises que pour pouvoir appliquer une ou plusieurs options prévues à l'article 36 de la directive

(*) Les principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne sont présentées en gras, les choix de la France sont soulignés et présentés en italique
 
Petite entreprise : : définition et caractéristiques prévues par la directive comptable
Définition actuelle

Entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 4 millions d'euros de total bilan ;

► 8 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 50 salariés

Les Etats membres peuvent relever les seuils de bilan et de chiffre d'affaires jusqu'à respectivement 6 millions d'euros et 12 millions d'euros. La France a levé cette option aux niveaux les plus élevés (bilan de 6 millions d'euros, chiffre d'affaires de 12 millions d'euros) sauf pour la désignation obligatoire du commissaire aux comptes laquelle est fixée sur les seuils les plus bas (bilan de 4 millions d'euros, chiffre d'affaires de 8 millions d'euros)

Principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne et situation en France (*)

Les petites sociétés ne sont pas tenues de désigner un contrôleur légal des comptes

 

► Les États membres peuvent autoriser les petites entreprises à établir un compte de résultat abrégé

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

Les États membres peuvent autoriser les petites entreprises à établir un bilan abrégé

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

Les petites sociétés cotées sur un marché réglementé dans l'Union européenne sont soumises au futur reporting de durabilité (avec des normes spécifiques aux PME) lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

 

Les États membres peuvent exempter les petites entreprises d'établir un rapport de gestion

La France a levé cette option (article L 232-1 du code de commerce).

Les États membres peuvent exempter les petites entreprises de l'obligation de publier leur compte de résultat.

La France a levé cette option mais l'accès au compte de résultat demeure pour certaines parties prenantes (article L 232-25 du code de commerce).

La France donne aussi aux petites entreprises la possiblité d'amortir comptablement leurs fonds commerciaux sur dix ans (article 214-3 du plan comptable général)

Nouvelle définition adoptée par la commission européenne

Entreprise qui ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 5 millions d'euros de total bilan ;

► 10 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 50 salariés

Les Etats membres peuvent relever les seuils de bilan et de chiffre d'affaires jusqu'à respectivement 7,5 millions d'euros et 15 millions d'euros

(*) Les principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne sont présentées en gras, les choix de la France sont soulignés et présentés en italique

 
Moyenne entreprise : définition et caractéristiques prévues par la directive comptable
Définition actuelle

Une moyenne entreprise est une entreprise qui n'est pas une micro-entreprise ou une petite entreprise et qui, à la date de clôture du bilan, ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 20 millions d'euros de total du bilan ;
► 40 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 250 salariés

Principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne et situation en France (*)

Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à établir un compte de résultat abrégé.

La France a levé cette option (article L 123-16 du code de commerce).

 

Les moyennes sociétés cotées sur un marché réglementé dans l'Union européenne sont soumises au futur reporting de durabilité (avec des normes spécifiques aux PME) lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

► L'annexe doit contenir des informations complémentaires au cadre commun

► Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à publier un bilan abrégé

La France a levé cette option (article L 232-25 du code de commerce).

 

Les États membres peuvent autoriser les moyennes entreprises à publier une annexe abrégée

La France a levé cette option (article L 232-25 du code de commerce).

 

Les moyennes sociétés doivent désigner un contrôleur légal des comptes

Nouvelle définition adoptée par la commission européenne

Une moyenne entreprise est une entreprise qui n'est pas une micro-entreprise ou une petite entreprise et qui, à la date de clôture du bilan, ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 25 millions d'euros de total du bilan ;
► 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 250 salariés

(*) Les principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne sont présentées en gras, les choix de la France sont soulignés et présentés en italique

 
Grande entreprise : définition et caractéristiques prévues par la directive comptable
Définition actuelle

Une grande entreprise est une entreprise qui, à la date de clôture du bilan, dépasse les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 20 millions d'euros de total du bilan ;
► 40 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 250 salariés

Principales caractéristiques à l'échelle de l'Union européenne

Les grandes entreprises sont soumises au futur reporting de durabilité lequel doit faire l'objet d'un contrôle externe

► L'annexe doit contenir des informations complémentaires au cadre commun

► Les grandes entreprises doivent désigner un contrôleur légal des comptes

Nouvelle définition adoptée par la commission européenne

Une grande entreprise est une entreprise qui, à la date de clôture du bilan, dépasse les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

► 25 millions d'euros de total du bilan ;
► 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ;

► 250 salariés

 

Ludovic Arbelet

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