Nuisances aéroportuaires : l'ACNUSA remet son rapport annuel

10.06.2020

Environnement

A cette occasion, l'Autorité de contrôle fait le bilan des suites données aux recommandations de 2019 et émet trois nouvelles recommandations pour l'année en cours.

Le 27 mai dernier, l'ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires) a remis son rapport public 2020 au secrétaire d'Etat chargé des transports auprès du ministère de la transition écologique.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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L'Autorité de contrôle donne les résultats des avancées des recommandations précédemment formulées (83 % des recommandations émises entre 2010 et 2018 ont été suivies ou sont en passe de l'être) et réaffirme que "la protection de la période nocturne reste la priorité majeure, et que les mesures de compensation pour les riverains sont essentielles pour traduire la solidarité nationale". La mobilisation des principaux acteurs de la communauté aéroportuaire (exploitants aéroportuaires, assistants d'escale, opérateurs aériens, services de l'aviation civile, collectivités territoriales et associations, institutions nationales et européennes) reste au cœur de la dynamique de l’ACNUSA pour accroître les performances environnementales. 

Trois nouvelles recommandations adressées au ministère chargé de la transition écologique
Pour un management attentif des suites à donner aux études d'approche équilibrée 

L’Autorité de contrôle recommande au ministère de mener à leur terme les études d'approche équilibrée prescrites par le règlement (UE) n° 598/2014 du 16 avril 2014 (Etablissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union, dans le cadre d’une approche équilibrée, pour chaque grand aéroport).

 

Ces études sont une opportunité pour exprimer clairement, au regard des objectifs locaux, "les réductions des nuisances sonores rendues possibles par la mobilisation effective de chacun des quatre piliers de l’approche équilibrée définies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)".

 

Pour l'Autorité de contrôle, "la recherche des bons équilibres devrait permettre de moderniser le cadre réglementaire d’exploitatiion de chacun des grands aéroports français".

 

L’aboutissement de ces démarches est souhaitable au second semestre 2020 "pour fonder un écosystème de confiance avec les collectivités et populations concernées permettant d’accompagner la reprise progressive des activités aéroportuaires sur des bases plus respectueuses de l’environnement et de la santé".

Pour un cadre législatif et réglementaire renforcé du contrôle des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre générées par les activités aéroportuaires

L’ACNUSA recommande de compléter le code des transports et le code de l’environnement afin de permettre le suivi et le contrôle effectifs de telles émissions.

Il s’agit ici :

  • de compléter les articles L. 6361 à L. 6372 du code des transports pour "poser les bases juridiques nécessaires en matière de nuisances aéroportuaires dues aux émissions atmosphériques, à l’image des bases juridiques existantes en matière de nuisances sonores" ;
  • de prendre les textes nécessaires, aux niveaux national et local, "pour permettre de moduler les tarifs aéroportuaires en fonction des émissions et pour définir le cadre réglementaire d’exploitation des grands aéroports afin de restreindre l’usage des sources fortement émissives" ;
  • d’indiquer dans le code de l’environnement "les plans et programmes relatifs à la qualité de l’air et au climat propres à chacune des grandes plateformes ou relatifs à des territoires aéroportuaires pour lesquels un avis de l’Autorité de contrôle est requis".

 

Focus sur le développement des moyens de substitution pour une moindre utilisation des auxiliaires de puissance (APU)

Une synergie entre les acteurs doit être développée sur ce sujet. La posture consistant à considérer la limitation de l’usage de l’APU comme une entrave à la performance économique d’un aéroport ou d’une compagnie aérienne n’est plus audible, selon l'ACNUSA.

 

En 2019, l’Autorité de contrôle a pu "heureusement" constater des discours convergents des compagnies aériennes, des assistants d’escale et des sociétés d’exploitation aéroportuaire, sur la nécessaire évolution des pratiques relatives aux moteurs auxiliaires de puissance jugés unanimement bruyants et polluants. Chacun souligne cependant sa dépendance vis-à-vis de ses partenaires.

 

L'Autorité de contrôle appelle instamment à une action coordonnée environnementale globale de chaque aéroport :

- compagnies aériennes : le choix des options qu’elles choisissent dans leurs contrats avec les assistants d’escale est déterminant pour que ceux-ci puissent investir dans un matériel adapté aux besoins ;
- gestionnaires d'aéroports : la planification et la programmation des investissements idoines (prises 400 Hz, arrivées d’air et zones suffisantes de chargement des batteries des engins mobiles) sont nécessaires et l’amortissement de ces investissements dépend des clauses de leurs contrats avec les assistants d’escale ;
- assistants d'escale : le déploiement de nouveaux matériels n’est amortissable que par la contractualisation opérée d’une part avec les compagnies aériennes, d’autre part avec les sociétés aéroportuaires ;
- agents de l'Etat assermentés à cet effet : la modernisation et la systématisation des contrôles permettra de faire respecter les règles visant à interdire l’usage abusif des APU.

Pour une adéquation des objectifs et des moyens permettant de rétablir la confiance avec les collectivités territoriales et les populations

L’Autorité de contrôle recommande au ministère de "procéder à une certaine déconcentration de la régulation environnementale et sanitaire des aéroports afin de faciliter l’articulation des compétences de l’État avec celles des grandes collectivités territoriales (métropoles et régions) sur et autour des aéroports".

Précision : il importe en effet de pouvoir mieux assurer, au niveau territorial, la mise en oeuvre de politiques transverses et de politiques sectorielles relevant pour partie des collectivités territoriales.

Les articles L. 6363-1 à L. 6363-7 du code des transports pourront notamment être mobilisés, après adaptation éventuelle, pour gagner en efficience territoriale.

Demandes d'études adressées au même ministère
Possibilité de traiter automatiquement les données de manière à systématiser et fiabiliser les constats de manquement aux règles environnementales, les procès-verbaux et les dossiers d’instruction
Considérant les ressources humaines limitées consacrées par la Direction de la sécurité de l’aviation civile et la gendarmerie du transport aérien à la police de l’environnement, l’ACNUSA demande d’étudier, dans le cadre de la modernisation de l’État, "la possibilité de traiter automatiquement les données des systèmes d’information existants afin de fiabiliser les constats de manquement aux règles environnementales, les procès-verbaux et les dossiers d’instruction".
L’Autorité de contrôle engage les études préliminaires et suggère à l’administration de commencer par le contrôle de l’usage des moteurs auxiliaires de puissance (APU) lorsque les aéronefs sont en stationnement, celui des trajectoires dans les volumes de protection environnementale tels que définis par l’article L. 6362-1 du code des transports et le respect des règles protectrices des riverains en période nocturne.
"L’automatisation, partielle ou totale, des procédures de police de l’environnement permettra de réduire les délais et incitera les personnes concernées à procéder plus rapidement aux retours d’expériences afin d’éviter de récidiver". L’Autorité de contrôle restera la garante du respect des droits des personnes poursuivies par l’administration.

Engager, pour les principaux aéroports ultramarins, les études d’approche équilibrée 

L’Autorité de contrôle recommande d’engager, dès 2020, pour certains aéroports ultramarins, les études d’approche équilibrée, au sens de l’OACI et du règlement (UE) n° 598/2014. Si ces études sont obligatoires pour les aéroports dont le trafic dépasse les 50 000 mouvements de plus de 3,4 tonnes par an, "il est à rappeler que la sensibilité environnementale et sanitaire de ces territoires justifie de ne pas attendre le franchissement de ce seuil pour agir".
Précision : il s’agit d’anticiper l’obligation de recherche de performance environnementale. Ces études pourraient être utilement engagées pour les aéroports dont le trafic a dépassé ou approché les 40 000 mouvements au cours des dernières années.
L’ACNUSA suggère parallèlement d’envisager, avec deux autres États membres de l’Union européenne (Espagne et Portugal), un programme européen visant à la réduction et à la compensation des nuisances aéroportuaires se répercutant sur les territoires ultrapériphériques. Un tel programme permettrait de "soutenir les opérateurs et les collectivités territoriales pour réaliser les investissements vertueux nécessaires". "Il pourrait être pertinent que ce programme européen porte à la fois sur la réduction des nuisances portuaires et aéroportuaires afin de permettre une prise en compte globale et cohérente de l’impact des trafics sur l’environnement, la santé et le climat de ces territoires fragiles".
Remarque : cette demande d’étude annule et remplace la demande d’étude 2019/3 à laquelle il n’a pas été donné suite. Au regard de l’augmentation des prix du transport aérien dans ces territoires au cours de l’année 2019 et de la crise sanitaire, il apparaît en effet difficile de déployer outre-mer, sans un appui communautaire, les dispositions appliquées dans l’Hexagone.
 
 
Martine Tudez, Code permanent Environnement et nuisances

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