Nullités facultatives de la période suspecte

13.01.2023

Gestion d'entreprise

Le paiement de prestations en application d’une convention d’assistance et de conseil intervenu en conciliation, est soumis aux nullités facultatives

Dans le cadre d’une conciliation ouverte le 21 avril 2017, une « convention d’assistance et de conseil » est passée entre une société spécialiste en management de crise, la société débitrice représentée par sa présidente, et une autre société, le 23 juin 2017. Le 31 juillet 2017, la société en management de crise qui s’était vu confier la présidence de la société débitrice par la convention précitée, déclare la cessation des paiements de cette dernière. Sa liquidation judiciaire est ouverte le 4 août 2017 et un plan de cession est arrêté le 13 octobre.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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In fine, la date de cessation des paiements initialement fixée au 4 août est reportée au 31 décembre 2016. Or entre le 23 juin 2017, date de la convention avec la société en management de crise, et le 4 août, date du jugement d’ouverture, donc durant la période suspecte, la société débitrice a versé à la société de management une somme d’environ 380 000 euros, les 5, 25 et 31 juillet, au titre de la rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d’assistance et de conseil.

Les juges du fond déclarent nuls ces paiements, sur le fondement des nullités facultatives prévues par l’article L. 632-2 du code de commerce, condamnant en conséquence la société de management à payer la somme précitée avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts, au liquidateur. On rappellera que le prononcé des nullités facultatives suppose la connaissance de l’état de cessation des paiements de celui qui a traité avec le débiteur pendant la période suspecte.

Mais en l'occurrence, la société de management invoquait notamment « qu’en cas d’insolvabilité ultérieure d’un débiteur, le paiement d’honoraires pour la recherche d’assistance et de conseils professionnels, lorsqu’ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d’un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul » et d’ajouter qu’en l’espèce, « ces paiements avaient été versés en exécution d’une convention d’assistance et de conseils dont l’objet était de faire bénéficier » la société débitrice, de son « assistance dans le processus de cession et dans la négociation avec ses créanciers ». Et d’en déduire que les juges d’appel avaient violé l’article L. 632-2 du code de commerce interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019.

Aussi bien, même si le plaideur ne cite pas expressément d’article de la directive on peut penser qu’il s’agit de l’article 18 (V. également, Considérant n° 67). En son 1, ce texte précise en effet que les États membres veillent « à ce que, en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, les transactions qui sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration ne soient pas déclarées nulles, annulables ou inopposables au motif que de telles transactions seraient préjudiciables à la masse des créanciers, sauf si d'autres motifs supplémentaires prévus par le droit national le justifient ». Mais il est ajouté au 3 que les États membres peuvent prévoir que le 1 « ne s'applique pas aux transactions qui sont exécutées après que le débiteur se soit trouvé dans l'incapacité de payer ses dettes à l'échéance ». Or, en droit français, sauf le cas particulier des actes à titre gratuit faits dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements (C. com., art. L. 632-1, II), les nullités qu’elles soient de droit ou facultatives, ne s’appliquent qu’aux actes accomplis après cessation des paiements. Il nous semble donc que, de toute manière le droit français est en phase avec le droit européen.

Quoi qu’il en soit, pour la Cour de cassation, la société de management n’a pas soutenu devant la cour d’appel que la société débitrice bénéficiait alors d’une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive, au sens de la directive, mais elle ajoute surtout que le moyen qui postule « à tort que l’article L. 632-2 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive dont la transposition par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas modifié ce texte, n’est donc pas fondé ». Et, elle rejette le pourvoi.

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
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